Rock'n'write : David Calvo

Rencontres |

rocknwrite-calvo-une.jpgPour patienter d’ici janvier et la sortie en librairie du Bifrost 69, consacré aux liens entre le rock et la science-fiction, le blog de la revue vous propose de rencontrer quelques auteurs pour qui la musique importe dans leur travail d’écriture. Et c’est David Calvo qui commence cette série de questionnaires musicaux avec le son des années 80.

Peux-tu nous parler de tes goûts musicaux ? Les groupes/musiciens que tu aimes, ceux que tu aimes détester, et ce qui n’accroche pas du tout à ton oreille.

J'aime plein de trucs, très différents, des époques, le rock mélancolique des années 80, les séquenceurs, Jerry Goldsmith, Delius, le chiptunes punk. J'ai un faible pour les cas désespérés, je suis par exemple une groupie de Man or Astroman? et d'Unwound. En ce moment, j'écoute beaucoup Julia Holter et Steve Moore, des gens que j'admirent vraiment... Et là je reviens d'un concert de Godspeed you! black emperor, c'était d'une clarté totale. Ils sont très importants dans ma vie, comme Do Make Say Think, d'ailleurs, leurs cousins.

Joues-tu d’un instrument de musique ? Si oui, lequel ?

Je joue du Tenori-On. Je fais du 8bits intime, pour mon chat.

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Le Tenori-On, qu’est-ce que c’est ?

Le tenori-on (en japonais : l’oiseau qui chante au creux de ta main) est un instrument créé par Toshio Iwai, le créateur d'electroplankton. J'ai eu la chance de pouvoir me payer un des premiers prototypes construits par Yamaha, à l'époque ça coûtait un mois de salaire, mais ils étaient en aluminium, alors que les nouveaux, moins chers et plus faciles à trouver, sont en plastique. Beaucoup de musiciens l'utilisent comme un séquenceur, moi j'aime l'utiliser comme un instrument, comme une sorte de luth. Le rapport entre l'analogique et le digital me fascine, et le tenori demande une vraie prise en main, une vraie pratique « plastique » de l'objet.

Dessin et musique sont indissociables lorsqu’on l’utilise, non ? Est-ce possible de « jouer » des dessins ?

Je suppose. Après tout, il est possible d'apprendre à jouer au Go en dessinant des figures « correctes » sans se soucier de la combinatoire — le dessin, activité parfaitement ludique et accessible à tous, est donc une porte très pratique vers d'autres expressions. Bien sûr, passé un certain point, le jeu devient trop technique pour se contenter ne n'être « qu'un » dessin. Mais la direction que prennent les jeux aujourd'hui, l'utilisation de la musique procédurale, est très excitante. On va finir par découvrir des formes d'expériences visuelles et auditives nouvelles - il suffit d'écouter le travail de David Kanaga par exemple. Quand tu prends un jeu comme Proteus, ou des softs comme Synthpond (de Zach Gage), plus tout un tas d'expériences sur la musique des traits, on n'en est plus très loin. Ça participe à la démocratisation des outils de création.

Et as-tu déjà testé la ReacTable ? Björk l’utilisait dans sa tournée « Volta », et cet instrument semble particulièrement ludique.

Oui, c'était très chouette, j'ai aussi mis mes doigts dans un monome, mais ca devient vite un truc très pointu — l'équilibre entre le ludique et l'artistique est une frontière très mince et difficile à maintenir. Je ne suis pas un musicien, je cherche juste un moyen d'exprimer une certaine intimité, c'est tout.

rocknwrite-calvo-elliott.jpgUne chanson de Kate Bush sert de titre à ton roman Délius. Dans ton dernier en date, Elliot du Néant, The Riddle de Nick Kershaw, tient un grand rôle… As-tu été bercé par les années 80 ?

J'ai été ado dans les années 80, forcément, j'ai un certain faible pour ces sons. Aujourd'hui, on appelle ça être hipster. Bon. J'assume.

 

rocknwrite-calvo-boc.jpgL’une de tes nouvelles est titrée Un soleil d’hexagones : on dirait un titre de Boards of Canada ? Est-ce voulu ?

Ça vient d'une image que j'avais dessinée. J'aime représenter l'invisible en dessin, et spécialement les rayons. J'avais dessiné ce soleil, avec ces prismes en hexagones autour de lui, et j'ai appelé ma nouvelle comme ça. Mais j'avais sûrement Turquoise hexagon sun dans la tête, c'est possible, j'aime beaucoup Boards of Canada. Eux aussi font partie de ces choses qui m'accompagnent.

On te sait fan de Kate Bush. Que penses-tu de ses derniers disques depuis son come-back d’Aerial ?

Elle n'était jamais vraiment partie, tu sais. Aerial est un de ses meilleurs disques, et 50 words for snow est une merveille que je chérirai longtemps. Elle a créé son label, elle ne s'est jamais vendu — même son Director's Cut était bien fait. J'étais persuadé qu'elle ne se montrerait pas aux JO. J'avais raison, j'étais fier. C'est une inspiration de tous les jours, Kate.

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C’est un véritable regret que le livre de Kate Bush que tu décris dans la rentrée imaginaire de Bifrost, Fragments of a Butterfly’s Dream, n’existe pas. Tu n’as pas envie de l’écrire ?

J'ai simplement essayé de formuler ce que je peux déduire de la démarche de Kate Bush, mais ce n'est qu'une interprétation personnelle, qui ne fait qu'effleurer une surface. Tout ce qui est lié à Kate Bush est, pour moi, du domaine du ressenti. Ce livre, s'il existait, serait un fantasme d'elle, en travers moi, peut-être une manière d'expliquer avant tout ma démarche à moi, déduit de la sienne — une façon de lire entre mes lignes. Rien qu'énoncer détruit. J'en ai déjà trop dit !

Lorsque tu écris, est-ce en silence ou avec de la musique comme bande-son ? Si oui, quoi en particulier ?

J'ai besoin de silence quand j'écris. Quand je dessine, j'écoute du jazz. Mon dessin et le jazz sont très liés.

À l’inverse, conseillerais-tu une playlist pour tes romans ?

Mes romans sont toujours liés à une musique. Mais j'essaye de la rendre diégétique. Elle est dedans. Pas dehors.

Enfin, quel album figure au sommet de ton panthéon personnel ?

Peut-être mon intégrale vinyle d'Eluvium, Life through Bombardment.

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