Journal d'un homme des bois, 22 janvier 2013

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C’est une journée sans. J’entends : sans flatulences. Ou plus prosaïquement, c’est une journée où il n’y a rien à entendre. Contrairement au commentaire désobligeant de l’un de mes lecteurs, suite à mon annonce de la veille relative à mon projet de purée de topinambours. Certes, les topinambours ont la fâcheuse réputation de faire péter – et pas qu’un peu, sacrebleu ! 

C’est une journée sans. J’entends : sans flatulences. Ou plus prosaïquement, c’est une journée où il n’y a rien à entendre. Contrairement au commentaire désobligeant de l’un de mes lecteurs, suite à mon annonce de la veille relative à mon projet de purée de topinambours. Certes, les topinambours ont la fâcheuse réputation de faire péter – et pas qu’un peu, sacrebleu ! C’est à la fois vrai et faux. Il est vrai que le tubercule se mérite et il serait de mauvaise foi, de ma part, de le prétendre totalement inoffensif, du point de vue de ses conséquences musicales. Mais parole d’homme des bois, si la topine fait péter le bobo s’étant aventuré à consommer du légume ancien par snobisme, elle ne perturbe en rien la bonne digestion d’un honnête et solide gaillard de mon espèce. D’après ce que je crois avoir compris d’un article lu il y a bien longtemps (sans doute dans Rustica, l’hebdomadaire officiel des hommes des bois), une bactérie bien particulière doit se trouver dans la flore intestinale pour "digérer" les glucides du topinambour. Or, cette bactérie a de longue date déserté la tuyauterie interne des malheureux malbouffeurs que vous êtes tous, ou peu s’en faut. Au mieux, elle reste présente mais en trop faible quantité pour agir avec efficacité. On ne passe pas si facilement du MacDo ou ToutBio – et quelque part, c’est tant mieux. Donc projeté dans l’estomac de l’homme moderne et aseptisé, la topine fait de la résistance aux tentatives d’assimilation et, fière de son particularisme glucidique, s’engage dans un processus dont la conclusion n’a rien à envier à la charge claironnante de la cavalerie légère. Nous ne dirons pas le contraire. En regard de ce léger inconvénient, faudrait-il pour autant proscrire le topinambour de l’alimentation de l’honnête citoyen ? Que nenni, mon bon seigneur ! Car je vous le dit haut et fort : le topinambour n’a, par ailleurs, que des qualités. Il pousse à toute allure, produisant des chaumes qui dépassent allègrement deux mètres de hauteur et qui se transforment en excellent paillis ; il est très productif : un beau pied donne un kilo de jeunes tubercules ; il n’est point fragile et se contente d’un sol très ordinaire ; il ne gèle pas – et peut donc être déterré au fur et à mesure des besoins, ce jusqu’en février bien sonné (alors que les patates oubliées en terre à l’entrée de l’hiver ne passent pas celui-ci). Quant au plan gustatif, la topine est une splendeur d’une rare finesse – pour peu qu’on sache la cuisiner (nous n’entrerons pas dans les détails, il y a internet pour cela). Et pour conclure, le topinambour résiste à l’envahisseur ; l’histoire des relations franco-allemandes entre 1870 et 1945 le démontre haut la main : avec la lourdeur wagnérienne qui le caractérise, le germain lui préfère la patate. Tant pis pour lui.

Pour finir, sachez que le léger inconvénient évoqué au début de cette modeste tentative de réhabiliter un légume pour ainsi dire parfait, est fort aisément rectifiable. Il suffit, lors des premières consommations de topinambours, de modérer votre ardeur, afin de laisser le temps aux bactéries de faire leur office gentiment, avant d’accroître peu à peu leur présence stomacale. Vous verrez : au bout de quelques semaines, vous deviendrez aisément capables d’ingurgiter régulièrement de belles rations de topines et de les digérer comme un bienheureux.

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