C comme Le Chant des oubliés

L'Abécédaire |

Où l'on persiste à s'intéresser aux livres dont vous êtes le héros, à travers une résurgence toute récente de ce genre : Le Chant des oubliés de FibreTigre. Ici, foin de galaxie à sauver, mais de nombreuses planètes à explorer et un secret à découvrir… pour peu que l'on active ses cellules grises pour atteindre la bonne fin !

Le Chant des oubliés, FibreTigre. Editions Franciscopolis, 2015. 157 § ; jaquette-livret ; six cartes-dés.
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On évoquait dans un précédent billet les livres dont vous êtes le héros, au travers de la série « Défis fantastiques » et en particulier de la trilogie de livres-jeux dédiés au personnage de Zagor, un sorcier maléfique… Si la majeure part des « Défis fantastiques » se déroule dans un monde de fantasy (Titan, dont la géographie et les personnages, bons comme mauvais, se dévoilent au fil des volumes ; dommage que les noms VF fluctuent d’un livre à l’autre), certains titres prennent place dans des contextes autres : Le Manoir de l’enfer relève de l’horreur contemporaine, Le Combattant de l’autoroute s’inspire ouvertement de Mad Max, Rendez-vous avec la M.O.R.T. consiste en une aventure super-héroïque – on y reviendra sûrement dans un billet futur. Et une poignée d’autres titres emmènent l’aventurier (vous !) dans l’espace. Cela, dès le quatrième « Défis fantastique », La Galaxie tragique (quel titre ! En VO, c’est juste Starship Traveller, ce qui correspond davantage au contenu du livre-jeu). L’histoire commence lorsque notre vaisseau spatial subit une grave avarie, passe à travers un trou noir et se retrouve dans un autre coin de l’univers ; il s’agit pour le joueur et son équipage de retrouver le chemin de la Terre, en explorant au passage différentes planètes. Une promenade de santé… L’intérêt de ce LDVELH réside en ce qu’on joue non pas un héros mais dirige un équipage, dont les différents membres (officiers médicaux, scientifiques, de sécurité) peuvent nous accompagner lors des descentes sur chaque planète. On y rencontre différentes races extraterrestres, diversement avancées. L’ambiance fait très Star Trek, d’autant que les combats sont aussi rares que rarement utiles. Intéressant sur le papier, cette Galaxie tragique s’avère cependanty une déception : l’aventure est peu palpitante, l’intrigue consistant à savoir si on va se poser sur la planète jaune ou la planète bleue, ou bien la grise… Aucune situation ne marque l’esprit, et ce ne sont pas les illustrations, particulièrement peu inspirées, qui relèvent l’intérêt. Les nouveautés introduites dans les règles (équipage à gérer, différents types de combats) sont outrageusement sous-exploitées, le comble pour une aventure qui ne compte que 340 paragraphes au lieu des 400 habituels. Oubliable, donc.

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Côté LDVELH spatiaux, il ne faudrait pas oublier non plus le « Challenge des étoiles », une autre série de livres-jeux, destinés à un public plus jeune que celui des « Défis fantastiques ». Sur les dix titres originaux, six sont parus en français. (Je me souviendrai toujours de mon premier LDVELH, un « Challenge des étoiles » : j’ai lu le §1, puis le §2, puis le §3… C’est à partir du §4 que j’ai commencé à me dire que je m’étais planté quelque part. Mais mon âge ne comportait alors qu’un seul chiffre.) Comportant une petite centaine de paragraphes, chaque livre de cette série proposait d’emblée deux histoires, suivant que l’on prenne (grosso modo) à droite ou à gauche. Pas de combat, pas de jets de dés : juste la sagacité du jeune lecteur. L’inspiration ? De la sci-fi : des planètes lointaines, des vaisseaux spatiaux, des pirates de l’espace, des robots et des mutants… L’enjeu ? Sauver le monde, naturellement.

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Ce qui nous amène à l’objet de ce billet : Le Chant des oubliés, livre dont vous êtes le héros qui perpétue cette tradition sous la forme d’un joli pastiche. L’ouvrage s’avère fort élégant : la jaquette bleu sombre, étonnamment épaisse, est en réalité un livret au format très étiré, qui contient l’encyclopédie scientifique du livre-jeu, où toutes les notions scientifiques évoquée dans chaque paragraphe sont brièvement expliquées. Six cartes-dés sont également fournies : au recto, la valeur d’une face de dé ; au verso, les règles du jeu. Et le livre proprement dit : une couverture toute simple en carton fort, une mise en page sobre, avec une paire de dés ornant chaque page (si l’on ne dispose pas de dés sous la main).

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Quelques mots sur le design de l’objet-livre : l’auteure en est la graphiste Fanette Mellier, qui conclut là sa « trilogie du Cosmos ». Les deux autres volumes sont l’Astronomicon du poète romain Marcus Manilius (éd. B42, 2013), un traité d’astrologie et d’astronomie datant de 10 av. J.C., et Dans la lune (éd. du Livre, 2013), reproduction graphique des trentre lunes d’un mois de novembre 2013.

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L’on y incarne, non pas un aventurier pur jus, mais un explorateur. Nous voilà à bord de l’Aléthéia (dont le nom signifie « vérité » en grec), un vaisseau spatial dédié à l’exploration. Notre mission est proche de celle de Star Trek : explorez, « to boldly go where no man has gone before ». Aucun homme ? Au fil des planètes explorées, on découvre des vestiges, aux inscriptions énigmatiques, ou encore des spationefs abandonnées depuis des éons. Difficile d’en dire davantage sans spoiler — une part du plaisir de jeu provenant du twist final (enfin, de la bonne fin, car il y en a plusieurs), qui ne surprendra peut-être pas les aficionados, mais bon.

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Dans Le Chant des oubliés, pas de combat à livrer (ou peut-être seulement un seul). Là où bon nombre de LDVELH s’avèrent frustrants, des jets de dés foireux provoquant des fins prématurées, ce livre-jeu n’attribue au lecteur qu’une seule caractéristique : les points d’énergie de sa combinaison, laquelle se recharge automatiquement dès qu’on revient à l’Aléthéia.

Quant à l’aventure, elle possède plusieurs fins. Chaque planète explorée forme en soi une petite mission, au terme de laquelle nous est offert le choix de retourner à l’Académie — le nombre de connaissances acquises constitue le score final. Cependant, trouver la bonne fin n’est pas une mince affaire : s’il est aisé d’explorer les premières destinations, dont les coordonnées sont aisément trouvables, ça devient une autre paire de manche au fil de l’avancée dans l’intrigue. Déchiffrer les inscriptions codées s’avère certes facile, mais se servir utilement des informations acquises l’est moins (et c’est là qu’on se rend compte que la carte ornant la jaquette n’a rien de gratuit).

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Si l’on compare avec les livres-jeux habituels (i.e. La Galaxie tragique, ou bien la trilogie de Zagor évoquée plus tôt), ce qui frappe avec Le Chant des oubliés est sa brièveté, l’aspect scientifique poussé, ainsi que sa qualité d’écriture. Je ne l’ai guère souligné dans le billet sur Le Sorcier de la montagne de feu et ses suites : les Défis fantastiques ne s’encombrent pas souvent de fioritures stylistiques, mais FibreTigre rehausse (sacrément) le niveau.

Le regret que susicte Le Chant des oubliés, ce sont les coquilles qui l’émaillent, en l’occurrence des erreurs dans les renvois de paragraphes. Des erreurs gênantes lorsqu’elles se situent au sein des énigmes. Mais gageons que ce sera corrigé dans une éventuelle réédition de ce livre.

Car il n’empêche : l’objet-livre est fort joli, et l’aventure contentera les amateurs de SF comme de LDVELH. Pourquoi se priver alors ?

Introuvable : pas loin
Illisible/injouable : pas loin non plus
Inoubliable : oui

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