(parution initiale in Bifrost n°37 - janvier 2005)
Les Mondes fantastiques de René Laloux, de Fabrice Blin, aux éditions du Pythagore (8 rue de Verdun, 52 000 Chaumont)
René Laloux, décédé le 14 mars 2004 d’un
infarctus, fut un des pionniers de l’animation française. Parmi ses courts-métrages les plus connus, citons
Les Escargots (1965),
scénario original sur des dessins de Topor, et
Comment Wang-Fô fut sauvé (1987), sur des dessins de Caza, scénario
inspiré d’une des
Nouvelles Orientales
de Marguerite Yourcenar (1938) qui, elle-même, avait été inspirée par
un conte de Lafacadio Hearn. Hearn que Laloux admirait également.
Mais ce qui restera la gloire de Laloux furent trois dessins animés
longs
métrages, tous inspirés par des auteurs français de science-fiction :
La Planète sauvage (1973), d’après
Oms en série de Stefan Wul, sur des dessins de Topor (Prix Spécial du Jury à Cannes, entre autres récompenses
internationales),
Les Maîtres du Temps (1981) d’après un autre roman de Wul,
L’Orphelin de Perdide, et sur
des dessins de Moebius, et
Gandahar (1987), d’après le tout premier roman d’Andrevon,
Les Hommes-machines contre Gandahar, sur des dessins de Caza. Trois films qui sont des obligés pour toute collection de DVD qui se
respecte.
L’ouvrage est composé essentiellement d’une longue interview de Laloux,
ponctuée par des analyses des films et entrecoupée de nombreux
témoignages, ceux de Topor, Moebius et Caza, bien sûr, mais aussi de
Pierre Pairault, alias Stefan Wul, et des très nombreux collaborateurs
du réalisateur. L’ouvrage fourmille d’anecdotes savoureuses, notamment
sur les tournages épiques dans les pays de l’Est (Tchécoslovaquie,
Hongrie), ou Corée du Nord, la bureaucratie communiste étant la plus
kafkaïenne qui soit. Quant à l’iconographie, elle s’avère des plus
riches, avec reproduction de multiples dessins préparatoires et autres
layout ou story-boards.
On rêve quand on pense qu’il y eut un jour, pour la télévision, le projet de programmer en films animés de 52 minutes tous
les romans de Stefan Wul, sur des dessins d’auteurs célèbres de BD, tous différents et provenant de l’école Métal Hurlant. Ah ! Ce qu’on a loupé là !
Dieu merci, Laloux eut des émules dans l’animation française, et je citerai Kirikou et la sorcière de Michel Ocelot
(1998), Le Château des singes (1999) et L’Île de Black Mór (2004) de Jean-François Laguionie, L’Enfant qui voulait être un ours (2002) de Jannick Hastrup, Les Enfants de la pluie (2003) de Philippe Clerc, sur des
dessins de Caza, d’après le roman de Brussolo A l’image du dragon qu’aurait voulu réaliser René
Laloux lui-même, Le Chien, le général et les oiseaux (2003) de Francis Nielsen, Les Triplettes de Belleville (2003) de
Sylvain Chomet, ou encore La Prophétie des grenouilles
de Jacques-Rémy Girerd (2003). Quel formidable éventail de talents et
de graphismes ! Qui, par sa diversité même, fait pièce à l’ennuyeuse
uniformité de l’animation japonaise. Seule ombre au tableau : les
dessins animés français ont trop souvent un public confidentiel,
contrairement aux grosses machines américaines en animation numérique
comme Nemo ou les Shrek.
Quoi qu’il en soit, on se précipite sur Les Mondes Fantastiques de René Laloux. Hop !