Journal d'un homme des bois, 13 juin 2014

Journal d'un homme des bois |

jhb-20140613-une.jpg« J’ai pris mes quinze ans, comme on disait alors dans ma campagne, à la toute fin de l’année 1970. Cela faisait déjà quelques années que j’étais un fan de science-fiction : littérature, bande dessinée, séries TV, cinéma… j’étais toujours à l’affût de ce que rapportait mon père de la Maison de la Presse du village. Côté SF, ses goûts très éclectiques allaient du Fleuve Noir Anticipation au CLA, en passant par Fiction et Galaxie, tandis qu’en matière de BD, ça allait des petits formats Mon Journal (Ivanhoé, Akim, Lancelot, Brik…) ou Remparts (Mandrake, Le Fantôme) aux reliures trimestrielles de Spirou, Tintin, Pilote et Mickey… » Où il est question de comics et de collections…

J’ai pris mes quinze ans, comme on disait alors dans ma campagne, à la toute fin de l’année 1970. Cela faisait déjà quelques années que j’étais un fan de science-fiction : littérature, bande dessinée, séries TV, cinéma… j’étais toujours à l’affût de ce que rapportait mon père de la Maison de la Presse du village. Côté SF, ses goûts très éclectiques allaient du Fleuve Noir Anticipation au CLA, en passant par Fiction et Galaxie, tandis qu’en matière de BD, ça allait des petits formats Mon Journal (Ivanhoé, Akim, Lancelot, Brik…) ou Remparts (Mandrake, Le Fantôme) aux reliures trimestrielles de Spirou, Tintin, Pilote et Mickey. Tous ces titres arrivaient en un seul exemplaire à ladite Maison de la Presse qui n’avait qu’un seul acheteur en ce domaine – mais quel acheteur ! Je suppose que lorsque ma famille a quitté le Maine-et-Loire profond pour la Gironde non moins profonde, la Maison de la Presse de Chemillé, capitale mondiale de la camomille, n’a pas du faire long feu.

Tout cela pour dire que je suis devenu, très jeune, un fan de la SF des années cinquante et soixante – car avec le décalage dans les traductions, c’est bien de cela dont il s’agissait. Pendant une quinzaine d’années, étant parti vivre à Bordeaux, j’ai continué les collections paternelles SF et BD devenues les miennes – et je me suis efforcé de les compléter en amont, voire de reconstituer ce que mon père n’avait pas pu garder (je pense aux Météor de chez Artima dont il ne lui restait qu’un seul numéro, ou aux premières années de Fiction et de Galaxie, mon père ayant donné à ses potes pas mal de choses au moment de quitter la Lorraine pour le Maine-et-Loire, alors que j’avais trois ans). Ce fut parfois difficile – surtout quand il ne manque plus que quelques numéros, les collectionneurs complétistes me comprendront ! Mais ce n’était rien à ce qui m’attendait.

Lorsque j’ai commencé à rechercher les originaux étasuniens, quelques années plus tard, j’ai vite compris que ça n’allait pas être une partie de plaisir. Comment faire ? C’était plusieurs décennies avant Internet et la possibilité, désormais offerte, d’entrer en relation avec des revendeurs installés dans n’importe quel pays ! Et d’acheter n’importe quoi en quelques clics. Mon premier séjour aux USA, début 1982, m’a permis d’acquérir mes premiers pulps et mes premiers comics anciens. Puis ma rencontre avec George Slusser, et mes contacts épistolaires avec Robert Weinberg, Lyon Sprague de Camp ou, trop brièvement, avec Robert Heinlein, ont été à la base de mes collections de pulps – George m’échangea d’un coup un immense lot de trois mille magazines de SF, pulps et digest (quarante sacs postaux ! Pascal Thomas doit s’en souvenir, c’est lui qui a tout emballé et transporté les sacs au bureau de poste de Riverside !), contre mes doubles de SF française ancienne, Bob Weinberg m’a revendu à son prix d’achat des lots à trier tandis que Sprague me cédait à prix vraiment symbolique sa collection de Astounding Stories. En matière de SF, je me suis assez bien débrouillé. Par contre, concernant les comics anciens (les EC des années cinquante, les DC du Silver Age, les titres moins connus en France d’autres éditeurs…), ce fut une autre paire de manches. Même au tout début des années quatre-vingt, c’était déjà rare et très collectionné, donc cher. En une dizaine d’années, je suis tout juste parvenu à monter une petite collection de 250 à 300 comics des années 1940/1970 – vous me direz, c’est tout de même deux petits bonheurs par mois… et c’est vrai que sur la durée, ça finit par faire quelques classeurs et boites archives ! Mais bon, il fut vite évident que je n’aurais jamais une collection complète de Mystery in Space ou Strange Adventures, sans même parler de Weird Science ou Weird Fantasy… alors que j’avais monté assez rapidement des séries complètes des pulps de SF.

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Aussi les rééditions des EC Comics en coffrets (certes hors de prix, certes en noir et blanc) furent du véritable pain béni. De même que l’habitude bientôt prise par DC de rééditer à l’occasion des histoires anciennes en bouche-trou, voire de lancer des titres spécialisés dans les rééditions comme From Beyond the Unkown ou certains DC Super Stars. Tout cela allait dans le bon sens, aux yeux de l’archiviste (plutôt que collectionneur, car c’est le document qui m’intéresse en cela qu’il signifie l’accès à l’œuvre) que j’étais peu à peu devenu. A l’origine marginale, la réédition de comics anciens est devenue, au cours des dix dernières années, une tendance lourde de l’édition de BD étasunienne avec des réalisations de qualité très variable quant à l’impression et à la reliure. Cela va du pavé de plus de 500 pages, en noir et blanc, sous une reliure souple – comme la collection Showcase Presents de DC – aux ouvrages tout en couleurs se présentant sous la forme de solides cartonnages, sous jaquette – comme les Dark Horse Archives.

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J’ai eu envie de parler un peu de ces éditions qui – vous l’aurez compris – font mon bonheur de vieil adolescent, parce que, justement, j’ai reçu aujourd’hui le premier tome de la réédition de Adventures into the Unknown ! (les quatre premiers numéros de 1948/49 tout en couleurs !), d’occasion et en état tout à fait convenable, ainsi que le second volume de la réédition de Strange Adventures (les numéros 74 à 93, 1956/58, en noir et blanc, façon Artima !), acquis auprès d’un bouquiniste/soldeur de la banlieue de Chicago. Et je découvre évidemment des récits que je n’ai jamais lus mais que je ne désespérais pas de lire un jour – pour certaines choses, je suis un grand optimiste. Ces éditions sont parfois un peu coûteuses – les archives Dark Horse sont vendues $49.99 et les Showcase $19.99. Mais heureusement pour les fauchés il y a Amazon.fr (chez nous), Amazon.com (de l’autre côté de l’Atlantique) et Amazon.co.uk (de l’autre côté de la Manche), avec leurs marchés des livres d’occasion ou soldés. Il faut y aller voir souvent, se montrer raisonnable et ferme sur le prix maximum que l’on veut payer – c’est tellement facile de se ruiner en quelques clics ! Mais le résultat vaut le temps qu’on y passe. J’ai ainsi pour principe de ne rien acheter qui ne soit proposé, au pire, à la moitié du prix neuf. Eh bien, je trouve ! Et là encore, je fais comme lorsque j’étais plus jeune et que je cherchais les comics originaux : je me limite à un ou deux volumes par mois. À la longue, ça finit par faire une belle collection…

Ah, j’allais oublier. On dit parfois qu’un bonheur ne vient jamais seul. Dans le cas présent, le proverbe se vérifie. Car tandis que je déballais le paquet venu de la banlieue de Chicago, un mail tombait dans ma boîte, venu lui de la banlieue de Paris. Et devinez quoi ? Un éditeur se déclare intéressé par ma collection de livres audio. Qu’on se le dise : CyberDreams est de retour. Magnifique ! Youppie ! Chic Planète et toutes ces choses !

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