7 questions à Aurélien Police

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7secondes-une2.jpgCet automne, Aurélien Police est à l’honneur au Bélial’ (et pas seulement). Outre la couverture du Bifrost 72 spécial Ray Bradbury, c’est à lui que l’on doit les illustrations du nouveau recueil de Thomas Day, Sept secondes pour devenir un aigle, paru il y a quelques jours. L’occasion de poser à notre illustrateur quelques questions sur son travail et ses projets…

7secondes-recueil.jpgComment as-tu abordé le projet de cette édition illustrée de Sept secondes pour devenir un aigle ? Faire une couverture pour chacune des différentes nouvelles était-il une idée de ta part ?

C'est Olivier Girard qui m'a proposé, en plus de la couverture, d'illustrer chacune des six nouvelles du recueil. Très rapidement, j'ai eu envie de jouer avec les principes de l'espace positif et négatif en exploitant au mieux l'espace blanc de la page. C'est quelque chose que l'on ne fait pas souvent pour une couverture, car le blanc, en grande quantité, n'y est pas toujours le bienvenu (je généralise, il y a des exceptions). À cette première envie est venue s'ajouter celle d'avoir recours à un traitement commun pour l'ensemble des illustrations, quelque chose qui assurerait la cohérence visuelle du recueil. Ainsi est née l'idée de ces taches d'encre et de ces coulures qui permettent de faire tenir au sein d'un espace relativement clos tout un petit univers. Autre avantage, c'est qu'elles se marient assez bien, dans mon idée, aux thèmes abordés par Thomas Day. Et enfin, plutôt que de chercher à illustrer des scènes précises, comme c'est parfois le cas dans les éditions illustrées, j'ai choisi d'aborder les textes de biais et d'en offrir une interprétation. J'avais le mot « totem » à l'esprit en travaillant sur le recueil.

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Quel est ton parcours ? As-tu suivi une formation pour devenir illustrateur, ou bien t'es-tu formé tout seul ?

Je suis autodidacte. Rien ne me prédestinait vraiment à l'illustration après mes études de lettres, si ce n'est un brusque gain de temps libre qu'il fallait bien occuper. La découverte de certains outils numériques m'ont ouvert les yeux sur ce qu'il était de possible de faire avec un ordinateur, et je me suis mis à bidouiller tout seul dans mon coin. D'abord des zigouigouis pour des sites web, puis, petit à petit, notamment grâce à mon premier appareil photo numérique (c'est à cette période que mon amour pour la rouille s'est révélée au grand jour), je me suis mis aux photomontages et enfin à l'illustration.

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Sauf indiscrétion, quelles sont tes techniques de travail ? Travailles-tu uniquement avec l’informatique ou bien utilises-tu des techniques de dessin dites traditionnelles ?

Je ne travaille qu'en numérique. Mes images s'apparentent à une sorte de mélange de photographies, de scans de matières étranges, parfois un peu de 3D, du dessin (même si je ne sais pas dessiner au sens traditionnel du terme) que je triture et décompose pour mieux le recréer sous une autre forme. Pour prendre une image peut-être plus parlante qui m'est venue à la lecture du Chemin des Dieux de Jean-Philippe Depotte (absolument aucune publicité déguisée ici), il suffit de s'imaginer la pratique de la taxidermie. Mais la taxidermie appliquée à la création de chimères. On récupère des peaux d'animaux existants, on les traite, on les façonne, on fabrique une structure qui viendra simuler le corps d'une créature imaginaire en mouvement, puis on la recouvre et on recoud le tout. C'est un peu ma façon de faire. Voilà, je suis un taxidermiste de chimères. L'avantage, c'est que je n'ai pas à souffrir des odeurs de putréfaction ni de celles des produits chimiques.

Du sel sous les paupièresAprès Du sel sous les paupières, c'est le deuxième livre de Thomas Day que tu illustres (en plus des couvertures pour Lunes d'Encre). Comment s'est passée ta rencontre avec Gilles Dumay ?

J'ignore si lui-même s'en souvient, mais la rencontre s'est faite il y a plus de dix ans. Je débutais tout juste et j'exposais à Paris au sein d'un collectif. En parallèle avait lieu une séance de dédicaces – Thomas/Gilles intervenait pour la sortie de l'Instinct de l’Équarrisseur si mes souvenirs sont bons – et il m'a laissé entendre qu'il allait me donner du boulot. Jeune, sans expérience notoire et sans le sou, j'étais tout fou. Et… il aura fallu attendre dix années pour qu'il me recontacte. Mais il avait raison, mon travail avait considérablement besoin d'évoluer. (Gilles, sans rancune !)

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As-tu d'autres projets avec Thomas Day/Gilles Dumay ?

Oui, pour le coup on se rattrape bien puisque j'ai une nouvelle couverture à paraître chez Lunes d'Encre pour un texte des frères Strougatski, l'Escargot sur la Pente,ainsi qu'un gros projet de roman graphique. Il est encore bien trop tôt pour parler de ce dernier en détail, mais il s'agira de l'adaptation d'un roman d'un auteur américain qui nous tient à cœur tous les deux.

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Du côté du Bélial', c'est donc toi qui fait la couverture du Bifrost spécial Ray Bradbury. Que peux-tu nous dire de l'illustration, pour le moins cryptique ?

Il ne s'agit ni plus ni moins que d'une succession de références à ses principaux textes (au lecteur de toutes les retrouver, il y en a au moins sept, ce n'est pas bien difficile). Mais plutôt que de l'axer SF comme c'est quasiment toujours le cas, j'ai préféré emprunter la voie poussiéreuse de la fête foraine. Car au final, c'est grâce à elle, et plus particulièrement grâce à sa rencontre avec M. Electrico, que Ray Bradbury a vu naître sa vocation d'écrivain.

7secondes-europole.jpgProchainement sort chez Mnémos Europole, le guide de la titanopole, que tu illustres. Peux-tu nous en dire quelques mots ?

C'est un livre grand format, totalement illustré, se situant dans des années 50 alternatives et retrofuturistes où la Bureaucratie a supplanté les gouvernements. Un groupe de résistants se met en place et tente de réunir tout un ensemble de documents (publicités, tracts, photos, rapports confidentiels) qui les aideront à s'organiser et à coordonner leurs actions futures. En terme d'ambiance, pour faire vite, on est assez proche de Brazil. Les textes sont signés par un collectif d'auteurs parmi lesquels on retrouve Raphaël Bardas, Sébastien Célerin, Arnaud Cuidet, Damien Desnous, Raphaël Granier de Cassagnac, Vincent Kaufmann, Maël le Mée, Jean-Baptiste Lullien, Tristan Lhomme, Jérôme Noirez, Willem Peerbolte et Frédéric Weil. J'y ai donc réalisé la plupart des visuels, que ce soient des illustrations pleine page ou des fausses publicités des années 50, des affiches de films, des photos retouchées, des cartes géographiques… C'est une véritable plongée en apnée dans un univers parallèle gluant et poussiéreux qui puise ses racines, fatalement, de ce côté-ci de l'espace-temps… La sortie est prévue courant octobre, je crois. Le mois des fêtes foraines…

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Le site d'Aurélien Police.

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