(parution initiale in Bifrost n°32 - octobre 2003)
MANGAMANIA DVD
Une collection d’anime présentée par Pathé Cinéma
Durant l'été 1982 (ce qui ne me rajeunit pas), je faisais du tourisme
au Japon. Là-bas, entre autres sujets d'étonnements (comme la stridence
des cigales, plus assourdissantes que celles de notre Provence, la
disposition des WC, qui plonge toujours l'étranger dans un abîme de
perplexité quant à la façon de se « positionner », ou ces immenses
salles de « pachinko » dans lesquelles des centaines de joueurs restent
hypnotisés par la chute de billes argentées), je suis demeuré confondu
devant l'abondance de ces revues de bandes dessinées à quatre sous (ou
plutôt cinq yens) abandonnées sur les banquettes des bus ou des métros,
revues aux dessins aussi moches que caricaturaux, pires parfois que les
pires « fumetti » italiens. A l'époque, je n'avais encore jamais
entendu prononcer le mot « manga », même si je connaissais ces
horribles séries animées nippones qui polluaient de plus en plus nos
petits écrans, Goldorak, Albator ou Capitaine Flamme. Je me disais : «
Quand même, jamais ces horreurs dessinées ne pourront se vendre chez
nous. La différence de qualité est tellement criante entre la BD
occidentale et la BD nippone ! » Comme je me trompais !
Certes, l'invasion fut lente, subissant des hauts et des
bas. Si les ventes paraissent décoller enfin en 1994 (grâce à Dragon
Ball chez Glénat, à Vidéo girl aï ou Tokyo Babylon chez Tonkam),
patatras, tout s'écroule deux ans plus tard. Ce n'est qu'à partir de
l'an 2000 que le manga semble enfin s'imposer dans l'Hexagone. Les éditeurs se multiplient, comme Kana, du groupe Dargaud, ou
Pika, les séries à succès aussi, comme Gunnm (prononcez « gannmou »), Kenshin, Captain Tsubasa et autres Chevaliers du
Zodiaque. Désormais le manga représente près de 12 % du marché de la BD en France. Il a ses fans (ou « otakus
», pour reprendre le terme nippon), ses festivals (comme Baka Manga, qui s'est déroulé à Lyon les 29 et 30 mars 2003), ses
expositions (comme celle qui a eu lieu à la fondation Garnier à Paris durant l'été 2002), son vocabulaire, forcément nippon,
compréhensible des seuls initiés (shojo : manga pour filles ; shonen : manga pour garçons ; hentai : manga à caractère
pornographique ; yaoi : manga mettant en scène des homosexuels ; kawai : « mignon », caractère intangible des personnages
féminins, même si sous le mignon peut se cacher beaucoup de perversité ; goodies : produits dérivés comme figurines ou
affiches ; etc.), ses revues spécialisées (comme Japanmania, Otaku, Samuko et Kabuki, ces deux derniers spécialisés dans le «
hentai », Animeland, qui s'autoproclame « le premier magazine de l'animation et du manga » ; n'empêche, ce gros mensuel vient
déjà de fêter son douzième anniversaire !), et même ses zines, comme Razibus Tekios, Nozomi ou Mizono.
Mais ce ne sont pas les mangas à proprement parler qui vont faire
l'objet de ma présente chronique, mais bien les OAV, sigle pour «
original animation for video », des films d'animation destinés à une
exploitation directe en vidéo ou DVD sans passer par les supports télé
ou cinéma. Le concept « OAV » semble avoir été créé par Mamoru Oshii en
1983, avec Dallos. Certains studios américains, comme ceux de Walt
Disney, ont parfaitement intégré le concept. Bien des « séquelles » de
dessins animés à succès seront des OAV, comme Le Roi Lion 2, La Belle
et la Bête 2, Pocahontas 2, ou encore Les Énigmes de l'Atlantide, une
suite de trois sketches aux scénarii minimum et à l'animation
approximative du déjà pas terrible Atlantide (bref et en l'occurrence,
une véritable arnaque !)
Souvent, pour les OAV nippones, on parlera simplement d'animeNote du rédac'chef :
Prononcez, à la japonaise : animé.. Terme que je conserverai (comme celui de « japanimation »,
souvent contracté en « japanim' ») et qui me semble bien plus exact et
prêtant moins à confusion que celui de « dessin animé ». En effet,
l'expression « dessin animé » fait immédiatement penser aux grands
studios américains, comme ceux de Walt Disney ou de Dreamworks
Pictures, dont l'animation a toujours recherché la fluidité. La «
japanimation » demeure dans le primaire, le stroboscopique, le figé.
Ainsi, le metteur en scène japonais se contentera de zooms répétés sur
des visages grimaçants (exprimant la joie, la colère ou l'étonnement),
de longs travellings sur des foules statufiées ou des décors tout juste
ébauchés, voire de gens vus de dos et tenant, sans bouger,
d'interminables discours. A de rares exceptions près, les japonais ne
font jamais dans le 24 images par seconde, mais beaucoup moins. Et ils
semblent encore largement ignorer les images de synthèse. Comparés aux
standards nippons, même l'animation française fait preuve d'une
incroyable diversité et d'une étonnante fluidité (cf : Kirikou et la
sorcière de Michel Ocelot, 1998 ; Le Château des singes de
Jean-François Laguinoie, 1999 ; Kaena, de Chris Delaporte, 2003 ; Les
Enfants de la pluie de Philippe Leclerc, 2003 ; ou Les Triplettes de
Belleville de Sylvain Chomet, 2003).
L'OAV nippon se fonde presque toujours sur un manga
préalable. Exemples célèbres : Ghost in the Shell, Gunnm, Evangelion ou
Akira. Mais il est des exceptions notables : Street Fighter, qui reprend
les personnages d'un jeu vidéo créé dès 1987, ou encore Blood, The Last
Vampire, qui est une création totalement originale.
Que les OAV se fondent sur des mangas préalables explique
un certain nombre de stéréotypes qui peuvent agacer un public
occidental. Ainsi, des personnages tellement typés qu'ils en deviennent
absolument interchangeables : des adolescents aux yeux immenses, aux
bouches petites, aux nez pointus, avec presque systématiquement des
ombres portées, en hachures, celles du nez et de la lèvre inférieure
par exemple. Seules les coiffures permettent de différencier les filles
entre elles, et même les garçons des filles. Chez le pourtant immense
Miyazaki, il est par exemple impossible de différencier physiquement
les héros et héroïnes du Château dans le ciel ou de Princesse Mononoké,
sinon par leurs vêtements et leurs cheveux. Car il s'agit bien là des
codes du manga directement transposés dans les « animés ». J'oserai
cette explication quant à ces codes graphiques : les Japonais seraient
trop respectueux des grands anciens pour oser innover ou transgresser.
Ainsi, du maître absolu Osamu Tezuka (1928-1989), créateur de mangas
ultra-célèbres comme Tetsuwan Atom (chez nous Astro Boy, 1951, le robot
atomique à l'apparence enfantine prototype de tous les « Méchas » dont
je parlerai infra), de Kimba le Lion Blanc (dont les Studios Walt
Disney s'inspireront pour Le Roi Lion) ou de Metropolis, Tezuka, auteur
de 150 000 pages de BD et de plus de 60 films d'animation ! (De lui
vient tout juste de sortir, un peu en catimini, La Légende de la forêt,
un choix de cinq courts métrages.) Pour tous les « mangakas » (auteurs
de mangas), il est la référence incontournable. Comme si tous les
auteurs de BD en Europe se devaient de copier le style d'Hergé.
Heureusement que cela bouge quelque peu au Pays du Soleil Levant (et je
pense aux mangas de Taniguchi Jirô, comme Quartier lointain ou Au temps
de Botchan). Et plus encore d’ailleurs chez les auteurs coréens, dont
les travaux, exposés jusqu'au 26 janvier de cette année à Angoulême,
s'avèrent extrêmement innovant.
Une autre explication a été avancée concernant les poses trop figées et les mouvements saccadés des personnages de la «
japanimation ». Cela rappellerait l'esthétique du Jojuri, ou Bunraku, le célèbre théâtre de marionnettes, dont les
poupées, hautes de plus d’un mètre, étaient manipulées par trois marionnettistes, un maître (au visage découvert)
et ses deux élèves (aux visages cachés). Pareille explication m'a toujours parue tirée par les cheveux…
Et voici que depuis
quelques mois, l'on peut trouver tous les quinze jours, chez son marchand de journaux préféré, un OAV, un «
animé » accompagné d'un fascicule de huit pages, pour la modique somme de 14,95 euros, une collection proposée par Pathé
Cinéma (le premier numéro de la dite collection étant proposé pour le prix de 5,95 euros, le second pour 9,95 euros, façon
éprouvée depuis longtemps d’appâter le client). Au moment où vous lirez ces lignes, seront déjà
parus :
1 - Ghost in the shell, de Mamoru Oshii (1995), d'après un manga de Masamune Shirow.
2 - Akira, de Katsuhiro Otomo (1988), d'après son propre manga.
3 - Blood, the last vampire, de Hiroyuki Kitabuko (2000)
4 - Evangelion, death and rebirth, de Hideaki Anno (1997), d'après la série télévisée du même nom (le manga apparaissant
après).
5 - Patlabor, de Mamoru Oshii (1989).
6 - Macross Plus (Episodes 1 et 2), de Shoji Kawamori (1995), d'après la série télévisée du même nom.
7 - Gunnm, de Hiroshi Fukutomi (1993), d'après le manga de Yukito Kishiro.
8 - Ninja scroll, de Yoshiaki Kawajiri (1993).
9 - Cobra, de Asamu Dezaki (1982) d'après un manga de Buichi Terasawa commencé en 1977.
10 - Patlabor 2, de Mamoru Oshii (1993).
11 - Angel cop, volume 1, d'Ichirï Itano (1989).
12 - Macross Plus (Episodes 3 et 4), Shoji Kawamori (1995).
13 - Stree Fighter Alpha – le film, de Shigeyasu Yamauchi (1999).
14 - Appleseed, de Kazusohi Katayama (1989), d'après le manga de Masamune Shirow.
15 - Dominion tank police 1 et 2, de Kuishi Mashimo (1989), toujours d'après un manga de Masamune Shirow.
16 - Roujin .Z, de Hiroyuki Kitakubo (1991), d'après une histoire originale de Katsuhiro Otomo.
17 - Angel cop, volume 2 (1989).
18 - Princesse Miyu, vampire, chapitres 1 et 2 (1989) de Toshihiro
Hirano, d'après le manga de Narumi Kakinouchi (une des trop rares
femmes créatrices dans ce genre).
19 - Les Ailes d'Honneamis, de Hideaki Anno.
20 - Dominion tank police 3 et 4.
21 - Street Fighter 2, de Gisa-buro Sugii (1994).
22 - Princesse Miyu, vampire, chapitres 3 et 4, de Toshihiro Hirano.
23 - Macross 2, de Kenichi Yatagai et Ken'ichi Yatsuya (1992, 1993).
24 - New Dominion Tank Police, volume 1, de Noboru Furuse.
25 - Giant Robo, volume 1, de Yasuhiro Imagawa (1993), d'après un manga de Mitsuteru Yokoyoma.
26 - New Dominion Tank Police, volume 2.
27 - Goku Midnight Eye, de Yoshiaki Kawajiri.
Les fascicules sont amusants, car dithyrambiques jusqu'à la démesure :
les réalisateurs sont tous des maîtres ou des génies, les scénarii
prodigieux, les actions époustouflantes, et chaque film une référence
absolue. Street Fighter 2 - Le Film, est présenté comme « le jeu vidéo
ultime sacralisé en version animée ». Vous avez bien lu : « sacralisé »
! Passons, et surtout sur les trop nombreuses coquilles émaillant ces
pages, dates fluctuantes ou patronymes changeants concernant les
personnages principaux ou les metteurs en scène (4). Quant aux bonus
des DVD, ils sont anémiques, c'est le moins que l'on puisse dire. Ils
se contentent de textes déroulants (souvent trop rapides) présentant la
filmographie de l'auteur, les caractéristiques des principaux
personnages, un baratin confus sur le contenu même de l'anime.
Sur les 27 titres cités supra, 22 ressortissent à la
science-fiction, dont 17 relevant du cyberpunk. Etres bioniques aux
exosquelettes quasi indestructibles, cyborgs pouvant se brancher
directement sur de gigantesques mémoires informatiques, « méchas » à
géométrie variable et aux silhouettes la plupart du temps animales,
mutants dégoulinant de super-pouvoirs, terroristes manipulés, flics aux
manières expéditives, femmes-enfants surarmées, tout ce joli monde se
déchire dans des mégapoles étouffantes, très souvent après un conflit
mondial (Akira, Appleseed…) ou une catastrophe cosmique (le météorite
d'Evangelion).
Le « personnage » le plus récurrent des ces scénarii
cyberpunk reste le « mécha » (prononcer « méka »). Ce terme désigne
tous les robots géants, mais aussi les engins spatiaux et un certain
nombre de véhicules hyper-informatisés que l'on peut rencontrer dans
les « mangas » et les anime. L'origine du « mécha » remonte à l'enfant
robot Astro Boy inventé par Tezuka, et sa représentation la plus
emblématique reste Goldorak. Les « méchas » ne peuvent fonctionner que
par la fusion de leurs circuits informatiques avec l'esprit ou les
sentiments de ceux qui vont les diriger de l'intérieur, des adolescents
dans la majorité des cas (Evangelion, Patlabor, Angel Cop, Appleseed,
Dominion Tank Police, Roujin .Z, avec pour ce dernier titre, une
exception remarquable : c'est l'esprit d'un vieillard qui fusionne
avec la machine).
Pour Alessandro Gomarasca, dans Poupées, Robots : la
Culture Pop japonaise (éd. Autrement, coll. « Mutations ») le robot
de type Goldorak incarne la puissance de la technologie occidentale qui
a balayé Hiroshima et Nagasaki. Or, cette technologie n'a pas été
diabolisée, mais bien fétichisée. Il a suffi de la récupérer, d'y
introduire l'esprit propre aux Japonais, le fameux « seishin » (terme
difficilement traduisible), esprit qui est représenté dans les mangas
et les animés par des enfants ou des adolescents. Cette conjonction
inédite devrait rendre le Pays du Soleil Levant désormais réellement
invincible. Exégèse qui en vaut bien une autre, comme celle de Denis
Perret-Gallix, directeur du bureau du CNRS de Tokyo : pour lui, le
robot moderne nippon est à placer dans la continuité de l'art du «
netsuke », petite figurine de bois ou d'ivoire très populaire dans le
Japon du XVIIe siècle (cf. son interview dans Libération).
Les space op' sont plus rares dans l'état actuel de notre
collection d'anime : Cobra, Les Ailes d'Honneamis, et les
épisodes de Macross Plus, encore que, dans ce dernier cas, le
spectateur a plutôt droit à une pénible resucée du déjà insupportable
Top Gun. Sinon, deux histoires de vampire (Blood et Princesse Miyu,
vampire), une histoire de Samouraïs (Ninja scroll), sans référence
historique mais bourrée de mutants, et un film de karaté
(Streetfighter, se déroulant quand même dans un futur méchamment
post-apocalyptique). On voit à quel point l'esthétique cyberpunk s'est
montrée envahissante. Et cela, dans des recyclages parfois
ahurissants : le fascicule accompagnant Gunnm donne, comme source
d'inspiration au scénario : Métropolis (de Fritz Lang, 1927), La
Fiancée de Frankenstein (de James Whale, 1935), Orange Mécanique (de
Stanley Kubrick, 1971), Rollerball (de Norman Jewison, 1975), Alien
(de Ridley Scott, 1979), Mad Max (de George Miller, 1979), Blade Runner
(de Ridley Scott, 1982), Terminator (de James Cameron, 1984)… N'en
jetez plus ! J'ai toujours pensé que le mouvement cyberpunk était une
drôle d'entreprise de récupération en tous genres.
On reste stupéfait de constater à quel point la culture
japonaise proprement dite est absente de ces anime. L'histoire, la
mythologie, les traditions et les coutumes de l'archipel sont presque
systématiquement gommées. Question religion, les références sont dans
la majorité des cas bibliques. Elles deviennent carrément omniprésentes
dans Evangelion. Ce titre même est déjà révélateur. Et nous rencontrons
au fil de l'œuvre des Anges venant semer la pagaille sur Terre, des «
méchas » nommés des « Eva », les trois Rois Mages Gaspard, Melchior et
Balthazar, Adam crucifié dans un sous-sol après avoir perdu sa compagne
Lilith, la lance de Longuin (celle qui perça le flanc du Christ) fichée
dans le sol lunaire, des dizaines de milliers de croix voguant dans
l'espace sur fond d'étoiles, sans parler de l'apparition de stigmates
sacrés et de l'arbre séfirotique. Quant à la musique, nous passons de
Bach (Jésus que ma joie demeure, bien sûr) aux Beatles avec un détour
par le canon de Pachelbel. Dans Ghost in the shell, ce n'est pas un
saint fondateur d'une secte bouddhiste qui sera cité, mais bien Saint
Paul, le fondateur du christianisme : « Lorsque j'étais enfant, je
parlais en enfant, je pensais en enfant, je raisonnais en enfant ; une
fois devenu homme, j'ai fait disparaître ce qui était de l'enfant »
[Corinthiens I, 13, 11] et je me suis demandé si le traducteur de l'anime avait bien saisi l'allusion car son texte s'éloigne
sensiblement de celui de la Bible de Jérusalem. (Tiens ! j'ai déjà cité
ce même passage de Saint Paul dans Bifrost n° 26). Dans Angel Cop,
Lucifer est une antiterroriste incroyablement body-buildinguée et entre
les seins de laquelle se balance une croix en pendentif ! Croix qui se
balance de même entre les seins de la belle Himiko, la chasseuse de
vampire de Princesse Miyu. Quant au mythe de la Tour de Babel, il
s'avère le plus récurrent dans l'univers cyberpunk nippon. Normal :
toute mégapole peut être comparée à une nouvelle Babel. La seule
référence bouddhiste très nette rencontrée au long de ces 26 anime se trouve dans Roujin .Z. C'est celle du Grand Bouddha de bronze de
Kama-kura, que le vieillard héros de l'histoire veut à tout prix revoir
avant de mourir. In fine, c'est le Bouddha qui ira jusqu'à lui. Une
scène aussi impressionnante (et inattendue ?) que sympathique.
Lorsqu'il s'agit de s'appuyer sur une mythologie, c'est
encore vers l'Occident que le mangaka et le créateur d'anime vont
se tourner. Dans Appleseed, c'est la mythologie grecque qui est appelée
à la rescousse : le cyborg de service se nommera Briareos, une
directrice et sa secrétaire se feront appeler Athéna et Niké, Gaïa sera
un superordinateur, Olympus une cité idéale, et Tartarus un laboratoire
fabriquant des « bioroïds ». Dans Macross 2, les chasseurs
intersidéraux seront appelés « walkyries » et la belle E.T. de service
se prénommera Ishtar. Incroyable comme le monde celte et la matière de
Bretagne ont pu être également pillés par les Nippons. Ce seul titre
suffira : Avalon, un « manga liveNote du rédac'chef :
C'est-à-dire un film classique avec des acteurs réels par opposition au film d'animation. » (sic) de l'incontournable Oshii. Le
robot géant de Giant Robo est le sosie du sphinx de Guizeh, la coiffe
comprise. Dans ce dernier film, le salmigondis occidental est complet :
un vaisseau s'appelle le « Greta Garbo », il y est fait allusion au
Visage d'Ingmar Bergman, aux Sept samouraïs de John Sturgess et au film
culte The Rocky Horror Picture Show. Pour couronner le tout, un des
thèmes musicaux principaux de cet anime est un aria tiré de
L'Elixir d'Amour de Gaetano Donizetti (opéra de 1831).
Je ne sais combien de numéros comptera finalement la
collectionNote du rédac'chef :
Mais nous le savons aujourd'hui : 49 numéros dont on trouvera la liste exhaustive sur le site mangamania cité dans l'introduction., puisque les responsables se sont conservés la liberté de
l'interrompre à tout moment en cas de mévente. De plus, la liste des
titres à paraître ne semble pas définitive. Ainsi était annoncé très
vite le Château de Cagliostro de Miyazaki, anime qui n'est toujours
pas sorti, et vu la réputation actuelle du bonhomme, je crains qu'il
faille encore attendre longtemps ! En espérant bien sûr me tromper.
Ma sélection ? Car il faut bien que je me lance, que je propose un choix. Les quatre premiers numéros, sans aucun doute.
- Ghost in the shell et Akira, car il s'agit d'œuvres basiques. En
ajoutant cette précision : les frères Wachowski ont avoué s'être
inspirés de Ghost in the shell d'Oshii pour leur propre film Matrix
(1999, et dont l'épisode 3 sera certainement sorti quand vous lirez ces
lignes), tandis qu'Oshii avoue s'être inspiré à son tour de Matrix pour
Avalon (2002).
- Blood, the last vampire, et si l'anime ne dure que 50 minutes, il bénéficie d'un remarquable travail sur les effets 3D.
- Evangelion, pour son final mystique délirant, qui est aussi un hommage au final de 2001, L'Odyssée de l'espace de Kubrick.
- Les Ailes d'Honneamise, space op' à l'esthétique steampunk, lorgnant très franchement sur L'Etoffe des héros, mais dans un
univers parallèle et sur fond d'intrigue amoureuse très décalée. Une véritable curiosité.
Mais aussi, et pourquoi pas :
- Dominion Tank Police, pour son humour impertinent et son second degré.
- Roujin. Z pour son sujet : comment s'occuper des vieillards impotents
avec un personnel minimum grâce aux nouvelles technologies ?
On pourra se dispenser des autres titres, voire carrément les fuir, comme les affligeants Streetfighter.
On peut commander les numéros déjà parus auprès de son marchand de journaux préféré ou directement à : SMA,
59893 Lille Cedex 9 (14, 95 euros le numéro avec une majoration de 2, 29 euros de frais d’envoi).
Hors cette collection de Pathé Cinéma, je me permettrai de recommander encore, chaleureusement, les « animés » suivants :
- Le Tombeau des Lucioles (1989, d'Isao Takahata), histoire à la fois
hyperréaliste et très onirique de deux enfants perdus dans la tourmente
de la seconde guerre mondiale. Et cela se finira forcément très mal. Un
des très rares (le seul ?) anime japonais à être passé sur une
chaîne hertzienne à une heure de grande écoute (sur Arte le 12 juin
2000 à 20 h 45)
- Perfect Blue (1997, de Satoshi Kon), l'histoire d'une
lolita de la chanson qui se lance dans le cinéma, pour un rôle de plus
en plus déshabillé, ce qui provoque la colère de certains de ses fans ;
les cadavres s'accumulent ; la jeune Mima est-elle vraiment aussi
schizophrène que le personnage qu'elle doit interpréter à l'écran ? En
dépit d'un graphisme parfois trop sommaire, on notera un remarquable
travail sur le montage et les structures narratives, avec
superposition vertigineuse de plusieurs niveaux de réalité (mais oui
!). Last but no least, le metteur en scène ose transgresser le pire des
tabous graphiques, celui de la représentation de poils pubiens.
- Jin-Roh (1998, de Hiroyuki Okiura), l'histoire du Petit
Chaperon Rouge et du Grand Méchant Loup revisitée dans le cadre du
Tokyo ultra sécuritaire des années 1950 (Tokyo ou Berlin ? Car le doute
est entretenu à dessein, avec ces casques allemands, ces voitures
toujours « coccinelles », ou cet exemplaire du Petit Chaperon Rouge
titré « Rotkäpchen » !). Et pour changer, les héros n'ont pas des yeux
immenses, des nez pointus et des bouches minuscules ! L'héroïne n'est
même pas une bimbo aux jambes interminables !
- Métropolis (2002, de Rintaro) reprenant le manga
d'Osamu Tezuka, 160 pages publiées de 1947 à 1949, manga qui
s'inspirait très directement du film de Fritz Lang. A voir surtout pour
la qualité de son animation, enfin proche de celle des studios
américains, et pour la richesse de ses décors.
- Tous les films de Miyazaki. Sans exception.
- Et aussi, pourquoi pas, Histoire de fantômes chinois (1997, d'Andrew
Chen et Tsui Hark, d'après le film « live » du même Tsui Hark), un anime trépidant de Hong-Kong qui ne vous laissera pas respirer une
seconde (pour ceux qui adorent se faire bousculer et ont horreur du
contemplatif d'un Oshii), ou encore Animatrix, 9 courts-métrages animés
autour de l'univers de Matrix — on notera que le seul épisode en images
de synthèse est… américain !
Quant à moi, j'attends avec impatience de voir, quand ils seront disponibles, des anime comme L'Œuf de l'ange (de Mamaru
Oshii, 1984), Memories (de Katsuhiro Otomo, 1995), ou encore Millenium Actress (de Satoshi Kon, 2001).
J'attends avec impatience…? Ciel ! Serais-je devenu un passionné de la « japanimation », un mordu, un « aficionado », un
accroc, un addict, un fan, disons-le mot, un… « otaku » ?
A mon age… ?!
Annexe : Ghost in the shell et les petites culottes des filles !
Fin 2002, est enfin sorti chez Glénat le tome 3 du manga Ghost in the
shell de Masamune Shirow, intitulé Manmachine interface control
preferences (je refuse de traduire !). Cette publication soulève
quelques questions.
Les deux premiers tomes étaient sortis au japon en 1991
et en France en 1996. Le tome 3 est paru la même année 2002 au Japon
comme en France. Et Shirow n'aurait pas touché à cette série pendant un
tel laps de temps ? Se consacrant à d'autres mangas, il aurait fait
patienter les amoureux de la belle Motoko pendant onze longues années ?
(Je me fie aux copyrights donnés par les versions françaises). Les deux
premiers tomes renferment sept épisodes censés se dérouler entre le 2
mai 2030 et le 9 septembre 2030. Le tome trois ne contient qu'un seul
et long épisode (même si divisé en chapitres) qui s'interrompt
brutalement (un tome 4 devrait donc rapidement paraître), épisode
censé, lui, se dérouler en une seule journée, le 6 mars 2035 (on aura
donc noté une saute temporelle brutale de cinq années). De plus, il y a
d'énormes différences de scénario et de graphisme entre les deux
premiers tomes et le dernier.
Rappelons le sujet de ce long manga (une véritable gageure, tant Shirow aime les histoires embrouillées !).
La section 9 de la Sécurité Publique japonaise est chargée de traquer
les terroristes et de les éliminer. Son chef : Aramaki, dit «
gueule-de-guenon ». Son agent le plus efficace : une femme cyborg (une
bimbo, bien sûr), le major Motoko Kusanagi. Parmi les autres membres de
la section 9, on trouve Batou, un colosse, Ishikawa, un barbu, Togusa,
un beau gosse, Saïto, un borgne. Tous utilisent des tanks insectoïdes
transformables, les « fuchikomas » (à ranger dans la catégorie des «
méchas ») et des capes d'invisibilité. Les cyborgs les plus évolués,
comme la belle Motoko, ont une certaine conscience d'eux-mêmes, on dit
qu'ils sont habités par un « ghost ». Ces « ghost » peuvent être
protégés de toute intrusion par des barrières installées dans leur
cyber-cerveaux.
A la fin du tome 2, Motoko est obligée de changer
d'aspect. Quant on la retrouve au début du tome 3, elle s'est encore
métamorphosée. Désormais, elle se fait appeler Motoko Aramaki (comme
son ancien chef, « gueule-de-guenon », que l'on aperçoit un moment
faisant partie d'un curieux Bureau des Forces Spirituelles). Elle est
directrice d'une multinationale, la Poseidon Industrial, dont une des
principales filiales est la société Meditech, spécialisée dans le
clonage d'organes dont des cochons seront porteurs.
Motoko possède une extension cyborg, sa secrétaire Grace
; elle réside habituellement (et seule) dans un navire relié à un
sous-marin ; elle est entourée de « data-disc » qui lui permettent
d'entrer en communication avec qui elle veut, surtout de multiples
petits robots volants (ou plongeants), ses aides aux dénominations
hautement folkloriques : Shiva, Dante, Rocky, Conan, Max, Musashi,
Zénon, Hannibal, etc. Elle a également à sa disposition, un peu partout
dans le monde, des « decots » (mot-valise composé de « decoy », «
leurre », et de robot), en fait des corps-hôtes qu'elle peut investir à
distance pour des missions particulières. Ces corps-hôtes seront autant
de chouettes nanas aux performances athlétiques exceptionnelles.
L'usine Meditech, installée dans la Répu-blique
Démocratique de Monnabia Oriental (sic), subit une attaque terroriste
de la part d'un commando du FLH (Front de Libération de l'Humanité).
Après une enquête laborieuse, après avoir puisé des renseignements à la
fois dans les cyber-cerveaux de certains de ses employés et dans
d'immenses banques de données, Motoko apprend que les cochons détruits
de son usine servaient, à son insu, de support pour des cerveaux
humains qui seraient un jour reliés entre eux. Peu après, c'est le
Président de Poseidon Industrial qui est victime d'un attentat, lors
d'une signature avec le Monnabia Oriental pour la reconstruction de
l'usine détruite (attentat perpétré par une jeune fille « decot »
manipulée à distance). Les choses se compliquent singulièrement quand
un échantillon à analyser, échantillon d'on ne sait trop quoi, provoque
des dégâts, et que l'héroïne, à nouveau par corps-hôte interposé,
pénètre dans l'univers virtuel d'un jeu à décors multiples…
Tous les personnages de Ghost in the shell usent d'un
jargon techno-informatique totalement abscons et l'auteur multiplie les
notes en bas de page ou dans les marges, explications techniques
fleurant bon le deuxième degré et autres discours
philosophico-politico-économiques. Tout cela ne simplifie vraiment pas
les ressorts d'une intrigue fort complexe, mon lecteur s'en sera rendu
compte, et pour l'instant inachevée.
Mais au fond, l'intrigue n'est ici que secondaire. Ce qui
importe, ce sont les prouesses graphiques de l'auteur. Car Shirow joue
les virtuoses depuis qu'il se sert d'un ordinateur pour ses mangas :
effets 3D somptueux, incroyable palette de couleurs, décors
hyper-réalistes… Shirow parvient à rendre crédible ses hallucinantes
représentations du cyber-espace dans lequel évolue très souvent son
héroïne. Chaque planche est d'une composition étourdissante,
multipliant les cadrages les plus vertigineux. Mais gare à l'overdose.
Le tome 3 de Ghost in the shell est à déguster à doses homéopathiques.
L'auteur se rend compte lui-même qu'il abuse : les planches 65 à 69
décrivent le combat entre un « decot » de Motoko et un membre d'un
quelconque service de sécurité, planches qui multiplient plongées,
contre-plongées, débordements de cadres et l'héroïne, devenant
porte-parole de l'auteur, avoue : « J'en fais peut-être un peu trop,
là… ».
Et je n'ai pas encore parlé des petites culottes des
filles ! Car on ne cesse de les apercevoir, plus ou moins fugitivement,
dans quasiment tous les mangas et OAV (je laisse aux psychanalystes le soin de décrypter cette
obsession). Et dans le genre « je vais vous en faire voir, des sexes
féminins étroitement moulés par des tissus synthétiques », Shirow
surpasse tous ses confrères. On a l'impression que chaque cadrage,
chaque plongée ou contre-plongée ne sont destinés qu'à satisfaire le
voyeurisme du lecteur ! Le plus curieux est de constater, quand
l'héroïne se retrouve entièrement nue, que ni la fente de son sexe ni
ses mamelons ne sont représentés. Ben tiens, puisque c'est une cyborg,
et que les cyborgs ne connaissent pas les mêmes modes de reproduction
que les humains !
Il n'empêche : aux prouesses graphiques de Shirow l'on peut préférer l'économie de moyens dont savent faire preuve d'autres
dessinateurs de BD pour réaliser des choses magnifiques (et je pense, chez nous, à la série Persepolis de Marjane Satrapi ou à
la série Isaac le pirate de Christophe Blain).
Quant à la question initiale, elle reste posée : y a-t-il vraiment un
trou entre le tome 2 et le tome 3 de Ghost in the shell ?