En attendant de retrouver Jean-Marc Ligny au sommaire du Bifrost 69 avec son article « La science-fiction est-elle soluble dans le rock ? », le voici déjà dans ce cinquième épisode de Rock'n'write. Parce que la mort peut danser, mais pas seulement…
Rock'n'write : Jean-Marc Ligny
Pouvez-nous nous parler de vos goûts musicaux ? Les groupes/musiciens que vous aimez, ceux que vous aimez détester, et ce qui n’accroche pas du tout à votre oreille.
Mes goûts musicaux sont assez variés, nourris par quarante ans de rock et dérivés. Mon enfance a été bercée par le classique et le jazz qu’écoutaient mes parents, et que j’ai globalement rejetés à l’adolescence (la musique, pas mes parents). Donc mes goûts musicaux sont essentiellement rock, mais peuvent aller de la world-music à l’industriel, en passant par la pop ou l’ambient ! Ceci dit, j’ai des courants de prédilection, depuis une bonne vingtaine d’années maintenant : l’électro — au sens large — et le gothique. Si je devais dresser la liste de tous les groupes que j’aime, elle serait aussi longue que ma discothèque, qui contient un bon millier d’albums ! Je pourrais citer en tête de liste, dans mes genres de prédilection, Juno Reactor et Fields of the Nephilim, mais une bonne douzaine d’autres groupes vont se bousculer au portillon et revendiquer aussi la première place…
Pour ceux que « j’aime détester », en revanche, la liste est plus courte. Disons qu’il y a… les Rolling Stones, pour commencer, auxquels je ne jamais vraiment accroché mais qui m’intéressaient quand même, et qui me navrent depuis vingt ans chaque fois qu’ils sortent un nouvel album, le temps de la retraite a quand même largement sonné, non ? Funker Vogt, un groupe d’électro martiale allemand, qui mouline toujours la même chanson d’album en album depuis au moins dix ans et racontent toujours la même histoire de héros tombés au champ d’honneur, de soldats perdus et désabusés et de pourquoi la guerre ça fait du mal oui mais c’est fascinant, bref je suis navré à chaque fois mais mes oreilles en veulent encore. LMFAO, qui m’énerve et me fascine à la fois : comment peut-on arriver à cartonner avec des tubes aussi cons et une musique aussi pauvre ?
Ce qui n’accroche pas du tout à mon oreille, qui me fait hérisser le poil, boucher les oreilles et quitter la pièce, c’est l’opéra et le free-jazz, formes extrêmes de musiques que je n’apprécie déjà pas particulièrement. Et aussi l’indus extrême genre viol d’une meuleuse par un marteau-piqueur avec chœur de scies circulaires…
Lorsque vous écrivez, est-ce en silence ou avec de la musique comme bande-son ? Si oui, quel genre ?
Ça dépend des moments. Le silence est nécessaire à ma concentration, quand j’ai besoin de réfléchir, de préparer une scène ou de résoudre un problème. En revanche, la musique m’aide bien quand je suis bien lancé sur une séquence donnée et que les mots viennent tout seuls, elle m’aide à installer ou préciser l’ambiance. La musique que j’écoute alors dépend de ce que je suis en train d’écrire, je vais la choisir en rapport. Pour Exodes par exemple, mes choix se portaient surtout vers des musiques sombres, lancinantes, douloureuses ou violentes : Ice Ages, Suicide Commando, Rotersand, Covenant, Killing Joke…
Inversement, conseilleriez-vous une playlist pour vos romans ?
J’en ai toujours mis jusqu’à présent au début ou la fin de mes romans, je ne l’ai pas fait pour Exodes, j’ignore pourquoi. Peut-être que j’ai estimé qu’il valait mieux lire un tel roman dans le silence, finalement, ou que chacun mettrait la musique qu’il voudrait sur sa propre vision de l’apocalypse.
Jouez-vous d’un instrument de musique ? Si oui, lequel ?
Non, plus maintenant, je n’ai hélas plus le temps. Quand j’étais ado, je jouais pas mal de guitare, j’avais une Fender Stratocaster, un ampli, des effets, tout le bataclan, j’ai essayé de jouer avec des potes ou dans des groupes, mais ça n’a pas marché. Je n’étais pas très doué sans doute… (C’était avant le punk). Quand je suis allé au Burkina-Faso à la fin des années 80, j’ai appris le djembé là-bas, par la suite j’ai fait venir le copain burkinabé qui m’avait appris et durant les deux mois qu’il est resté en France on a monté un groupe de djembés et écumé les bars du coin (en Bretagne). C’est à peu près toute mon expérience musicale… J’ai toujours une guitare chez moi et un balafon, mais ils servent très, très rarement.
Vous avez habité en Bretagne : permettez à un Breton de vous demander si vous écoutez (ou avez écouté) de la musique bretonne, et avez fréquenté les festou-noz ?
Oui, bien sûr, j’écoutais de la musique bretonne en Bretagne, difficile d’y échapper ! Les festou-noz, oui, quelques uns, mais ce n’était pas trop mon truc quand même, d’autant que je ne sais pas danser de danses bretonnes (et n’ai pas cherché à apprendre) et que la musique des festou-noz est assez répétitive quand même… En revanche, la Bretagne fourmille de festivals en été, et là j’en ai bien profité !
Avez-vous déjà envisagé une suite à La mort peut danser ? À tout le moins une « mise à jour » qui prendrait en compte les albums de Dead Can Dance parus depuis.
Non, jamais. L’histoire est complète en elle-même, et le roman reflète une certaine époque de ma vie, de Dead Can Dance (ou du moins ce qu’ils m’inspiraient) et du milieu musical d’alors, à savoir les années 80. Le « mettre à jour » pour l’adapter à notre époque ou lui donner une suite plus contemporaine ne me paraît pas judicieux, en tout cas je ne l’envisage pas. De plus, j’ai décroché de Dead Can Dance après Spiritchaser en 1996 et le split qui s’est ensuivi, je n’ai pas trop suivi leurs carrières solos ni leurs éventuelles reformations.
À ce propos, que pensez-vous d’Anastasis, le tout nouvel album de Dean Can Dance ?
Pas écouté encore. A priori, je me méfie des reformations, surtout après être resté sur une si belle impression. J’ai peur d’être déçu, que ce soit de la redite, que la magie se soit évanouie.
Enfin, quel album figure au sommet de votre panthéon personnel ?
Oh, c’est comme pour les groupes, ils vont se bousculer au portillon… Mais bon, allez, si je ne devais emmener qu’un seul album sur une île déserte, je crois que j’opterais pour Earth Inferno, le live de 1991 des Fields of the Nephilim. C’est pour moi le plus beau live de tous les temps, et les Nephilim au sommet de leur art, la quintessence ultime du rock gothique. Pas une seule note à jeter dans cet album. Si je pouvais en emmener deux, j’ajouterais Labyrinth de Juno Reactor, paru en 2004. L’album est plus inégal mais contient des morceaux magnifiques (outre une partie de la bande-son de Matrix qu’ils ont composée) dont le plus beau morceau de tous les temps à mon goût, « Angels and Men ». Il me tire des larmes à chaque fois.