W comme When the wind blows

L'Abécédaire |

 

Après les apocalypses nucléaires de La Bombe, Le Jour d'après et Threads, évoquées dans un précédent billet, on s'intéresse à un dessin animé : Quand souffle le vent, de Jimmy T. Murakami. Où l'on suit la vie d'un couple de paisibles retraités anglais, soudain confrontés à une attaque atomique sur la Grande-Bretagne…

Quand souffle le vent [When the wind blows], Jimmy T. Murakami, 1986. 80 minutes, couleurs.

Il y a quelques semaines, on passait en revue trois documentaires/docufictions s’intéressant aux causes et surtout aux conséquences d’un conflit nucléaire. Avec le vrai-faux documentaire La Bombe [The War Game, 1968] le Britannique Peter Watkins montrait avec intelligence les préparatifs peu efficaces des civils dans l’éventualité d’un conflit et les efforts d’un gouvernement tâchant de ne pas se laisser déborder par les événements ; Threads (1984) de Mick Jackson, réalisateur anglais, partait sur un postulat semblable, mais sous l’angle d’un docufiction, avec un bonheur (si l’on me passe l’expression) moindre. Enfin, Le jour d’après [The Day after, 1983] du cinéaste Nicholas Meyer, dépeignait une attaque nucléaire sur le Kansas et le Missouri.

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L'affiche anglaise du film.

Sorti sur les écrans anglais en 1986, Quand souffle le vent, dessin animé dû au réalisateur britannico-japonais Jimmy T. Murakami, continuait d’explorer les mêmes possibles causes et conséquences d’une attaque à l’arme atomique sur la Grande-Bretagne. À l’origine, Quand souffle le vent est un roman graphique de Raymond Briggs, illustrateur (re)connu outre-Manche pour son Bonhomme de neige, autre roman graphique devenu dessin animé en 1982, un classique régulièrement diffusé à Noël au Royaume-Uni (merci Wikipédia).

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La couverture de la BD de Raymond Briggs.

Quand souffle le vent raconte l’histoire d’un couple de retraités, Jim et Hilda Bloggs, deux personnes tout ce qu’il y a de plus normales, qui vivent tranquillement dans leur cottage, quelque part dans un coin reculé du Sussex. Leur relatif isolement n’empêche pas Jim de se tenir informé de la situation internationale, tendue lorsque débute le film : les relations entre l’Union soviétique et l’Occident se détériorent, faisant craindre l’éventualité d’une guerre nucléaire. En accord avec les prospectus distribués par le gouvernement, Jim commence à aménager sa maison en abri : dans le salon, des volets appuyés contre un mur forment un refuge rudimentaire, garni d’un peu de nourriture, et de grands sacs en papier dans lesquels s’envelopper pour se protéger des radiations. Il peint également les vitres en blanc, pour réfléchir ces mêmes possibles radiations. Le tout sous l’œil blasé de Hilda, pragmatique ménagère qui ne croit que ce qu’elle voit (et n’a justement pas tendance à voir plus loin que le bout de son nez).

Lorsque Jim apprend à la radio qu’une ogive nucléaire a été lancée et qu’ils n’ont plus que trois minutes pour se mettre aux abris, le vieil homme a fort à faire pour convaincre son épouse de le suivre dans leur refuge.

Ensuite ? C’est le grand flash. Une vague brûlante déferle sur le Sussex et détruit presque tout. Et après ? Il n’y a plus qu’à attendre. Quatorze jours ou quarante-huit heures, peu importe. Jim tâche d’appliquer précisément le contenu des prospectus gouvernementaux pour savoir quoi faire. Hilda, elle, ne croit guère à tout ça : les radiations, ça ne se voit pas donc ça n’existe pas. Les retombées ? Pareil. Peu à peu, le couple s’enhardit à sortir de leur refuge et à arpenter leur maison à moitié détruite. Dehors, la campagne alentour est cramée et le ciel demeure d’un gris de plomb. Mais les secours finiront bien par arriver, non ? Et la situation redeviendra normale, si ?

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Quand souffle le vent se range dans la même veine pessimiste des films évoqués plus haut. Pas d’échappatoire… On s’en doute, les efforts de Jim sont pathétiques et ne serviront à rien, si ce n’est retarder, si peu, l’inévitable. Un inévitable représenté sans fard : la dégradation de l'état de santé du couple Bloggs ne laisse pas indifférent. Toute simple, l’histoire fait cependant mouche, portée par ses deux personnages, un couple lambda, touchant dans leur simplicité et leur tendresse. Hilda a beau être une ménagère de plus de cinquante ans pas très imaginative, Jim un petit vieux à l’optimisme forcené, ils parviennent à émouvoir.

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Keep calm and find shelter.

À noter que les prospectus gouvernementaux que cite Jim à longueur de temps s’inspirent d’ouvrages réels, tels que le livret Protect and survive (l’une des affiches de Quand souffle le vent pastiche d’ailleurs la couverture). De telles brochures avaient pour but de rassurer la population quant à la possibilité de survivre à une attaque nucléaire ; Quand souffle le vent s’attache à montrer le contraire. Jim, suivant les instructions de Advising the Householder on Protection Against Nuclear Attack, stocke de la nourriture pour deux semaines, repeint les fenêtres en blanc et, après l’explosion, veut allumer la radio pour écouter les annonces gouvernementales. Mais la radio est grillée…

Côté techniques, le film mêle dessin animé traditionnel et stop motion. Les personnages de Jim et Hilda sont dessinés, mais évoluent dans des décors réels. Une jolie hybridation, qui permet à Murakami des mouvements de caméras impossibles (ou plutôt difficiles, pour un résultat médiocre) dans un dessin animé. Quatre séquences oniriques/de souvenirs ponctuent le film, pour un résultat charmant.

Côté musiques, c’est nul autre que David Bowie, au sommet de son manque de talent (vraiment, les années 80 ne lui ont pas réussi), qui signe et chante la chanson du générique d’ouverture. On retiendra surtout la participation de Roger Waters, qui compose le reste de la bande originale, notamment et surtout la chanson du générique de fin, « Folded Flags », dont les paroles pervertissent le classique « Hey Joe » :

« Hey Joe, where you goin'
With that dogma in your head?
You can prove your point
But your kids will still be dead

Bring down the curtain
The soap opera must surely close
Before the cold wind blows »

En 2010, Iron Maiden concluait son album The Final Frontier avec une longue chanson, justement intitulée « When the wind blows », dont les paroles s’inspirent du roman graphique de Briggs :

« He's nearly finished with the preparations for the day
He's getting tired that'll do for now
They are preparing for the very worst to come to them
Getting ready when the wild wind blows »

En somme, ce Quand souffle le vent s’avère une véritable réussite, touchant plaidoyer anti-bombe : même en dessin animé, une bombe sale reste sale. Tant pis s’il est d’une actualité moins brûlante qu’il y a trente ans, il demeure tout à fait regardable et le message continue de porter. (Sa date de sortie en France ne peut que susciter l’incompréhension : 2012… Un peu tard, non ?)

Introuvable : oui (non)
Irregardable : non
Inoubliable : oui

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