Y comme Yesterday's kin

L'Abécédaire |

Où l'on ne dit pas que du bien de Yesterday's Kin, novella de Nancy Kress parue outre-Atlantique plus tôt cette année, et, excusez du peu, couronnée par les prix Locus et Nebula…

Yesterday’s Kin, Nancy Kress. Tachyon Publications, 2014. 189 pp. GdF.

Ce printemps 2015, Yesterday’s Kin de Nancy Kress a remporté un joli doublé Nebula/Locus, notamment face à Nous allons tous très bien, merci, le court roman de Daryl Gregory avec lequel la novella s’est retrouvée en lice. De fait, ces dernières années, les novellas de Nancy Kress sont régulièrement récompensées par des prix : Après la chute a reçu le Nebula 2013, Le Nexus du Dr Erdmann (court roman que j’ai eu l’heur de co-traduire et qui sortira en janvier au Bélial’) a obtenu le Hugo 2009 ; Foutain of Age le Nebula 2008. Sans omettre Danse aérienne, récompensée par le prix Asimov’s des lecteurs en 1994, « Les Fleurs de la prison d'Aulite » par le même prix en 1997, et L’une rêve, l’autre pas, Hugo 1992. Engageant, non ?

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Un joli palmarès…

Dans un futur très proche, sur Terre… Quelques mois plus tôt, un vaisseau extraterrestre s’est posé à New York. Bien que désireux de coopérer avec les humains, les aliens sont demeurés invisibles ; on les a surnommés Denebs, même s’ils ne viennent pas de cette étoile. Or, voilà que la généticienne Marianne Jenner est conviée à une visite surprise à l’ambassade extraterrestre. Les visiteurs sont de férus lecteurs de la littérature scientifique, et ont donc étudié la récente publication de Marianne, qui a découvert un trente-et-unième haplogroupe en étudiant l’ADN mitochondrial. Un haplogroupe relativement ancien… Et il s’avère que les Denebs, très humanoïdes, sont non seulement d’origine humaine, mais aussi issus de cette lignée. Le deuxième but de leur visite est de saluer leurs cousins éloignés restés sur Terre ; le premier objectif, c’est de prévenir les humains qu’ils vont être confrontés à un danger mortel : dans moins d’une dizaine de mois, le système solaire va traverser un nuage riche en spores mortelles. Un nuage qui a éradiqué la vie sur deux mondes colonisés par les Denebs. Marianne Jenner a trois enfants. Noah, le benjamin, est un jeune homme pas bon à grand-chose dans la vie, qui passe son temps à prendre du « sucre de canne », une nouvelle drogue qui modifie la personnalité. Face à son frère aîné, botaniste spécialisé dans les espèces invasives, et sa grande sœur, obsédée par les frontières et l’isolationnisme dans lequel les USA doivent se cloîtrer, selon elle, Noah a du mal à trouver sa place.

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L’intrigue de Yesterday’s Kin se déroule dans les mois précédant l’entrée du système solaire dans ce nuage mortel. La narration alterne entre Marianne, qui va se consacrer aux recherches scientifiques, et son fils Noah, lié aux Denebs d’une manière qu’il n’imagine pas. Tandis que le temps passe, que les recherches stagnent et que le nuage se rapproche, inexorablement, les humains se montrent de plus en plus hostiles envers leurs cousins éloignés. Du peu qu’on en voit, la société deneb accorde une plus grande importance à la famille, sorte de mètre-étalon qui se pose en regard de nos protagonistes humains, famille joyeusement dysfonctionnelle – un père décédée, une mère trop souvent absorbée par ses recherches (portant donc sur nos ancêtres commun), des enfants aux opinions diamétralement opposée.

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Le problème avec Yesterday’s Kin, c’est que… Bon, plusieurs choses ne vont pas : histoire, personnages, contexte, inspiration. Ça fait beaucoup. L’histoire gagne en puissance, péniblement, mais la résolution est ratée, du genre soufflé qui s’effondre lamentablement sur lui-même. Les protagonistes humains peinent à éveiller quelque sympathie (ou antipathie) ; c’est la curiosité qui est aux abonnés absents avec les extraterrestres. Le contexte est peu développé : on comprend que les USA souffrent d’une grave crise financière et envisagent une politique isolationniste. Quant à la fin du monde imminente, elle pourrait provoquer davantage de remous dans la société – du genre mouvements de panique, effort mondial pour trouver une solution. Apathie généralisée qui m’a fait penser à The End of the World Running Club d’Adrian J. Walker, roman post-apo au demeurant fort sympathique mais où les gens ne font tout simplement pas gaffe au fait qu’une putain de salve d’astéroïdes va mitrailler l’hémisphère nord de la Terre : c’est ballot pour le narrateur, Ecossais d’Edimbourg, qui s’en rappelle le matin même. Heureusement qu’il sait (à peu près) comment procéder dans ce genre de situation, pour avoir lu des brochures sur la survie après une explosion atomique et pour avoir vu… When the wind blows (tout est lié !).

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Enfin, l’inspiration : comment faire du vieux avec du pas neuf ? Nancy Kress s’y emploie à merveille avec Yesterday’s Kin. Les aliens qui débarquent sur Terre sans vouloir montrer leur minois ? On pense à l’admirable roman d’Arthur C. Clarke, Les Enfants d’Icare. L’Ève mitochondriale ? Greg Egan a déjà écrit, avec à-propos, à ce sujet dans sa nouvelle éponyme. Le nuage tueur ? Il y a Le Nuage noir de Fred Hoyle. Et le premier contact ? Nancy Kress a déjà fait mieux et plus intrigant avec Le Nexus du Docteur Erdmann.

Bref, rien de très neuf dans cette novella, qui s’avère bien décevante – et qui rend d’autant plus surprenant son couronnement par le Locus et le Nebula face à un Nous allons tous très bien, merci, bien plus original et plus solide (cela dit avec toute l'objectivité dont je puis faire preuve (ce qui n'est pas gagné)).

Introuvable : en français pour le moment (mais gageons que, vu les prix dont le texte est bardé, une traduction finira par arriver)
Illisible : non
Inoubliable : non plus

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