L’Âge de cristal proposait un univers dystopique prônant la fin de vie à 21 ans (30 dans le film, c’est neuf ans de gagnés). Petits joueurs. Et si la solution consistait à ne pas faire d’enfance ? À avoir une croissance démographique nulle ? C'est là le sujet de Zero Population Growth, film dystopique oublié des années 70…
Population zéro [Zero Population Growth], Michael Campus (1972). Couleurs, 97 minutes.
Croissez et multipliez, qu'ils disaient. Ouais.
Quand j’étais au collège, au doux milieu des années 90, nous étions plus de cinq milliards d’être humains (et moi et moi et moi) et je trouvais ce nombre déjà énorme. En près de vingt-ans, nous voici deux milliards de plus, et ça n’est pas prêt de diminuer tout de suite.
Et si la solution était de rendre illégal le fait d’avoir des enfants ? Une décision qui ferait passer la Chine de la politique de l’enfant unique pour des petits joueurs. Un réalisateur américain, Michael Campus, a imaginé un tel postulat pour son premier film, Z.P.G. alias Zero Population Growth alias Population zéro, sorti sur les écrans en 1972 – une année où la population humaine mondiale n’avait pas encore franchi les 4 milliards (mais le ferait deux ans plus tard).
Le titre n’a rien d’innocent : il s’agit là d’une référence directe au concept de « population à croissance zéro », développé par le sociologue Kingsley Davis en 1967 ; il s’agit aussi du nom d’une association fondée en 1968 par Paul R. Ehrlich, auteur de l’ouvrage La Bombe P — avec cet essai aux prévisions alarmistes quoique erronées (non, l’humanité n’a pas connu de famine globale dans les années 70-80), son auteur est tout de même parvenu à sensibiliser ses lecteurs aux dangers de la surpopulation. Paul R. Ehrlich a (aurait) un (grand) frère nommé Max Ehrlich, auteurs de polar et de SF, également scénariste de séries télé et de films : c’est à Max Ehrlich que l’on doit le scénario deZero Population Growth, ainsi qu’un roman, Le Grand Décret (paru en 1972 aux USA et l’année suivante en France), dont la trame ressemble fort à celle du présent film à en juger par les critiques répertoriées sur nooSFere.
Imaginez le XXIe siècle, pas celui que nous connaissons : la pollution du siècle précédent a engendré un smog permanent, impénétrable.
La nature a pour ainsi dire disparu ; une ville semble tout couvrir (mais c’est difficile de bien distinguer, parce que, hé, il y a du smog partout). Et la population, ayant monté en flèche, a contraint le gouvernement mondial à prendre une décision drastique :
«… because it has been agreed by the nations of the world that the earth can no longer sustain a continuously increasing population, as of today, the 1st of january, we join with all other nations of the world in the following edict : childbearing is herewith forbidden. »
Pire : toute personne ayant un bébé en cachette sera exécutée en public avec sa progéniture.
Les couples qui ressentent trop le désir – impérieux – d’avoir un rejeton peuvent toujours opter pour l’adoption… d’une poupée. Si la technologie a fait des progrès pour mettre au point des drones haut-parleurs volants, elle piétine quand il s’agit de créer des androïdes convaincants : les poupées robotiques n’atteignent même pas la Vallée dérangeante et se contentent juste d’être des poupées flippantes.
Pour Carol (Geraldine Chaplin) et Russ (Oliver Reed), de telles poupées, c’est niet.
Le couple travaille dans un musée dont le but est de montrer aux visiteurs ce à quoi ressemblait le siècle passé. On y trouve des renards empaillés, des poules empaillées, des lapins empaillés, des chats empaillés – vous avez saisi le topo concernant la biodiversité (ou, hum, son absence). Les seuls créatures vivantes exposées dans ce musée sont ces acteurs reproduisant les gestes d’antan, comme partager un repas : Carol, Russ et un autre couple jouent à refaire les dîner entre amis. C’est toujours mieux que d’absorber ces pâtes colorées sans goût qui constituent l’essentiel de la nourriture de l’humanité.
Les choses vont commencer à partir en vrille à partir du moment où Carol cèdera à son envie d’avoir un bébé…
Sous un certain aspect, la chose s’avèrera plus simple que prévue. Néanmoins, fatalement, des complications surgiront (#TrustNoOne), qui obligeront Carol et Russ à quitter cet enfer vicié et enfumé… pour un paradis qui n’en est pas.
Zero Population Growth s’inscrit dans la tradition de films dystopiques des années 70 : on pourra le ranger aux côtés de Soleil vert, L’Âge de cristal ou encore THX 1138, avec lesquels il partage plusieurs motifs – un monde affecté par un désastre démographique et écologique ; une société fermée et rigide ; des héros contrevenants aux ordres et forcés de s’enfuir. La raison pour laquelle le statut de classique a échappé à ce film tient à plusieurs défauts véniels qui, combinés, font de ZPG une déception.
L’ambiance brumeuse est réussie et ces scènes où l’on voit la ville plongée dans le smog, le visage de ses habitants couvert d’un masque à gaz, restent en tête… mais c’est à peu près tout. Ce smog masque efficacement le petit budget du film, rend l’atmosphère étouffante (sans trop de problème) mais ne fait pas grand-chose de plus. Il manque quelque chose de fort et qui marque (l’esthétique de THX 1138, la révélation finale de Soleil vert).
On trouve çà et là quelques idées de SF intéressantes : des rendez-vous psychiatres par écran interposé, des cabines d’information surveillées (#WeAreWatchingYou), ces musées remplis d’animaux domestiques dorénavant disparus… L’idée de limitation de la population, pas exploitée dans ses retranchements, peine à convaincre : ainsi, personne ne s’interroge du fossé générationnel qui va se créer (on apprend au détour d’une scène qu’il faudra attendre encore 22 ans avant de nouveaux bébés) ; le dogme de la croissance démographique nulle n’est pas vraiment questionné. L’aspect délétère du smog n’est pas non plus creusé (vu sa densité et sa permanence, tout le monde devrait crever de cancers du poumon). Sans compter que le film n’est pas exactement porté par ses acteurs : Oliver Reed dans le rôle de Russ est d’un maussade à toute épreuve ; Geraldine Chaplin interprète Carol et, dans un registre plus larmoyant, s’en sort mieux ; dans le rôle des amis envieux, Edna Cilento et Don Gordon font le job plus que bien… mais cele ne suffit pas.
Que le rythme est lent… trop. ZPG semble anémié de bout en bout. Pourtant, son sujet aurait permis un traitement bien plus âpre, plus porté sur l’émotion – ZPG n’en dégage aucune, et c’est dommage. Mettons cela sur le dos de la jeunesse du réalisateur, dont il s’agissait du premier long-métrage. Dommage.
Récemment, Paul R. Ehrlich répétait que surpopulation et surconsommation sont néfastes. Évidemment, je ne peux de m’empêcher de penser aux propos de Peter Watts, quand je lui ai demandé s’il avait un conseil à adresser aux lecteurs de Bifrost en conclusion de l'interview du numéro 93 :
« Pour commencer, aller vous faire stériliser. Si on est assez nombreux à le faire – ou même rien que les mâles –, on pourrait résoudre le problème en une génération. »
Et si Michael Campus n'était pas allé assez loin ?
Introuvable : le DVD se trouve aisément
Irregardable : non
Inoubliable : presque