(Retrouvez cet article dans Bifrost n° 55, à paraître le 29 octobre)
Lire 1. Où l’on évoque la préface de Serge Lehman par Roland C. Wagner
2. Où l’on aborde les fictions de l’anthologie, par Sylvie Denis
La pulsion de mort plane sur cette anthologie. Il convient de la lire en écoutant La Chanson optimiste (10), que chantait Jean
Guidoni sur l’album Je marche dans les villes et dont la dernière phrase était : « Comme le dit Marguerite Duras en experte, ce monde est pourri qu’il aille à sa perte.
», chanson qui me mettait en joie à l’époque (oui, c’était il y a
longtemps, désolée pour les moins de vingt ans dépourvus d’imagination
qui croient que le monde est né avec eux et Internet) car son désespoir
sur fond de mélodie guillerette avait la politesse de ne pas se prendre
au sérieux…
Avant lecture, le titre, Retour sur l’horizon,
ne m’attirait pas vraiment, mais après lecture, ma foi, je ne peux que
le trouver des plus adaptés. Il semblerait que l’humeur du temps soit
au retour sur soi, à la rumination en marchant en rond dans sa chambre
et aux méprises, du moins en ce qui concerne l’anthologiste.
Dans la présentation du texte de Philippe Curval, Serge Lehman fait en effet allusion à la préface que j’ai écrite pourEscales 2001 en disant que la description que je faisais de la bulle de présent signifiait « la raréfaction des futurs possibles ».
Or, je n’ai jamais voulu dire que la bulle de présent réduisait les
futurs possibles. D’une part parce que je ne me suis jamais mêlée de
prédire le nombre de futurs possibles, probables ou autres — le risque
de se tromper est trop grand pour que je le prenne —, d’autre part
parce que la « bulle de présent » est un effet d’optique, rien de plus qu’un moyen de
décrire la façon dont nous envisageons les choses. Et je précisais bien que « pour faire de la S-F […] il faut oser sortir de la bulle de présent. »
Dans quelle mesure les textes de l’anthologie en sortent ou pas, voilà
une question que chaque lecteur pourra se poser et à laquelle il saura
sans nul doute répondre tout seul.
On ne peut tout de même s’empêcher de remarquer que le futur lointain n’y est pas présent, que lorsqu’on va dans
l’espace, on ne va pas plus loin que dans la ceinture des astéroïdes, et que nombre des personnages que l’on rencontre ici me
font songer au Daniel Diersant jeuryen, petit homme des années soixante-dix prisonnier d’une société absurde et aliénante qui
peine à « en sortir ».
Bizarrement — dans la mesure où je ne m’y attendais pas —, Jean-Claude Dunyach et Jérôme Noirez se retrouvent sur le
terrain des relations de couple difficiles. Dans les « Fleurs de Troie »,
de Jean-Claude Dunyach, le protagoniste a pour compagne Moire, qui
s’éloigne de plus en plus de lui à mesure qu’elle plonge dans une vie
virtuelle — excellemment vue et décrite par l’auteur comme l’une des
tendances fortes de notre temps. Notre héros gagne — fort bien, grâce à
une modification de son cerveau, une autre bonne idée — sa vie comme
explorateur dans la ceinture d’astéroïdes. Ayant rencontré une fleur
des plus étranges sur l’un d’eux, il perd son associé, dont le cerveau
est envahi par une sorte de programme informatique extraterrestre qui
le pilote sur terre et y provoque des dégâts irrémédiables. Ayant perdu
son amour, son ami et associé, et entrevoyant la puissance destructrice
de la chose qu’il a ramenée, notre narrateur décide de repartir dans
les astéroïdes, laissant entrevoir au lecteur une façon radicale de
régler tous les problèmes de l’humanité. J’aurais préféré qu’il décide
de laisser sa femme à ses fictions et de bâtir un joyeux empire
financier avec son pote, mais il est évident que pour l’auteur, c’est
l’inatteignable mystère féminin qui importe : sans lui, point de
bonheur sur cette terre, ce qu’on ne peut en aucune façon lui
reprocher.
Dans « Terre de Fraye », de Jérôme Noirez, un
phénomène désigné sous le nom réjouissant de Bloop déverse des océans
grouillants de créatures marines sur la Terre, provoquant le lent
engloutissement de tout ce qui s’y trouve. Clioné le surfer, qui s’est
retrouvé célèbre en affrontant l’océan qui terrifie ses contemporains,
exerce son art sous les yeux des caméras et d’un fan japonais porté sur
la boisson jusqu’au jour où il rencontre une singulière créature qui
s’intéresse à lui d’une manière qui l’intéresse lui aussi. Jérôme
Noirez est un délicieux satiriste, la vision de Bill Clinton coiffé
d’une méduse et le personnage désespéré du Japonais perpétuellement
bourré sont un plaisir, ainsi que ses descriptions de créatures marines
chimériques et envahissantes. J’ai un peu plus de mal à comprendre son
héros, lequel, ayant donc trouvé une créature féminine et fréquentable,
découvre qu’elle est une sorte de réceptacle pour la progéniture d’un
peuple extraterrestre. Heureusement, elle le choisit lui, et notre
artiste-héros ayant établi sa suprématie sur cette nouvelle extension
du domaine de la lutte, peut continuer à ignorer le monde qu’il
méprisait de toute façon depuis le début.
Fabrice Colin et Léo Henry sont notre duo métafictionnel. Bienvenue au royaume des références, des emboîtements et des
labyrinthes.
Le texte de Léo Henry me laisse extrêmement dubitative — en dépit ou à cause de la délicieuse inventivité de
l’auteur quand il s’agit de créer des œuvres et des auteurs imaginaires. Cantor (comme le mathématicien ?), le narrateur,
travaille pour Mozart Assassiné, une organisation d’où est issue une cité-république dont vingt-six pour cent des habitants
sont des artistes et dont l’économie repose entièrement sur la culture. En effet, dixit Cantor : «
L’accès aux banques de données informatiques […] offre aux scientifiques de Mozart Assassiné la possibilité de
diagnostiquer avant cinq ans le quotient de création de chaque enfant. Il s’agit ensuite de l’élever dans des conditions
idéales pour favoriser ses penchants.
» Nul besoin d’avoir fait de longues études scientifiques pour se dire
qu’une telle idée, présentée avec si peu de recul, flirte
dangereusement avec le grotesque… Notre Cantor a donc pour métier de
sauver des personnes dont le potentiel artistique a été gâché ; la
nouvelle nous le montre entrant dans la conscience d’Absalon Nathan, un
vieil homme qui n’a pas écrit les œuvres qu’il portait en lui. Voilà
donc une nouvelle contenant trois synthèses d’œuvres fictionnelles
doublement imaginaires, lesquelles mettent en scène des auteurs ou des
œuvres qui jouent eux-mêmes, ou sont la proie de phénomènes de copie,
d’avalement et de duplication. En conclusion, Cantor, qui se dit
dépourvu de « don » justifie son activité et son existence par le fait
qu’il est le dépositaire de l’œuvre mort-née d’Absalon Nathan. Cantor
n’est donc rien d’autre qu’un vecteur, un homme dont l’être et les
qualités n’existent que pour servir l’idéologie de Mozart Assassiné,
laquelle me semble des plus étranges… J’aurais préféré quant à moi que
l’auteur se contente de jouer de ses miroirs métafictionnels sans
tenter de les parer d’un fondement « scientifique » fort maladroit…
Point d’étranges utopies chez Fabrice Colin, mais Philip K. Dick, des androïdes et des illusions.
J’aimerais vraiment comprendre ce qui préoccupe Fabrice Colin lorsqu’il écrit ce genre de texte. J’arrive, avec un effort,
à l’appréhender d’un point de vue intellectuel, mais cela me paraît immensément abstrait et lointain. J’ai
été obligée de faire un schéma pour pointer les emboîtements de texte, ce qui prouve que soit certains de mes
neurones ne fonctionnent plus très bien, soit que Fabrice Colin est très malin.
Donc, dans « Ce qui reste du réel », un Fabrice Colin fictif écrit à un Serge Lehman parallèle pour lui dire
qu’il avait l’intention d’écrire un texte pour son anthologie. Le texte aurait parlé de Philip K. Dick et aurait
été notamment basé sur le fameux discours de Metz dans lequel celui-ci déclarait que «
il y a presque autant d’univers qu’il y a de gens, que chaque individu
vit en quelque sorte dans un univers de sa propre création ». Ce Fabrice Colin-là écrit à l’anthologiste qu’en vacances
dans un refuge de montagne il a trouvé le manuscrit de la nouvelle
qu’il projetait, écrite par un certain Emmanuel Werner. C’est ce texte
qui commence alors, et l’on y rencontre Ambrose Melanko, qui arrive
dans un hôtel de montagne du Colorado dans le cadre de l’enquête qu’il
mène pour retrouver la tête perdue d’un Philip K. Dick androïde. Au
même endroit se trouve une certaine Eléonora, une jeune femme qui ne
sait pas qui elle est et pourquoi elle est là, mais qui ne tarde pas à
rencontrer une certaine Jane, laquelle se consacre à la transcription
des textes que lui dicte son frère Philip, un mannequin en fauteuil
roulant. Le texte en question a pour sujet une femme qui découvre
qu’elle n’est peut-être qu’une androïde. La clé du texte est sans nul
doute dans une des réflexions du Fabrice Colin bis : «
Le moment qui m’intéressait était celui où l’écrivain se vit comme une de ses créations et se retrouve pris au
piège de sa propre logique littéraire.
» Le fait est qu’il a raison : nous sommes effectivement des fictions.
Tout être humain est un récit qu’il se raconte à lui-même et qu’il
modifie à mesure qu’il avance dans la vie. Cela signifie-t-il pour
autant qu’il soit une illusion ? Oui, sans doute, mais cela ne change
rien à sa valeur, et puis, quelle importance ? Pour plus ample
développement de cette idée qui semble en déranger plus d’un, je
conseillerais Je suis une boucle étrange (Dunod, 2006) de Douglas Hofstader, où
l’auteur explique fort bien le comment et le pourquoi des boucles autoréférentielles et de leur rôle dans l’existence de la
conscience chez les êtres humains.
Evidemment, dans ce jeu de miroirs, le monde extérieur n’est représenté que par les rumeurs de guerre montant de la vallée
que surplombent la montagne et l’hôtel, mais même s’il m’est agréable de demeurer quelque temps sur ces sommets
solipsistes et mélancoliques — cette montagne a tout de même quelque chose de magique — je tends à penser qu’il faut
mieux, pour ma santé mentale, ne pas en abuser.
« Lumière Noire »
, de Thomay Day, combine assez brillamment singularité et
post-apocalyptique. J’aimerais que l’on se souvienne que la singularité
est une hypothèse émise par Vernor Vinge, d’abord en 1983 dans Omni,
puis en 1993 dans un article intitulé « The Coming Technological
Singularity, How to Survive in the Post-Human Era. »
(http://www-rohan.sdsu.edu/faculty/vinge/ longnow) dans lequel il
postule qu’une intelligence supra-humaine naîtra de la technologie
créée par les humains. Au-delà de cette frontière paradigmatique, la
donne étant radicalement transformée, il sera impossible de seulement
concevoir le monde qui en résultera.
Ce qui signifie, entre autres, que rien n’interdit d’écrire de la science-fiction sans singularité aucune — Vinge a
d’ailleurs rédigé un article consacré à toute une série de scénarios non-singularistes ! (11)
Mais si on décide de suivre servilement ce postulat, on peut, comme
Thomas Day, entraîner son lecteur dans un monde en ruine. La
catastrophe singulariste s’est produite : un certain Lumière Noire a
fait s’effondrer les réseaux informatiques de la planète et plongé le
monde dans le chaos. On ne peut vivre que par groupes de trois dans des
zones radioactives. Comme dans out bon récit post-apocalyptique, la
seule question qui compte est la survie, et son héros, qui traverse le
Canada et une partie des Etats-Unis à bord d’un camion géant dans un
monde hivernal, prouve qu’il ne se débrouille pas trop mal sur ce
terrain en tuant deux affreux et un chien et en sauvant une femme. Il
se trouve, heureusement, que Lumière Noire a des projets à longs termes
et comme le dit l’hilarant DJ du début et de la fin du texte : « La vie continue, heureusement. ». La raison pour laquelle il faut en passer par une
improbable tabula rasa pour en arriver là appartient à l’auteur — après tout, il ne s’agit que d’un fantasme, et
lorsqu’ils sont bien noirs, on sait qu’il vaut mieux les expulser en mots qu’en actes.
Les mots, c’est peut-être ce qui a manqué au terroriste de Laurent
Kloezter, parfait exemple d’abruti portant la mort en lui et la
répandant tout autour. Il a transporté une arme, un « virus
informationnel », encore un, pour éliminer les Musulmans mais épargner
les Européens, et nous assistons à son interrogatoire, qui, bien
entendu, sert de vecteur au virus qui ne fonctionne pas tout à fait
comme prévu. Le tout étant d’une noirceur un peu trop classique pour
moi. Ce qui m’intéresse, ce n’est pas de savoir que des imbéciles sont
capables de porter la mort en eux et dans le monde, c’est de comprendre
pourquoi il en est ainsi, et peut-être, comment on pourrait les en
empêcher.
Les nouvelles d’André Ruellan et de David Calvo sont de celles qui-ne-sont-pas-de-la-SF-à-proprement-parler-mais-on-s’en-fout. « Je vous prends tous un par un » est
de ces textes courts et joyeusement mabouls où le point de vue d’un
personnage sur un tout petit morceau de l’univers en crée un autre,
provoquant chez le lecteur une jubilation à la hauteur de sa
mégalomanie. Il en est de même pour le vieillard agonisant d’André
Ruellan : une jolie tranche d’horreur bien angoissante. Il s’agit là de
la mort, la vraie, celle que précède l’interminable agonie du corps
réel, pas la pulsion qui hante nos esprits tortueux de mammifères
bourrés de contradictions, mais celle qui viendra inévitablement nous
bouffer tout cru. Non pas la raison pour laquelle nous avons un
problème avec l’horizon, comme le dit l’anthologiste, mais celle-là
même pour laquelle il est indispensable de regarder au-delà.
Finalement, avec ces deux-là, mes textes préférés sont des satires qui n’hésitent pas à attaquer notre époque
de front. Le malheureux protagoniste de « Tertiaire », d’Eric Holstein, incarne dans sa déchéance la direction vers
laquelle nous entraîne la société matérialiste du néo-capitalisme triomphant. L’auteur y déploie des trésors
d’inventivité pour décrire son triste quotidien de data trader
dans un monde de brutes pour qui tout est signe — de statut et
d’insertion sociale, de réussite, d’intelligence, etc … — et absolument
rien d’autre. Tout se vend et tout s’achète, bagnole et droit de
circuler sur l’Orbital construit au-dessus du périphérique, corps, déco
d’appartement et ainsi de suite, et la grande mécanique folle du monde
n’a d’autre but que d’entretenir cette pitoyable course au bling-bling.
Faute de posséder la moindre trace de capacité d’analyse du monde dans
lequel il vit, Emerson Mighty, devenu Abel 8328, ne peut que suivre le
mouvement. Ou comment saisir l’un des éléments essentiels du zeitgeist de cette fin de
décennie pour le plaisir des lecteurs. J’espère pour ma part lire d’autres textes d’Eric Holstein, un auteur qui a un vrai
point de vue sur notre monde, ça m’intéresse énormément…
Pareil pour le pauvre Seiter de Catherine Dufour, qui, se conformant à
ce qu’on lui demande dans son entreprise, vend de la camelote à de
pauvres gens aussi perdus et impuissants que lui avec des conséquences
parfois fort fâcheuses. Le tout avec un réjouissant luxe de détails et
les jolies remarques méchamment mordantes dont l’auteur a le secret.
Philippe Curval, quant à lui, décrit un monde où les
derniers communistes européens se sont réfugiés à l’intérieur du
Dragonmarx du titre, une immense forteresse qui occupe le centre de
Vienne. Contrairement à ce que cette introduction pourrait laisser
penser, l’aspect politique demeure secondaire, Curval préférant jongler
pendant tout le texte avec nombre de notions antagonistes et
contradictoires. Les Chiens rouges qui ravagent les quartiers
périphériques de la ville et enlèvent ses habitants cherchent avant
tout à les « encommunister », en créant Dragonmarx à l’intérieur du
Ring, les communistes ont conquis l’anneau des Nibelungen, le
matérialisme dialectique fait bon ménage avec Wotan et la technomagie
permet de contenir les assauts des forces capitalistes… On l’aura
compris, Curval s’amuse comme un fou, et le combat final contre l’Hydre
capitaliste,
qui culmine avec la fusion de millions d’exploités en un « gestalt du
prolétariat » — un clin d’œil à Poupée aux yeux morts de Roland C. Wagner, où les esclaves du Néo-Puritanisme fusionnent mentalement pour lutter contre
l’entité incarnant cette même doctrine ? —, ne fait que confirmer l’impression initiale : la seule logique présidant
à cette novella est celle de la réification des métaphores pour un résultat tout aussi jouissif qu’inattendu.
Avec « Pirate »,
on est aussi dans la métaphore mais pour un résultat très différent.
Mahéva Stéphan-Bugni explore la psyché d’un individu presque invisible
dans une société tout aussi aliénante que celles d’Eric Holstein et
Catherine Dufour, mais avec un résultat très différent. Point de rire
grinçant mais de l’absurde et de la poésie. Le malheureux, qui
s’appelle ou ne s’appelle pas Thomas, illustrateur pour l’ « Agence
Nationale des Artistes », se rend à la convocation d’une administration
tatillonne qui tente de lui faire établir son identité (Pirate ou pas
Pirate ?) et découvre un bâtiment qui n’est pas censé exister. Il est
vrai que dans cette Ville, Internet, ce nid de terroristes et de
pédophiles, n’existe pas. Et voilà Thomas qui se lance dans une étrange
communication avec les improbables habitants de cet improbable
bâtiment. Comme souvent chez les Français, l’art est la réponse à bien
des problèmes, mais ici, l’atmosphère du texte est prenante et la
pirouette finale belle et joliment menée.
L’issue de l’art n’est d’ailleurs même pas offerte au personnage de l’Hilbert Hôtel de Xavier Mauméjean,
qui m’a rappelé le personnage de majordome des Vestiges du Jour de Kazuo Ishiguro que joue Anthony Hopkins dans le film du
même nom. Une belle description de l’absurdité du monde des conventions sociales, dommage que l’auteur ne soit pas allé plus
loin en s’attaquant au pourquoi et au comment de cette étouffant univers.
Je suppose qu’on est également dans la métaphore avec Daylon, mais je
ne sais pas trop de quoi. Celui-ci nous raconte une histoire de géants
arrivés on ne sait comment sur Terre. Leur technologie étant bien plus
avancée que la nôtre, elle a amené l’humanité à encore plus d’anomie
que ses propres inventions. Le héros, genre jeune déjà dégoûté de tout,
semble détester tout le monde à part lui-même et sa dulcinée ; il
poursuit celle-ci alors qu’elle doit participer à une mission chargée
de stopper un phénomène qui met en danger les géants et finit par
trouver, sans vraiment d’explication pour le lecteur perplexe, un moyen
d’accompagner sa petite amie dans son ascension (littérale) pour
atteindre un au-delà où il se dissout. On se croirait dans Contact, cet insupportable film au terme duquel Jodie Foster rencontrait Dieu sur une
plage après qu’on nous avait fait croire qu’il s’agissait d’un film de S-F.
Selon Serge Lehman, ce texte serait une solution à la prétendu crise du space opera, dont il semble penser que l’histoire a
été définitivement achevée par Kim Stanley Robinson et Dan Simmons. Idée singulière : de la même façon
qu’il ne me viendrait jamais à l’idée de donner mon avis sur la quantité de futurs disponibles dans l’univers, je vois
mal comment on peut déclarer, devant l’immensité des siècles, que plus personne ne trouvera jamais le moyen d’écrire
quoi que ce soit d’intéressant sur l’exploration de l’univers par notre espèce.
Tout a été écrit sur les grandes questions de la vie, de la mort, de l’amour et du grand horloger, tout a été
écrit, par Shakespeare, Homère, Rabelais, Molière, Proust et qui il vous plaira d’ajouter à la liste. Je reste néanmoins
convaincue que du moment où nos lointains ancêtres décidèrent qu’il n’était pas question qu’ils continuent
à manger cru et à se peler les fesses sous la pluie avec les autres bestioles de la savane, notre sort de mammifère mécontent
était définitivement scellé. Autrement dit, tout a peut-être été écrit mais l’histoire, celle de
l’humanité, n’est pas terminée. Notre jolie civilisation du pétrole s’effondrerait-elle sous le plafond suffoquant de
l’effet de serre qu’elle ne le serait toujours pas, et qu’il y aurait encore à dire sur les étranges aventures du genre
homo.
Demeure au final une anthologie légèrement au-dessus de la moyenne, dont on peut espérer que la réception ne sera pas trop
affectée par le discours théorique nébuleux de l’anthologiste.
Image de une : Détail de l'illustration de Manchu pour Retour sur l'horizon.
(10). http://www.dailymotion.com/relevance/search/Jean+guidoni+chanson+optimiste/video/xt415_guidoni-81-la-chanson-optimiste_music
(11). What if the singularity does NOT happen ? Vernor Vinge http://www-rohan.sdsu.edu/faculty/vinge/longnow/index.htm