Journal d'un homme des bois, 15 janvier 2016

Journal d'un homme des bois |

Où Francis Valéry nous rappelle sa fascination pour le concept de « héros » et nous parle de ses collections de livres…

Ces dernières journées ont été fort studieuses. J’ai continué de trier mes archives et ai mis en vente dans ma boutique ebay ma collection de Mangajin ainsi qu’une série complète des aventures de L’Exécuteur, parues chez Plon au tournant des années 70/80. « L’Exécuteur ! Mais quelle horreur ! » ne manquerez-vous pas de vous exclamer – et possiblement à juste titre. Je dis « possiblement », car je n’ai jamais lu un seul titre de la série et n’ai donc aucune opinion sur son intérêt – et encore moins sur sa qualité littéraire. Tout juste serai-je amené à préciser que certaines couvertures ne me paraissent pas vraiment désagréables à regarder…

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Dans les faits, au cours de la dernière décennie du siècle précédent, je me suis assez intéressé au concept de « héros » – c’est-à-dire, pour l’essentiel, aux personnages récurrents dans la littérature populaire, ayant bénéficié d’un supplément de vie par le biais d’autres supports comme le cinéma, la bande dessinée, les séries TV. J’ai d’ailleurs créé une collection logiquement titrée Héros aux Editions…car rien n’a d’importance, devenues rapidement DLM Éditions. Chaque volume était consacré à un personnage et envisageait sa carrière à la fois sous l’angle habituel du critique-collectionneur-historien consistant à rassembler le maximum de documentation factuelle sur le personnage en question, en particulier ses diverses déclinaisons (BD, cinéma…), mais également – et ce me semblait là une approche originale – d’un point de vue intérieur à l’œuvre, en considérant celle-ci comme une manière de biographie d’une personnage ayant réellement existé : il s’agissait pour l’auteur de chaque titre de la collection de se faire également le biographe du personnage, en somme de jouer au Docteur Watson narrant les exploits, mais aussi les faits et gestes, de ce bon Sherlock Holmes.

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J’ai donné le ton, si l’on peut dire, en publiant un volume consacré à Bob Morane – qui fit un peu de bruit dans le milieu des moraniens et a d’ailleurs été republié au Bélial, dans une version mise à jour par Erwann Perchoc. J’en ai dédié un second à Simon Templar, alias Le Saint. Je me souviens que Raymond Milési signa un fort érudit et amusant San Antonio tandis que Philippe Paygnard réalisait un Dracula et A.-F. Ruaud un Arsène Lupin. Je ne me souviens pas d’autres titres éventuels – mes archives éditoriales étant stockées je ne sais plus où. Le concept de cette collection fut repris par Les Moutons Électriques, avec nettement plus de moyens mais dans une optique collaborative, chaque volume étant placé sous la direction d’une personne gérant une équipe de collaborateurs.

À partir du tout début des années 1980, j’ai commencé à réunir de la documentation sur tous les héros de la littérature : Catamount, Doc Savage, Biggles, Le Poisson Chinois, Arsène Lupin, Nick Jordan, Conan, Le Saint, OSS 117, San Antonio, Coplan… Au bout du compte, cela revenait presque à rassembler la totalité des collections populaires (du Fleuve Noir et des autres éditeurs) et des collections de littérature pour la jeunesse depuis l’après-guerre, tant la figure du héros récurrent y est omniprésente.

Mon projet initial était de concocter une énorme encyclopédie des héros – comme il en a existé par la suite des dizaines aux États-Unis. Faute d’un éditeur réellement intéressant, ce projet n’a jamais vu le jour. Outre les deux volumes publiés indépendamment, il me reste quelques dizaines de fiches bien avancées – voire finalisées – et des notes en pagaille. Et surtout j’ai conservé des milliers de bouquins que je disperse aujourd’hui – j’ai mis en vente le mois dernier une série complète de Nick Jordan, en parfait état (si je me considère avant tout comme un archiviste plutôt que comme un collectionneur, j’apprécie de posséder des livres en le meilleur état possible). Un de ces quatre, je vais vendre mes Biggles – autre série complète avec diverses variations de cartonnages et de jaquettes. Parfois, je me dis que ce qui aurait pu être un projet d’envergure et passionnant à mener à son terme, s’achève de manière un peu pitoyable… par une grande dispersion de ce qui a été bien difficile à réunir !

J’aurais aimé trouver une institution comparable à la Maison d’Ailleurs pour acquérir ces collections de « Héros » ou trouver un arrangement pour me permettre de continuer de les étudier contre une donation en dépôt. Ainsi, j’ai un copain qui a fait don de son hallucinante collection de bande dessinée à une bibliothèque d’une grande ville, en échange d’une sorte de contrat de travail pour continuer de s’en occuper, de la compléter, de la valoriser, de l’étudier… ainsi il a troqué sa casquette de collectionneur contre celle de conservateur ! Mais cela se passe en Suisse… vous savez, c’est ce petit pays qui a accepté de recevoir la collection de SF de Pierre Versins dont aucune institution française ne voulait – ce qui est devenu la Maison d’Ailleurs ; c’est ce même petit pays qui a accueilli la collection de Jean Dubuffet qui, faute d’intérêt de la part des institutions françaises, est devenue le Collection de l’Art Brut de Lausanne…

Comme on le dit parfois : nul n’est prophète en son pays. Du coup, si vous cherchez à compléter vos collections, faites moi signe. Il y a du lourd dans la dispersion !

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