Dune en musique : Illustrations

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Et l'on continue à tendre une oreille curieuse sur les nombreuses déclinaisons de Dune en musique. Dans ce nouveau billet, cette exploration musicale d'Arrakis se fait au travers des bandes originales, qu'il s'agisse de celles de adaptations (télé)filmiques ou vidéoludiques, du groupe Toto jusqu'aux compositions de Frank Klepacki en passant par l'étonnant 8-bits de Stéphane Picq…

Si la fin des années 70 a vu plusieurs groupes appartenant à l’avant-garde electro, ainsi qu’au metal, s’intéresser à Dune (cf. le précédent billet), la décennie 80 se distingue par la sortie du film de David Lynch et la décennie 90 par celle de nombreux jeux vidéo inspirés tant du long-métrage décrié que du roman lui-même. Il sera donc ici question uniquement de leurs bandes originales. Un médium particulier, avec ses propres contraintes d’illustration musicale, conçu en premier lieu pour s’écouter en même tant que l’œuvre visuelle – qu’il s’agisse de film, téléfilm ou jeu vidéo – mais aussi par lui-même (sans quoi, les disques de BO n’existeraient tout simplement pas).

 

Illustrations

Musiques pour petit et grand écrans

 

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Dune Soundtrack, Toto (Polydor, 1984). 17 morceaux, 37 minutes.

Comme on le sait, le projet d’adaptation de Dune par Alejandro Jodorowski en 1975-76 a tristement échoué. Le cinéaste avait fait appel à Pink Floyd et Magma (Virgin Records lui avait proposé Mike Oldfied ou Tangerine Dream (ou bien Klaus Schulze ?)) pour se charger de la bande originale, et c’est immensément regrettable que peu de choses en ait résulté – Schulze a sorti un album titré Dune (1978), et c’est bien tout.

Assez curieusement, c’est à Toto, le groupe responsable des scies que sont « Africa » ou « Hold the line », que David Lynch a fait appel pour la bande originale de son Dune. Adieu l’avant-garde pop, bienvenue rock mainstream. Toto avait atteint le faît de sa gloire avec leur album Toto IV (1982) mais ne s’était jamais illustré dans le domaine des BO.

Pourtant, la bande originale commence bien : après un céleste « Prologue » narré par la Princesse Irulan suit « Main Title », avec un thème principal à la fois héroïque (pompeux ? oui, aussi), évocateur, science-fictif. Un thème qui donne l’impression que l’on va voir quelque chose d’épique ! Soyons fou, on pense même au Maurice Jarre de Lawrence d’Arabie. Mais… les choses se gâtent dès « Robot Fight », ses sonorités de vieil indus. Le problème de cette BO réside là : bon nombre de morceaux ont affreusement vieillis. Pour un « Leto’s Theme» encore écoutable, on récolte « The Floating Man (The Baron) », courte pièce pastichant Bach ou Philipp Glass, aux affreux synthés eighties. Idem pour « Dune (Desert Theme »), dont les claviers se vautrent dans les pires clichés de la décennie 80.

En somme, pour sa première et unique expérience de bande originale, Toto a composé une partition réussie par endroits mais entachée par quelques morceaux que le temps n’a pas épargnés.

 

(Par bonheur, cette suite symphonique jouée par Toto avec l’orchestre symphonique de Vienne propose l’essentiel de la BO, sans les morceaux les plus datés.)

À noter que un morceau de la BO n’est pas signé Toto. Il s’agit du superbe et aérien « Prophecy Theme », que l’on doit à nul autre que Brian Eno, accompagné de Daniel Lanois et Roger. Si l’auteur de ces lignes faisait preuve de la mauvaise foi la plus crasse, il affirmerait qu’il s’agit du plus beau morceau de cette bande originale. Une légende veut que Brian Eno ait en réalité composé toute une bande originale pour le film de Lynch, mais que, à l’exception de « Prophecy’s Theme », rien n’en aurait été conservé.

Il existe une version étendue de la bande originale de Toto, publiée par le label PEG et comportant une douzaine de morceaux absents sur la première édition de la BO (retirant au passage la contribution d’Eno).

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Dune, Graeme Revell (Brain, 2000). 26 morceaux.

Le téléfilm Dune (2000), diffusé sur SciFi Channel en décembre 2000, n’est pas resté dans les mémoires. À tout le moins peut-on en dire qu’il était très fidèle au roman, sa durée (trois parties d’une heure et demi) permettant de restituer l’essentiel du roman de Frank Herbert. Pour le reste… acteurs transparents, décors peu inspirés, manque flagrant de budget pour les rares scènes épiques.

Sa BO est signée par Graeme Revell. Avant d’être un prolifique compositeur de bandes originales de films (près de quatre-vingt-dix, avec du bon comme du moins) et de séries, Revell a fait partie de SPK, un groupe australien actif dans les années 80. SPK (acronyme dont la signification change suivant les albums : System Planning Korporation ou encore SePpuKu) a débuté avec un indus agressif (Information Overload Unit, 1981), puis a muté au fil des albums jusqu’à atteindre une forme de synthpop rigide (Digitalis Ambigua: Gold and Poison, 1988) avant sa séparation.

Retour à Dune… Le « Main Theme » sonne affreusement classique : d’amples nappes de violons, des percussions étouffées qui virent tribales, une mélodie cuivrée qui gagne en force (un point d’exclamation à la cloche pile quand il le faut  : 1’22") avant d’être reprise par les cordes. Comparée au « Main Title » de Toto, c’est plat. L’ensemble est à cette aune : aussitôt écoutée, aussitôt oubliée. Pas de thèmes mémorables, des effets déjà entendus cent fois : des chœurs éthérés, des violons lancinants, une petite flûte désolée… Une bande originale hélas bien trop générique, malgré quelques bons moments. Ainsi, « Paul’s Vision » s’avère un morceau assez réussi, tout comme les sonorités quasi indus présentes sur « Baron Harkonnen Dies». En revanche, « Conquering the Worm » semble loucher un peu trop du côté de la partition de Hans Zimmer pour Gladiator, sorti quelques mois plus tôt (en particulier le morceau « The Might of Rome »). Notons aussi la petite référence à la BO de Toto dans l’ultime morceau, « Paul Chooses: Finale ».

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Children of Dune, Brian Tyler (Varèse Sarabande, 2003). 36 morceaux, 77 minutes.

Non : ceci n’est pas le générique de Pékin Express, mais la bande originale des Enfants de Dune… reprise ensuite dans l’émission télévisée.

 

Les Enfants de Dune , mini-séries en trois parties diffusée sur SciFi Channel, est la suite du téléfilm précédent, adaptant Le Messie de Dune et Les Enfants de Dune, et se distingue surtout par la prestation d’un jeune James McAvoy, convaincant en Leto II, futur Empereur-Dieu. Sa bande originale est signée par Brian Tyler, un autre compositeur des plus prolifiques – on lui doit notamment les BO de bon nombre de grosses productions hollywoodiennes des dernières années (les Fast & Furious, The Expendables, quelques Marvels…).

Dès l’énergique « Summon the Worms », qui introduit la bande originale, la partition s’avère plus prenante que celle de Graeme Revell. Enfin, voilà de l’épique et du mémorable ! Ce qui n’empêche pas quelques légères fautes de goût, comme « Inama Nushif », sonnant comme du Adiemus. La BO assume volontiers ses influences ethniques, avec l’emploi régulier de clarinettes et de guitares orientalisantes. C’est fort joli et ça change des nappes de cordes parfois un peu trop lisses, mais c’est un brin trop évident : Arrakis = désert = Arabie = musique orientalisante. On se situe sur une planète située dans un futur distant d’au minimum une douzaine de milliers d’années ! Un peu d’imagination, que diable.

La bande originale des Enfants de Dune se distingue surtout par son thème principal, grâce notamment à cette virgule de cordes spiralantes (disons), que l’on retrouve sur « Summon the worms » ou « The Jihad », parmi les meilleurs moments de la BO. Notons aussi quelques moments où l’influence orientale se mâtine de guitares électriques, comme sur le très bon « My Skin is Not My Own ». Le reste demeure assez générique – à peine moins que le travail de Revell –, sous influence Hans Zimmer période Gladiator. En somme, une BO à réserver aux fans.

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 Vidéoludisme

 

Dans le domaine du jeu vidéo, Dune a donné naissance à cinq œuvres. Parfois indirectement, certains jeux se basant non sur le roman de Frank Herbert mais sur le film ou le téléfilm.

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Le premier de ces jeux vidéo, titré Dune, développé par le studio Cryo Interactive, est paru en 1992, et se montrait relativement fidèle à la trame du roman. Sa bande originale est co-signée Philippe Ulrich, co-fondateur du studio, et Stéphane Picq, compositeur spécialisé dans les jeux vidéo, ayant œuvré lors d’une petite décennie.

Amateurs de 8-bits, cette BO sera (ou bien l’est déjà) un pur régal pour vos oreilles ! Picq a su transcender les restrictions imposées par la carte-son AdLib pour composer des musiques riches, aux tonalités organiques.

Il existe plusieurs versions de cette BO : la version PC et la version Mega-CD se ressemblent fort ; l’ordre des morceaux varie, leur durée et les tonalités aussi (question de support vraisemblablement). Avec Dune: Spice Opera, on a là affaire à un véritable album, recréant la musique du jeu avec de véritables synthés ; on pense par moments à du Kraftwerk, lorsque les vocodeurs s’en mêlent sur les introductifs « Spice Opera » et « Emotion Control ». « Ecolove », avec ses saxophones remontant à la décennie passée, convainc moins. On retiendra la très orientale « Free Men ». Dans l’ensemble, on se plaît à retrouver les mélodies du jeu.

Pour voir la bande originale en contexte, c’est par ici (avec plus de quatre heures de gameplay).

De manière générale, les BO composées par Stéphane Picq valent bien qu’on leur tende l’oreille.

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Développé par Westwood Studios (responsables entre autres de la série Command & Conquer), Dune II est sorti en 1992, mais ne consiste nullement en la suite du jeu Cryo. Là où le premier est un jeu d’aventure, le deuxième est un jeu de stratégie en temps réel, considéré comme révolutionnaire en la matière – sans ce jeu, pas de WarCraft ou d’Age of Empires.

La bande-son de Dune II est composée par Franck Klepacki. Compositeur prolifique sur le terrain vidéoludique, Klepacki a débuté chez Westwood avecDragonStrike en 1991 – le musicien avait alors 17 ans – et a collaboré ensuite à plusieurs licenses (Command & Conquer, Lands of Lore, Star Wars…).

Pour cette BO, les sonorités restent encore très synthétiques… Peu de mélodies dans cette bande originale mais plutôt des ambiances. L’ensemble fleure bon le 8-bits aussi, mais avec un charme moindre que le travail de Stéphane Picq.

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Sorti, comme son nom ne l’indique pas, en 1998, Dune 2000 ne constitue pas une suite à Dune II mais plutôt un remake. Les graphismes sont améliorés, tout comme la musique, à nouveau confiée à Franck Klepacki. En six ans, les moyens techniques ont bien évolué, et le joueur peut bénéficier d’une musique aux sonorités tout autres, essentiellement orchestrales.

Une bande originale toujours synthétique, car composée sur ordinateur ( sur sa page Facebook, Klepacki détaille le matériel utilisé pour ses BO ), mais qui se permet plus d’ambition – celà, dès l’introductive et énergique « Harkonnen Battle ».

Cette nouvelle BO s’amuse à revisiter tant celle de Dune 2 que, par endroit, le film de David Lynch. Ainsi, la piste « Robotix » fait clairement un clin d’œil à « Robot Fight » avec ces mêmes sonorités industrielles reconnaissables.

Une BO appréciée de son auteur : « I suppose Dune 2000 was a great deal of fun for me because it gave me the opportunity to do justice to my old adlib card score for Dune 2! » (source).

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Le jeu Emperor: Battle for Dune (2001), développé à nouveau par Westwood Studios, constitue la suite de Dune 2000, et en poursuit l’histoire.

La bande-son du jeu ne propose pas moins de trois heures de musique. La bonne idée est d’avoir attribué à chacune des Maisons qu’il est possible de jouer un compositeur, afin de leur octroyer une identité propre. Une reproduction du souhait de Jodorowski d’attribuer un groupe pour chacune des planètes — Magma pour Giedi Prime ?

Déjà à l’œuvre sur Dune II et Dune 2000, Frank Klepacki s’occupe de la Maison Atréides, pour une partition épique, sûrement un brin lourdingue quand on l’écoute hors d’un contexte vidéoludique.

David Arkenstone a mis en musique la Maison Harkonnen. Des sonorités plus électriques, parfois teintées d’Orient (par exemple « The Machine »). De grosses guitares avec des arrangements électroniques. Efficace pour sûr. Compositeur prolifique, Arkenstone a sorti une quarantaine d’albums en solo, pour bonne part inspirés par Tolkien et le monde celtique.

Enfin, Jarrid Mendelsohn signe la partition de la Maison Ordos – et, outre sa participation à la BO de Command & Conquer: Soleil de Tiberium, semble n’avoir rien signé d’autre, ce qui fait de lui le moins prolifique des trois compositeurs à l’œuvre sur cette BO). Maison inventée pour les besoins du jeu Dune 2000, Ordos se distingue par leur capacité à créer des gholas – à la manière du Bene Tleilax. De manière somme toute logique, la musique tend plus volontiers vers l’electro. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ça a assez mal vieilli… Qui sait, avec un peu de chance, et de la même manière que pour le 8-bits, il naîtra dans quelques années un revival de l’electro des années 2000, qui redonnera gloire à ces sonorités datées.

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En 2001, le studio Cryo a également renoué avec l’univers dunesque, en publiant le jeu Frank Herbert’s Dune. À l’instar du jeuDune de 1992, il s’agit à nouveau d’une adaptation : celle du téléfilm diffusé l’année d’avant, et il semblerait que la musique soit la même ( selon Gamekult du moins). Cryo avait prévu de sortir un jeu intitulé Dune Generations, mais a fait faillite peu avant, et l’aventure vidéoludique de Dune s’est arrêtée là.

 

À suivre : Inspiration II

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