Où l'on redécouvre les fanzines de SF avec Bazaar Maniac, dont le premier numéro (à moins que ce ne soit le septième) est sorti en début d'année…
Où l'on redécouvre les fanzines de SF avec Bazaar Maniac, dont le premier numéro (à moins que ce ne soit le septième) est sorti en début d'année…
Un fanzine ! Un vrai ! Soixante-quatre pages en noir et blanc agrafées ! Avec une couverture joliment monstrueuse de Stéphane Perger.
Depuis Internet, les fanzines papier se font rares. Et l’on ne peut que s’étonner – et se réjouir – d’en voir naître un. Le sommaire de ce premier numéro de Bazaar Maniac (numéroté septième, parce que) se place sous l’égide des monstres et de l’utopie (en gros).
Dans « Symphonie déchirante », Simon Bouin nous présente un groupe, les Jaspin, dont chacun des membres joue d’un instrument bien particulier. Le cordophone pour Grattoir le cul-de-jatte, un aérophone en mâchoire pour le demi-siamois La Renifle, et des percussions en peaux humaines pour l’hénaurme Poussette… La nouvelle raconte l’un de leurs concerts, mortel, littéralement. (Ledit concert évoque passablement la fameuse prestation des Cramps à l’hôpital psychiatrique de Napa.) Un texte intéressant, à l’imaginaire pas éloigné des cruels esmoignés hantant Féerie pour les ténèbres de Jérôme Noirez, mais un peu trop court…
« Le Virus Stevenson » de Jérôme Spenlehauer souffre d’un même défaut de brièveté. L’histoire est celle de Lisa, cadre d’entreprise qui rentre chez elle pour découvrir son automate à tout faire, un androïde (sur)nommé Patrick, en mode « inappétence ». Il s’avère que le problème est plus grave que prévu, et un simple reboot n’y changera rien.
Pas grave à dire sur « Virgo Vestalis Maxima » de luvan : la nouvelle est superbement écrite, il n’y a pas à tergiverser sur la plume de l’auteure. Mais je suis passé totalement à côté de l’histoire.
Au cœur de Bazaar Maniac, une courte BD adapte « La Fille du géant de gel » de Robert Howard. Conan est le seul survivant d’une bataille contre des Vanirs. Perdu dans des contrées enneigées, il rencontre une femme sublime, qui le nargue et l’attire plus loin dans les profondeurs de la forêt… Bien entendu, il s’agit d’un piège. À moins que — attention au twist !! — Conan n’ait fait que rêver, alors que le froid s’emparait de lui. L’histoire, fort brève, a acquis un petit goût d’éculé avec le temps : baston et re-baston, chute ramenant la nouvelle vers le fantastique. Les dessins de J.B. Casanova : mouais, peut mieux faire.
Un peu plus loin, Léo Henry propose une pochade avec « Waffen SF », où il est question de recherches entreprises par l’Ahnenerbe à la fin de la Seconde Guerre mondiale afin de produire une littérature propre à un Reich censé durer mille ans. Erudit et amusant. L’exercice en mystification se poursuit avec Julius WildPhilippe Boulier, tu es démasqué ! : « Django contre Godzilla » raconte, sous la forme d’un recueil d’entretiens, la carrière cinématographique de l’un des plus mauvais réalisateurs que le neuvième art ait connu, Edward Stampede. Mêlant western et nudies, son œuvre a culminé dans l’improbable crossover entre le monstre de la Tōhō et l’esclave évadé imaginé par Sergio Corbucci. Dommage que ce film s’avère fictif, il aurait trouvé sa place dans ce blog sans le moindre doute.
Le sommaire des fictions se conclut avec « La Tempête » de Cyril Amourette, poème s’inscrivant dans le projet Il y a des portes. Intrigant, mais je ne saurai là non plus en dire plus.
Trois articles complètent Bazaar Maniac. Le premier, « Alcool & Statistiques » d’un certain Grégoire est une étude… eh bien, statistique sur le rapport entre le nom des cocktails, leurs ingrédients et leur qualité. D’où il ressort que rien ne vaut le test in situ. Un peu court, cher Grégoire.
Plus loin, Thierry Jandrok propose un « Prélude à la fonction des utopies », article qui s’interroge sur la SF ainsi que les utopies et leur dévoiement au fil du XXe siècle. Tandis que les utopies, qu’elles soient américaines ou nazies, ne mènent qu’à l’inhumanité, la SF (quel que soit son médium d’expression) se consacre davantage à la description de dystopies. Thierry Jandrok voit ainsi dans Matrix des frères Wachowski la dernière œuvre marquante de la science-fiction. Intéressant, on attend la suite.
Enfin, Philippe Boulier revient sur Le Cri du corps, roman de Claude Ecken racontant la trouble relation entre une jeune médecin et un monstrueux patient. Un article pertinent que l’on peut lire ici. Et le roman en question par là.
In fine , ce premier numéro de Bazaar Maniac s’avère globalement convaincant, et l’on ne peut que se déclarer impatient de lire le numéro 6, ou 8, ou 14, ou 777 – la suite, quoi – de ce fanzine. L’old school a du bon…
Introuvable : oui (mais on peut le dénicher dans quelques lieux méconnus du commun des mortels, comme la librairie Scylla à Paris ou Galaxy-bis à Strasbourg)
Illisible : non
Inoubliable : oui