Journal d'un homme des bois, 10 novembre 2016

Journal d'un homme des bois |

Où Francis Valéry ne réagit pas à l'élection de Donald Trump : il s'est aussi passé d'autres choses les 9 et 10 novembre…

La première chose que j’ai remarqué, hier matin, c’est que les figuiers avaient perdu toutes leurs feuilles au cours de la nuit. Et la première chose que j’ai entendue à la radio, en buvant mon café, c’est que Donald Trump avait gagné les élections présidentielles étasuniennes. « Ah, shit ! » comme disent les Français, en particulier ceux qui reviennent de vacances à San Francisco et qui ont envie de le rappeler aux autres. « Oh, my God ! » s’exclameront les plus branchés ou les plus cinéphiles – le fin du fin étant tout de même de prononcer : « Omagosh ! ». Pour ma part, je me contenterai d’un « Flûte ! » ou peut-être, à l’extrême limite, d’un « Zut, alors ! » un peu plus musclé.

La journée commençait donc très moyennement. Zut, alors ! Non pas à cause du choix des électeurs étasuniens, qu’allez-vous vous imaginer ? Je n’appartiens pas, mais alors vraiment pas, à cette élite autoproclamée et gonflée de certitudes sur tout et rien, ce qui l’autorise à nous donner son avis également sur tout et sur rien, avec un aplomb souvent hallucinant – pseudo élite que le réel s’emploie d’ailleurs à démentir en permanence, mais sans pour autant que cela ne la désarçonne le moins du monde ! C’est assez fou, tout de même ! Ces gens ne sont pas seulement des mégalomanes égocentriques, ce sont aussi voire surtout des abrutis, aveugles et sourds à tout ce qui pourrait remettre en cause l’efficience qu’ils s’attribuent. Non, non ! L’élection de Donald Trump me laisse profondément indifférent. Si la journée commençait plutôt mal, c’était uniquement à cause de la couche de feuilles de figuiers qu’il allait falloir ratisser avant de la transporter sur le tas de compost. Ça, c’est une vraie préoccupation. Surtout avec mon lumbago chronique.

Pourtant, hier aurait pu être une bien agréable journée – ne serait-ce que parce que c’était l’anniversaire de Neil Young. Eh oui, mon canadien préféré a eu soixante-et-onze ans en ce mercredi 9 novembre. Du coup, j’ai écouté du Neil Young toute la journée tout en travaillotant sur Ayou, mon roman escargotique – rapport à la vitesse avec laquelle il avance. Et en fin de journée, je suis allé me coucher de bonne heure, rapport au fait que l’acte d’écrire m’épuise littéralement – les gens qui pensent qu’écrivain, c’est un métier où on se la coule douce n’ont visiblement jamais pratiqué…

La première chose que je remarque, ce matin, c’est que le vent a commencé à disperser les feuilles de figuiers et que, donc, plus j’attendrai avant de me décider à les ratisser, plus il y en aura un peu partout à ratisser. Et la première chose que j’entends à la radio, en buvant mon café, c’est que Donald Trump a effectivement gagné les élections présidentielles étasuniennes – ce qui a déjà été annoncé la veille… comme si régnait chez les commentateurs une espèce de sidération dont ils ne parviendront à sortir qu’en récitant des mantras. « Ah, shit ! » comme disent les Français, etc. Et la seconde chose que j’entends à cette même radio, en finissant de boire mon café, c’est que Leonard Cohen est mort. En fait, il est mort dans la nuit de lundi à mardi, vingt-quatre heures avant le triomphe de Donald Trump – on ne pourra au moins pas l’accuser de cela. Quoi que… Mais sa disparition a été annoncée après son enterrement, à Montréal. Du coup, je me suis dit que les feuilles de figuier pouvaient attendre un peu et je suis allé jouer sur ma guitare les quelques chansons de Cohen que je jouais quand j’étais adolescent – au moins celles dont je me souvenais à peu près…

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