Appendice au guide de lecture Poul Anderson

Guide de lecture |

Bifrost 75Si temps et espace sont sans limite, ce n’est malheureusement pas le cas des pages de Bifrost. Afin d’étendre le dossier consacré à Poul Anderson dans le numéro 75 de la revue, retrouvez sur le blog un complément au guide de lecture des œuvres de l’auteur de la « Patrouille du temps ».

Retour impossible

Retour impossibleNo World of Their Own, 1955, roman traduit de l’américain par A. Arnaut-Kabou - Fleuve Noir, 1984)

L’intérêt de la collection «  Best Sellers » du Fleuve Noir fut de faire découvrir quelques romans originaires des pays de l’Est, dont plusieurs des feux frères A. et B. Strougatski. Côté SF américaine, le Fleuve n’a, à cette occasion, publié ni chef-d’œuvre ni best-sellers et, bien que les auteurs fussent de premier plan — Robert Silverberg, Philip José Farmer, John Brunner (qui était anglais) et Poul Anderson —, il ne s’agissait que de romans mineurs ou juvéniles. Celui-ci n’échappe pas à la règle.

L’idée de base de ce roman ne diffère guère de celle de La Troisième Race qui date de la même époque. Le capitaine Langley revient sur Terre après un voyage interstellaire et cinq mille ans se sont écoulés. L’extraterrestre qu’il a ramené de son périple dispose de pouvoirs qui font de lui l’enjeu des luttes qui animent les factions aux prises. Chanthavar, le prêtre du Technon (le gigantesque ordinateur qui préside aux destinés de la Terre), Valti, l’agent de la Société Commerçante, et enfin Lord Brannoch, qui représente la Ligue du Centaure, se le disputent comme des chiens un os. Chacun de leur côté, ils essaient de circonvenir l’équipage venu du passé afin de récupérer Saris Hronna, l’ET qui s’est enfui. Partant de là, les péripéties s’enchaînent sur un rythme trépidant jusqu’au coup de théâtre final.

Retour impossible , tout comme le titre de la version publiée en revue («  The Long Way Home »), est un titre piégeur, car on s’attend à ce qu’en fin de compte les astronautes finissent par rentrer chez eux, or, non seulement il n’en est rien, cette problématique semblant hors de propos, mais encore le coup de théâtre final n’a-t-il rien à voir avec cela. Ni le retour chez eux, ni le fait qu’ils soient surgis du passé ne sont exploités.

Retour impossible est un roman d’aventures rondement mené, avec ce qu’il faut de paranoïa issue des plus belles années de la guerre froide. C’est un roman d’espionnage comme il s’en écrivait alors des milliers, transposé dans un contexte futuriste.

Jean-Pierre Lion

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La Troisième Race

anderson-gdl-3erace.jpg (The War of Two Worlds, 1959, roman traduit de l’américain par B.R. Bruss - dernière édition : Édito-Service, 1983)

C’est une curieuse sensation que celle procurée par l’idée de chroniquer ce livre publié pour la première fois en France avant ma naissance, en 1960, époque où le thème de l’invasion extraterrestre faisait encore florès et où la guerre froide battait son plein.

Bref, une histoire d’invasion, donc ; dont tout le suspense est dans le titre et le prologue. La Terre a livré et perdu une longue et cruelle guerre contre Mars. De grossières erreurs stratégiques en cascade de part et d’autre ont fait durer le conflit. Quand un camp semblait enfin tenir la victoire, le mauvais choix était fait et le balancier repartait dans l’autre sens comme pour les Carthaginois d’Hannibal après la bataille de Cannes, chaque camp gravissant tour à tour les barreaux de l’échelle de l’inexpiable et stimulant la vindicte adverse. Finalement, les Terriens capitulent et les Martiens occupent la Terre, déterminés à ce que jamais elle ne puisse se relever de sa défaite en y supprimant toute industrie et recherche. Telle est la situation au début du roman.

Le commandant David Arnfeld, des forces terriennes, est démobilisé et décide de rentrer chez lui. C’est son récit qu’on lira et qui constitue l’essentiel du roman. Avec sa femme et un officier martien des forces d’occupation, il lève le lièvre ainsi que le lecteur s’y attend depuis les toutes premières pages. S’ensuit une longue traque qui occupe une bonne partie de la pagination. Le suspense est maintenu comme dans les enquêtes de l’inspecteur Columbo, non pas sur le «  qui ? » mais sur le «  comment ? » Comment en est-on arrivé à la situation finale ? Et accessoirement «  Pourquoi ? » La conclusion, somme toute attendue et sans qu’il y ait de quoi crier au génie, est assez bien tournée.

Dans ces années-là (1959/60), quand l’extraterrestre n’était pas une métaphore du Nègre que l’on venait coloniser, il était celle du communiste soviétique venant nous (l’Occident) envahir. Dans le contexte de ce roman, si les Martiens tiennent le rôle des Russes, les mutants de Sirius se verront alors attribuer celui de Chinois maoïstes, essayant de tirer les ficelles et les marrons du feu.

La Troisième Race restera comme un roman d’aventures mineur mais pas désagréable, bien dans la manière de l’époque, avec un brin de paranoïa en guise d’épice. Il était parfaitement à sa place dans la collection «  Anticipation ». Un petit plaisir pour nostalgiques.

Jean-Pierre Lion

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Après l’Apocalypse

anderson-gdl-apresapo.jpg (The Day after Doomsday, 1962, roman traduit de l’américain par M. Deutsch - OPTA, 1966, couplé avec «  Trois mondes à conquérir »)

Si Poul Anderson fut considéré comme réactionnaire, un roman tel que celui-ci n’y est peut-être pas étranger. Après l’Apocalypse est publié au début des années 1960 alors que Ballard écrit déjà, que Philip K. Dick connaît son apogée et que des auteurs tels que Zelazny ont amorcé une révolution stylistique dont La Chute des tours, de Samuel R. Delany, reste un bel exemple. Quelques-unes des œuvres les plus importantes et ambitieuses de toute la SF, Dune, Tous à Zanzibar, Le Vagabond, sont en gestation au moins dans la tête de leurs auteurs. Même Robert A. Heinlein, qui a lui aussi subi le feu roulant des mêmes critiques politiques qu’Anderson, se fend d’un très remarquable En Terre étrangère en pleine phase avec le Zeitgeist.

Anderson semble, lui, avoir carrément loupé le virage… comme s’il avait décidé de continuer à écrire pour une frange du lectorat rétive aux évolutions en cours et réclamant à cor et à cri des histoires de fusées pisciformes se posant sur la queue avec des femmes astronautes en bikini munies d’un aquarium sur la tête en guise de scaphandre. Bien sûr, Après l’Apocalypse est une œuvre de deuxième, voire de troisième ordre, mais la facture n’en est pas moins davantage archaïque que classique. On lorgne du côté de E. E. «  Doc » Smith ou Jack Williamson plutôt que vers… Barry N. Malzberg.

La guerre froide avait livré sur un plateau à Anderson un schéma déjà rencontré dans La Troisième Race et Retour impossible qui aurait pu faire de lui un intéressant auteur d’espionnage (qui serait donc totalement oublié aujourd’hui). Pourquoi changer un cheval qui gagne ? Après les thèmes de l’invasion et du retour des voyageurs, Anderson donne ici un authentique space opera avec anéantissement de la Terre, flottes spatiales, rebondissements et tous les ingrédients indispensables pour relever cette cuisine.

De retour d’expédition, le vaisseau Franklin retrouve la Terre anéantie et des indices selon lesquels les Kandémiriens seraient les auteurs du forfait. Il ne leur reste plus qu’à retrouver dans l’immensité de la galaxie le vaisseau Europa dont l’équipage est féminin afin que l’histoire humaine n’en reste pas là. Sous la poigne de Dennan, les Terriens s’allient non sans mal avec les Monwaingiens et les Vorlakiens contre Kandémir. Le morceau de bravoure intervient au chapitre 13 où la grande bataille spatiale est contée sous la forme d’un poème destiné à être chanté. C’est la forme que prend l’appel de Dennan à l’Europa. On trouve dans ce roman un des traits marquants de l’œuvre d’Anderson : la Terre est vaste et multiple et même si les personnages sont américains, il n’y a pas qu’eux dans le monde ; il prête ici ce même trait aux extraterrestres qui ne sont pas des entités monolithiques mais également plurielles, ce qui n’a rien d’anecdotique.

D’une certaine manière, Anderson se voulait plus ou moins féministe en mettant en scène des femmes capables de piloter des astronefs et de se débrouiller dans la galaxie, mais il n’est pas dit que les féministes contemporaines apprécient beaucoup de voir, au premier coup de sifflet de Maître-Mâle revenu de la guerre, lesdites femmes rappliquer illico dans la cuisine pour se coller aux casseroles et aux fourneaux, offrir le repos du guerrier et élever toute une marmaille… Dans le contexte de ce roman, elles auraient acheté aux Monwaingiens, bio-techniciens dans l’âme, une technologie parthénogénétique et puis basta !

De la SF de grand-papa, assez bien réussie dans sa catégorie mais qui datait déjà furieusement lors de sa parution américaine. Je vous laisse imaginer les relents de grenier qu’il y a à ouvrir ce roman aujourd’hui. À lire en connaissance de cause.

Jean-Pierre Lion

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Le Hors-le-monde

anderson-gdl-horsmonde.jpg (The Byworlder, 1971, roman traduit de l’américain par J.-C. Dumoulin - Albin Michel, 1973)

Un vaisseau extraterrestre venu de Sigma du Dragon s’est placé en orbite autour de la Terre. Jusqu’à présent, la communication avec le Sigmien s’est révélée impossible. Pourquoi est-il venu ? Que veut-il ? Nul n’en sait rien, mais les technologies qu’il recèle en ses flancs pourraient bien faire basculer le précaire équilibre du monde en faveur de celui qui le premier parviendra à établir le contact. Ça va se jouer entre Américains et Chinois, chacun persuadé de son bon droit et convaincu qu’il n’y a pas d’avenir pour l’humanité en dehors de sa propre vision des choses.

Yvonne Canter, une linguiste américaine, effectue une première percée et noue le premier embryon de communication avec l’extraterrestre. L’annonce naïve de ce résultat va amener les Chinois à vouloir sa peau pour empêcher que les Américains ne progressent…

Dans le même temps, Skip Wayburn, un jeune artiste marginal, globe-trotter et aventurier à ses heures, le Hors-le-monde, a une idée pour entrer pour de bon en communication avec le Sigmien. Il fait jouer divers contacts et parvient à rencontrer Yvonne au sein d’une communauté d’errants de la mer où elle à trouvé refuge…

Contrairement à La Troisième Race ou à Retour impossible, ce roman plus tardif manque de rythme avec cependant quelques soubresauts qui le sauvent, ainsi que son lecteur, de l’ennui. Parmi les moments intéressants, on retiendra les passages où Yvonne et Wang Li rencontrent leurs supérieurs respectifs, Almeida et Chou, qui l’un et l’autre s’évertuent à convaincre leur subordonné du bien-fondé de leur ligne de conduite. Les spéculations sur la biologie sigmienne ne sont pas non plus dénuées d’intérêt. Poul Anderson maintient le suspense en retardant autant que faire se peut la révélation de l’idée du Hors-le-monde, mais certaines naïvetés font que l’on a peine à croire à l’intrigue qui nous est ici proposée. Néanmoins et quoique attendue, la fin est plutôt réussie.

Avec Le Hors-le-monde, Poul Anderson met une nouvelle fois en scène son penchant pour l’initiative individuelle triomphant des apparatchiks de tous poils incarnés par Wang et Chou, mais aussi Almeida, qui se retrouvent en fin de compte tous le bec dans l’eau. Anderson adopte ici l’esprit du Heinlein qui irriguait En Terre étrangère (tout juste réédité) mais sans nourrir les mêmes ambitions, ce qui est d’autant plus regrettable que l’idée avait le potentiel de produire un livre beaucoup plus convaincant.

Jean-Pierre Lion

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Le Dernier Chant des Sirènes

anderson-gdl-sirenes.jpg (The Merman’s Children, 1979, roman traduit de l’américain par Michel Lodigiani - Fleuve noir, 1982)

Si l’on connaît surtout Poul Anderson pour son œuvre de SF, l’auteur américain n’a pas pour autant dédaigné la fantasy, recherchant son inspiration du côté de l’histoire médiévale et de la mythologie scandinave. Le Dernier Chant des sirènes ne figure pas parmi ses titres les plus mémorables : des romans comme Trois Cœurs, trois lions, La Saga de Hrolf Kraki ou Tempête d’une nuit d’été viennent plus facilement à l’esprit. Paru jadis au Fleuve noir dans la collection «  Les Best-sellers », le roman est issu de la novella «  The Merman’s Children », disponible dans nos contrées sous le titre «  Les Enfants du nixe » (cf. Le Manoir des roses, Presses Pocket, 1978), et de la nouvelle «  The Tupilak ».

Passé un prologue faisant un peu pièce rapportée, le récit débute au Danemark dans la cité sous-marine de Liri où vivent paisiblement des nixes, variante scandinave de nos ondins. Suite à l’exorcisme d’un religieux trop zélé, ses habitants sont dispersés. La majorité des survivants suit son roi dans un périple qui les fait échouer sur la côte dalmate. Les autres, les quatre enfants du roi, des hybrides nés de l’union avec une humaine, restent en arrière, le temps de trouver un refuge à la cadette. Confiée aux bons soins d’un prêtre, elle accepte finalement le baptême, troquant ses origines et ses souvenirs contre une âme immortelle. L’irréversibilité du processus oblige sa fratrie à lui procurer l’argent nécessaire pour faire un bon mariage, lui évitant ainsi le célibat et la réclusion monacale. Ils s’embarquent alors dans une chasse au trésor avec l’aide d’une femme de petite vertu.

Si la thématique du Dernier Chant des sirènes n’est pas sans rappeler la manière de Thomas Burnett Swann, transposée dans l’Europe chrétienne des xiiie et xive siècles, le ton se veut beaucoup moins sensuel et nostalgique. Poul Anderson se place résolument du côté de l’Histoire, nous racontant le crépuscule d’un âge où le merveilleux côtoyait la civilisation. Et si l’atmosphère se fait plus sombre, lorgnant vers une fantasy héroïque, nul manichéisme ne vient entacher le propos. Les créatures de la féerie ne doivent pas s’effacer, comme un archaïsme ou un reliquat de superstition à éradiquer. Elles peuvent jouer leur rôle sans se poser de questions, ou opter librement pour la fusion au sein de l’humanité, contribuant ainsi à son évolution. Un cheminement dont l’un des personnages pressent qu’il conduira l’homme à élucider tous les mystères, jusqu’à ceux de la foi, et à dépasser les limites du globe terrestre pour atteindre les étoiles.

Toutefois, malgré le progressisme du propos, on ne peut s’empêcher de trouver le récit un tantinet décousu. On sent bien que l’auteur a voulu donner plus d’ampleur à sa novella, lui adjoignant des épisodes supplémentaires qui mettent en scène d’autres créatures issues des mythologies scandinave, slave et inuit. Le périple des survivants de Liri et des enfants de son roi sert par conséquent de prétexte à une juxtaposition d’aventures, entre Groenland, Danemark et Dalmatie, marquées par les rencontres avec l’ultime selkie, un tupilak et une variante de roussalka. Malheureusement, le fil directeur unissant les deux arcs narratifs apparaît pour le moins ténu, quand il ne semble pas un peu forcé. Ajoutons à cela une traduction guère convaincante, où l’on mélange notamment les souverains danois.

Bref, si à bien des égards Le Dernier Chant des sirènes s’apparente à une lecture distrayante, on ne le retiendra pas parmi les indispensables de l’auteur. Ou alors, on se contentera de lire la novella «  Les Enfants du nixe ».

Laurent Leleu

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Les Abîmes angoissants de Poul Anderson

anderson-gdl-abimes.jpg (recueil composé par Richard D. Nolane, traduit de l’américain par M. Deutsch, J. Polanis et J.-P. Pugi - Casterman, 1983)

Six nouvelles composent ce recueil concocté par un Richard D. Nolane vindicatif quant à l’ostracisme dont Poul Anderson fait l’objet en France. L’ouvrage a pour but de présenter la palette de ses talents à travers des textes très variés, écrits entre 1960 et 1981.

«  Long cours » présente un monde pré-industriel autour duquel orbite un vaisseau spatial, qui nourrit bien des superstitions et dont le dernier survivant, naufragé, désespère de trouver de quoi le réparer, tandis que des factions se montrent avides de mettre la main sur son savoir et ses trésors technologiques. Cette intéressante réflexion sur le refus de disposer d’une connaissance acquise par d’autres remporta le premier des sept prix Hugo de Poul Anderson.

«  Un moment difficile à passer » , de facture plus légère, est une histoire à chute autour d’une cocasse explication sur l’impossibilité de voyager dans le passé au-delà de la date d’invention du procédé. La nouvelle est anecdotique mais montre que l’auteur est aussi capable d’humour.

Deux nouvelles fantastiques illustrent ses talents pour le récit plus intimiste : «  Le Visiteur » verse dans l’insolite avec une rencontre dans un rêve entre une fillette et un adulte, le rêveur, sommé de raconter celui-ci à quelqu’un qui sait de quoi il retourne ; «  Le Chaton » exploite le thème de la hantise d’un mari dominateur qui voit, depuis que sa femme l’a quitté, un chaton revenir malgré les multiples mises à mort qu’il lui inflige. C’est avec un sentiment d’horreur croissante qu’on assiste à la lente dégradation mentale d’un individu toujours plus intolérant et violent avec ses semblables.

Dans le registre de la fantasy épique, «  La Saga de Hauk » retrace le destin de trois générations de vikings. La culture nordique de Poul Anderson donne du relief à ce récit très coloré qui ne se contente pas de jouer sur les poncifs du genre, puisqu’il est aussi bien question d’un viking qui préfère le commerce au maniement des épées que d’un fantôme terrifiant un clan.

Enfin, «  Le Jeu de Saturne » marie la fantasy avec l’aventure spatiale dans un subtil récit sur le thème du jeu, utile au développement lors de l’apprentissage, notamment le psychodrame qui permet de s’inventer d’autres destins, du «  gendarme et voleur » des enfants au jeu de rôle ou aux réalités virtuelles. Mais à trop s’immerger dans le rêve, on perd le sens des réalités et la notion du danger, comme l’apprennent à leurs dépens des astronautes en exploration sur Japet. Ce court roman qui reçut le Hugo et le Nebula n’a pas perdu de sa pertinence. Le recueil s’achève sur une interview de Poul Anderson par Richard D. Nolane et Charles Moreau, que vous trouverez dans le numéro 75 de Bifrost consacré à l’auteur.

Claude Ecken

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