Rock'n'write : Thierry Di Rollo

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rocknwrite-dirollo-une.jpgQui lit les romans de Thierry Di Rollo aura compris que notre auteur apprécie — mieux, adore — les Beatles et révère par-dessus tout leur chanson Eleanor Rigby. Mais pas uniquement, comme nous l’apprendront ses réponses au questionnaire musical.

Peux-tu nous parler de tes goûts musicaux ? Les groupes/musiciens que tu aimes, ceux que tu aimes détester, et ce qui n’accroche pas du tout à ton oreille.

Les Beatles, bien sûr, avant et après tout le monde. Si j'ai survécu à mon enfance et à mon adolescence, c'est grâce à eux - et au sourire et à l'humanité de ma mère. Brassens, Vangelis (pas seulement pour la bande son de Blade Runner), quelques trucs de Beethoven et de Debussy.

Aimer détester une musique? Non, je suis musicien de formation, donc, je ne suis pas masochiste. Quand je n'aime pas, je n'écoute surtout pas (voir plus bas pourquoi).

J'ai beaucoup de mal avec le rap, avec la techno, le hip-hop, le jazz démonstratif et bavard. Tout ce qui n'est pas structuré mélodiquement à mes yeux.

Lorsque tu écris, est-ce en silence ou avec de la musique comme bande-son ? Si oui, quel genre ?

Non, j'écris en silence. J'ai une bonne oreille, c'est-à-dire que je suis capable de retranscrire sur portée et en temps réel une mélodie que j'entends, même incidemment. D'ailleurs, certaines fois, c'est un peu lourd à vivre et à supporter, justement à cause des scies ou des rengaines innommables que je capte bien malgré moi, dans la rue, dans les ascenseurs, partout où on nous sert la musique comme de la soupe.

Inversement, conseillerais-tu une playlist pour tes romans ?

Pour Number Nine, Revolution N° 9 puisque le titre vient de ce collage sonore de l'album blanc — pas très bon, au demeurant ; le collage, pas l'album.

Pour Meddik, Eleanor Rigby, puisque je fais référence aux paroles de la chanson plusieurs fois dans le roman. De toute façon, la chanson m'a "accompagné" pendant toute l'écriture du roman.

Pour Les trois reliques d'Orvil Fisher, Bring me to life d'Evanescence, un bon titre (j'étais vraiment en colère et désespéré tout à la fois).

Pour Préparer l'enfer, Little willow de McCartney; ma mère venait de mourir (ç'a été dur, très dur…)

Pour Bankgreen, Across the Universe, bien sûr (j'ai cité le vers qui est ma devise en exergue du roman); j'ai essayé de créer un monde aussi pur et beau que la phrase mélodique du refrain écrit par Lennon me le suggérait.

Pour Elbrön, Tomorrow never knows citée aussi en exergue.

Joues-tu d’un instrument de musique ? Si oui, lequel ?

Piano. Deux ans de conservatoire de Lyon dans mes jeunes années. J'avais un bon niveau. Je ne pratique plus; j'ai donné mon électro-acoustique Yamaha à mon ex, pour ses deux enfants avec lesquels j'avais vécu — et que j'ai élevés — pendant notre histoire commune.

Basse électrique. Bon niveau aussi, mais je ne pratique plus non plus.

rocknwrite-dirollo-bankgreen.jpgTu as dit avoir dissimulé une référence directe aux Beatles dans Bankgreen ? Quelqu’un l’a-t-il trouvée ? Sinon, quelle est-elle ?

Non, personne. Celle-là, elle me suivra dans la tombe. Sauf si quelqu'un la trouve d'ici là, bien sûr. Je reste beau joueur.

Il ne nous reste plus qu’à chercher… Au fait, y a-t-il une référence semblable dans Elbrön ?

Non. Je me suis dit qu'une suffisait, puisque d'une certaine manière Bankgreen et Elbrön forment un tout.

Quelle est ta chanson favorite des Beatles ? Et, s’il en est, celle que tu trouves la moins réussie ?

Première question difficile. Il y en a un tas qui sont magnifiques: Penny Lane, I am the walrus, For no one, Strawberry fields for ever, Girl, Norwegian wood, A day in the life, Across the universe, The fool on the hill, Here comes the sun, etc. Mais s'il fallait n'en choisir qu'une pour m'accompagner jusqu'au bout de la route, ce serait Eleanor Rigby. C'est la chanson qui a déterminé tous mes univers d'écrivain et le fait encore aujourd'hui.

La moins réussie? Houlà, il y en a quelques-unes, quand même : Little child, When I get home, The long and winding road, I me mine. Mais celle que je ne peux vraiment pas écouter, c'est Tell me why.

Eleanor Rigby est en effet superbe. Que penses-tu du clip (si l’on peut dire) qui l’illustre dans le dessin animé Yellow Submarine ?

Bah! C'est tellement difficile d'illustrer une œuvre aussi riche, aussi profonde. Pour moi, on ne pourra jamais rendre justice à ce titre; il faut l'écouter, c'est tout, et quand on a la chance d'entrer dans le monde qu'il met en scène, le voyage est incroyable, indescriptible. Il y a beaucoup de choses dans cette chanson: la solitude, la mort, la vie (quoi qu'on puisse en penser en découvrant les paroles), la fragilité de celle-ci, des êtres. Et puis toutes ces questions qui demeurent sans réponse. McCartney (le chanteur principal) en pose quatre, une concernant chacun des deux protagonistes de la chanson (la vieille Eleanor elle-même et le père McKenzie qui finira par l'enterrer) et deux autres qu'ils nous posent à nous. Des interrogations essentielles sur le sens de l'existence, de nos origines. Que Lennon et McCartney (les paroliers, ils l'ont écrite à deux) posent des questions aussi vertigineuses sans y répondre m'a toujours profondément impressionné et fasciné; parce que c'est à mes yeux une démarche artistique très intelligente et imparable. Peut-être que depuis tout ce temps, je cours par mon modeste travail d'écrivain après elles, justement.

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rocknwrite-dirollo-plasticonoband.jpgSuis-tu ou as-tu suivi la carrière solo des membres du groupe, une fois les Beatles dissous ? Tous les quatre ont une discographie bien fournie et, du côté des survivants, Ringo Starr et Paul McCartney ont l’un et l’autre sorti un disque en début d’année.

Un peu McCartney, un peu Lennon, au début. Quand j'ai compris que la magie ne serait plus possible les uns sans les autres — bien avant la mort de Lennon, d'ailleurs —, j'ai laissé tomber. Et puis musicalement, en toute objectivité, ça ne passera pas le jugement implacable du temps. Seuls, peut-être, les deux premiers albums de Lennon, Plastic Ono Band (celui qui contient Mother et God) et Imagine (mais à un moindre degré parce qu'un peu putassier quand même), ont gardé une force de création et de propos, une vraie identité d'artiste. Le reste…

Au fait, que penses-tu des rivaux (du moins dans les années 60) des Beatles, les Rolling Stones ?

Pas grand-chose. Ce n'est pas ma came. Il y a de très bonnes choses, attention, hein ? mais ce n'est tout simplement pas ma came. Et puis, le problème des Stones, c'est le son. Ils ont toujours sonné comme un groupe de garage. De plus, certaines orchestrations ne sont pas toujours heureuses. Et ça, pour moi, c'est rédhibitoire. C'est comme en littérature, en fait: le fond (aussi dense soit-il) sans la forme, moi, ça ne me suffit pas.

Quel album figure au sommet de ton panthéon personnel ?

Autre question difficile, parce que j'hésite toujours, encore aujourd'hui, entre Revolver et Sgt Pepper's. Au niveau de l'achèvement musical pur, total, c'est Sgt Pepper's sans conteste. Ce qu'ils ont fait là à quatre, c'est quand même quelque chose. Au niveau émotionnel, personnel, viscéral, c'est Revolver, pour Eleanor Rigby; je me vois encore écoutant cette chanson en boucle (je replaçais le bras au départ de la plage) sur le vieux tourne-disque de la maison alors que, du haut de mes huit ans, je ne comprenais rien aux paroles. Pour For no one sur la face B, aussi. Deux chansons d'une noirceur intégrale. Et après, on s'étonnera, hein ?

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