Q comme Queen Mimosa 3

L'Abécédaire |

En mai… on connaît bien l'adage : écoute ce qu'il te plaît. Où l'on s'éloigne des territoires science-fictifs pour décider de faire fi du bon goût et d'écouter l'electro-pop queer et déjantée de Queen Mimosa 3.

Diverses chansons, Queen Mimosa 3, 2006 – maintenant.

Dans cet Abécédaire, on s’est efforcé de chroniquer des disques exigeants, demandant parfois quelques efforts. Du folk lituanien, de l’electronica pointue, de l’ambient, les œuvres choisies de David Bowie, Brian Eno et Scott Walker… Un jour, pourquoi pas, de la kosmische Musick en provenance d’ex-Allemagne de l’est (oui, ça existe).

Et vous savez quoi ? Fuck le bon goût et le sens de la mesure, et écoutons Queen Mimosa 3. L’un des artistes favoris de Christine Boutin, sans le moindre doute.

« Le mec que tu vois c’est QM3 / Il est plus hot que ta petite culotte » (« On s’la pète »)

Avec Queen Mimosa 3, les années 80 sont réactualisées, au son d’une « electro glam-trash » pour reprendre les mots de son auteur en 2007. Des chansons sautillantes, aux mélodies irrésistibles. À l’inverse de l’actuelle (et excitante) vague dark synthwave, qui ressort les synthés et s’inspire de certains films de genre, Blade Runner ou Akira en tête – et sur laquelle on aura sûrement l’occasion de revenir –, QM3 cherche à retrouver l’immédiateté des tubes pop des décennies 80, les synthés à donf, les mélodies catchy et acidulées, avec des textes faussement naïfs – et une voix un peu outrée… à laquelle, certes, on peut ne pas adhérer.

« En topless
Remue ton coeur trop lourd
Sur des sons qui t'oppressent
Secoue-toi mon amour
Oublions les pensées rétro
Qui cloisonnent ton cerveau »

Existant depuis 8 ans, Queen Mimosa 3 est en fait le projet d’une seule personne, Jonathan Icher, qui signe paroles, musiques et l’aspect visuel – mais la tatoueuse Noémie Alazard collabore régulièrement depuis quelques temps. Le nom, de l’aveu de J. Icher, provient tout droit de Notre-Dame-des-Fleurs de Jean Genet – chose qui, si besoin était, donnerait déjà quelque indication sur la tonalité de l’ensemble. En d’autres mots, les postures machos et viriles du hip-hop ou du hard rock ne sont pas tellement de mise ici. Au fil des chansons, que QM3 égrène sur YouTube, apparaît tout un univers, flashy et clinquant (des paillettes et du gloss !), volontiers queer, et où la mélancolie n’est jamais loin (« Ne m’embrasse pas » par exemple). Les questions de genre transparaissent notamment dans « Androginy ». Les textes sont chantés en anglais ou en français ; au départ hédonistes et festifs, un brin vulgaires, ils gagnent en qualité au fil du temps – sans perdre de leur salacité. Honte de rien.

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Les années 80 sont présentes en force, à l’image du clip de « Let’s go crazy » (rien à voir avec la chanson éponyme de Prince) qui collisionne le David Bowie de « Life on Mars » avec le Club Dorothée et des animés japonais tout droit sortis des 80s). QM3 va au-delà de cette seule décennie : la chanson « Starman » (référence à Bowie ?) commence certes par ces mots, « Fan des années 80 », mais cite Roxy Music, le Velvet Underground et « Stuntman » de Kasabian. Ailleurs, on peut encore discerner des références plus ou moins obliques à Iggy Pop ou les Village People. Musicalement, QM3 se rapproche des Rita Mitsouko ou de Yelle pour son approche déjantée de la pop, tous synthés et boîtes à rythmes dehors ; on pense aussi à Indochine par endroit. Visuellement, les clips (dirigés par Jonathan Icher himself ou d’autres) sont des soignés, l’accent étant particulièrement porté sur les costumes et les maquillages (le fait que Icher, qui signe la direction artistique de ses clips, sorte de l’école Duperré n’est pas un hasard), avec une inspiration et une inventivité pas éloignée de ce qu’on peut voir et entendre du côté du Japon ; c’est plein de trouvailles, c’est souvent quelque peu perturbant, à l’image des zombies qui débarquent soudain dans « Sexophone », pastichant le « Thriller » de Michael Jackson. Ou du tricératops gonflable de « Poney Fier ».

Parmi les plus récentes chansons mises en ligne, le clip improbable de « Poney Fier » carre le bon goût là où on le pense. Mais au-delà de la surenchère délirante et du refrain crétin (« Comme un poney je suis super fier / Des arcs-en-ciel plein la crinière / Ça me fait bander dur comme fer / Quand toi tu es extraordinaire »), la chanson s’avère moins idiote qu’il n’y paraît de prime abord et invite à l’affirmation de soi. « Quand t'es un fier destrier, / Tu fais ce qu'il te plait. / Même si tu risques de choquer / Les moldus d'à côté… » ou « Viens montrer aux gens le poney que t'as dans le sang », voilà qui ne sonne pas plus différent du « Don’t dream/Be it » du Rocky Horror Picture Show. (Bon, si, un peu, parce qu’il y a des poneys, mais si on est heureux à faire le poney… eh bien, pourquoi pas.) Un manifeste sans complexes, en somme.

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Queen Mimosa 3 sort ses chansons et leurs clips quand bon lui semble. Depuis le début de l’aventure, la plupart des chansons ont été rassemblées dans différents albums : So Sexy (2009), Splash (2010) et Licorne (2012), le dernier en date.

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En parallèle de Queen Mimosa 3, Jonathan Icher poursuit une carrière de photographe. La plupart de ses travaux sont exposés sur son site : ce sont là différentes séries de photos aux mises en scène soignées, aux couleurs acidulées ; les éléments de pop culture et l’imaginaire transgenre déjà à l’œuvre avec QM3 s’y collisionnent avec bonheur.

Bref, au travers de ses chansons, Queen Mimosa 3 prône une existence gentiment folle, décomplexée, décalée et hédoniste – être soi et être bien, quelle que soit son orientation sexuelle. Un message qu’on ne peut qu'approuver.

Introuvable : nullement
Inécoutable : ça dépendra des sensibilités
Inoubliable : oui

 

Dans un univers parallèle, le projet de remake du Rocky Horror Picture Show est mené sous la houlette de Queen Mimosa 3. Et quoi ? Qu’y aurait-il d’absurde à cela ? La meilleure façon de refaire le séminal Rocky Horror Picture Show est de le réinventer et le mettre au jour des musiques et des problématiques de cette deuxième décennie du XXIe siècle.

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