Ce matin, ma radio préférée avait invité Alain Rey, le monsieur Je-sais-tout des Éditions Le Robert. Bien qu’ayant, à l’occasion et à l’époque où j’exerçais la profession de Mercenaire des Lettres, rédigé quelques entrées pour l’éditeur – et ayant au moins une fois pris le TGV Paris-Bordeaux assis quasiment en face de l’homme à la vêture iconoclaste – on ne peut pas dire que je connaisse le célèbre encyclopédiste. Juste de vue, dirons-nous.
Journal d'un homme des bois, 22 juin 2012
Ce matin, ma radio préférée – à savoir France Inter, dans la mesure où c’est celle que je capte le mieux depuis mon fin fond de nulle part – avait invité Alain Rey, le monsieur Je-sais-tout des Éditions Le Robert. Bien qu’ayant, à l’occasion et à l’époque où j’exerçais la profession de Mercenaire des Lettres, rédigé quelques entrées pour l’éditeur – et ayant au moins une fois pris le TGV Paris-Bordeaux assis quasiment en face de l’homme à la vêture iconoclaste – on ne peut pas dire que je connaisse le célèbre encyclopédiste. Juste de vue, dirons-nous. Alain Rey se mit sans tarder à nous gratifier de son érudition charmante et désuète. Ainsi, nous apprîmes que tant "fromage" que "rossignol" sont des "erreurs" de langage : on devrait en effet dire "formage" et "lossignol". L’Ami des Mots expliqua que le "formage" s’appelait initialement ainsi parce qu’il était "mis en forme" – accessoirement il est un fromage qui se souvient de son origine : c’est la fourme d’Ambert (et non pas la froume d’Ambert). Pour "lossignol", le divin Alain n’éclaira pas notre lanterne – mais cela nous fit penser à l’ami Viaud et à l’histoire de son pseudonyme d’écrivain : Loti. Le jovial et mirobolant Alain Rey eut alors cette conclusion fleurant bon la résignation d’intello préretraité : « Une erreur répétée devient la norme ». Ben oui, c’est pour ça qu’on meurt désormais d’un infractus du myocarde et qu’une espèce de n’importe quoi de masculin devient un espèce du même. Exemple : on dit tout à fait correctement une espèce de schtroumpfette mais on dit fort incorrectement un espèce de schtroumpf – on ne devrait pas. Quelques minutes plus tard, un des journaleux présents demanda au puits de science de raconter l’anecdote du passage de beurre. Rien à voir avec l’expression : une fois à l’huile, une fois au beurre. Rien à voir non plus avec Le dernier tango à Paris et sa scène de sodomie à la plaquette de beurre (salé ?). La référence est canadienne (crois-je me souvenir) : on y utiliserait l’expression « passer dans le beurre » pour qualifier un résultat obtenu sans grand effort. Et Alain, sur le coup des 11h50 (je note tout), de donner un exemple : « ça se dirait d’une mesure prise par le gouvernement sur laquelle tout le monde est d’accord, par exemple la croissance ». Ah ? Résumons : si j’en crois mes oreilles, Alain Rey, en fin observateur de la vie politique française, a donc constaté, lui aussi, que tout le monde était pour la croissance. Mais à notre différence, le ton sur lequel le zozo exprima la chose nous donne à penser que le fait en soi ne lui pose aucun problème ; pour tout dire du sous-entendu, il partagerait même cette idée que cela ne nous surprendrait guère. Eh bien mon cher Alain, à l’inverse des erreurs dont la répétition conduit à une nouvelle norme – comme vous nous l’assénez fort doctement – sachez qu’une connerie, même répétée à l’infini, reste une connerie ! Désolé…