D comme Un Dieu rebelle

L'Abécédaire |

Où l'on s'intéresse à Un Dieu rebelle, la première des deux adaptations du passionnant roman des frères Strougatski, Il est difficile d'être un dieu

Un Dieu rebelle (Es ist nicht leicht ein Gott zu sein). Peter Fleischmann, 1989. 119 min.

vol0-d-roman.jpgLe roman des frères Strougatski Il est difficile d’être un dieu (1964), critiqué dans les colonnes de Bifrost par ici, a bénéficié de deux adaptations cinématographiques. La plus récente des deux, à la gestation longue et compliquée, due au cinéaste russe Alexeï Guerman, est sortie en février 2015 — et on y reviendra dans un billet prochain. Quant à la première, dont il est ici question, elle est l’œuvre du cinéaste allemand Peter Fleischmann, sur un scénario de Jean-Claude Carrière, et est sortie sur les écrans en 1991.

 

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Dans le futur, l’humanité a trouvé une planète-sœur à la Terre, peuplée d’humains mais en retard d’un bon millier d’années. Des observateurs ont été dépêchés vers cette planète ; les uns dans une station orbitale, les autres sur place, notamment dans l’état féodal d’Arkanar. L’un d’entre eux, Kyril, y a disparu. Un autre observateur, Anton, est alors envoyé à sa recherche ; il adopte l’identité d’un mort, celle du noble Don Roumata d’Estoria. Il parvient à retrouver Kyril, emprisonné, qui semble prêt à enfreindre la prime directive : intervenir. Les Terriens ne doivent en aucun cas intervenir, quand bien même le Premier Ministre d’Arkanar, Reba, et les gardes gris, persécutent les érudits. Anton/Roumata, face aux atrocités perpétrées et à son impuissance, comprend peu à peu le point de vue de son collègue. Sans toutefois y céder. Sa mission consiste à retrouver Boudach, un savant venu de l’état voisin d’Irukan, susceptible d’enrayer l’obscurantisme galopant… Dans le même temps, Reba cherche à provoquer la chute de Roumata, tandis qu’une révolte paysanne couve.

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Ce Il est difficile d’être un dieu version Fleischmann a été très critiqué à sa sortie. Il semble que les frères Strougatski, disposés à collaborer à l’adaptation de leur roman, à condition que Alexeï Guerman s’occupe de la réalisation, se sont vite retirés du projet quand celui-ci est passé sous la houlette de Fleischmann, et ont désavoué le résultat final. À lire cet article, paru dans Libération en 1988, ou celui-ci, paru dans Le Nouvel Observateur la même année (articles référencés par J.-C. Mézières, qui a proposé des esquisses pour les décors et les costumes), tout indique que le tournage s’est révélé l’inverse d’une partie de plaisir pour Fleischmann. Le résultat final tient malgré tout la route, et le scénario reste fidèle au roman, au moins dans la lettre ; dans l’esprit aussi, en ai-je l’impression : le film questionne le non-interventionnisme, l’histoire – sommes-nous condamnés à la répéter ? Il propose également une mise en abîme pas inintéressante : Anton/Roumata, observateur, est lui-même surveillé par les occupants de la station orbitale, lesquels sont eux-mêmes supervisés par la Terre… le tout sous l’œil du spectateur. Et le final, mi-apothéose, au sens littéral du terme, mi-Rencontre du Troisième Type, est plutôt réussi.

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A la différence de l’adaptation de Stalker par Andreï Tarkovski ou du même Il est difficile d’être un dieu d'Alexeï Guerman, ce film-ci assume pleinement sa nature SF. Station spatiale (qui m’a fait penser à l’Avernus du « cycle d’Helliconia »), hélico, pistolet laser : rien ne manque. Le résultat est, malheureusement, un chouïa kitsch. De même que les costumes – encore que l’on puisse attribuer les inénarrables perruques grises au mauvais goût de la noblesse d’Arkanar. Néanmoins, les décors désertiques sont pas loin d'être superbes – le film a été tourné dans le nord du Tadjikistan. Mais — est-ce un effet de la vidéo YouTube ? — le son est d’une qualité variable. La très synthétique bande originale est, quant à elle, indubitablement médiocre, mais ce n’est rien en comparaison de l’horrible chanson du générique de fin, un « Hard to be a god » qui a tout du crime musical. Dommage aussi que le montage – du moins, celui de la version « director’s cut » soit par moment très abrupt, et que le film pèche par sa lenteur (les deux heures passent lentement).

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Qu’en retenir ? Ce Il est difficile d’être un dieu n’a rien du ratage que certains veulent bien y voir (cf. les assassines critiques sur la page Wikipedia.de du film — par exempleUn film de science-fiction banal, coûteux, surchargé, qui fait preuve de peu de flair pour les personnages, la réalisation ou le rythme. Le thème véritable, celui de la confrontation d’une civilisation très développée avec les atavismes qu’elle semble avoir surmontés, sombre dans des lourdeurs pseudophilosophiques. Film Dienst), et m’a paru une illustration honnête, sans grand génie, du roman des frères Strougatski, plombée par quelques défauts.

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Introuvable : pas loin
Irregardable : moins que la seconde adaptation
Inoubliable : non

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