« Rédiger un blog, c’est envoyer des bouteilles à la mer depuis son île déserte. Avec l’espoir que les courants les conduiront vers quelqu’un, quelque part. Et que cette personne aura envie de lire les messages qu’elles contiennent. Des fois, je me dis que l’océan est trop vaste, que les courants sont défavorables. Peut-être même qu’il n’y a, sur cette planète, qu’une seule île déserte – et que je suis le seul naufragé à y résider… »
Journal d'un homme des bois, 3 novembre 2012
Rédiger un blog, c’est envoyer des bouteilles à la mer depuis son île déserte. Avec l’espoir que les courants les conduiront vers quelqu’un, quelque part. Et que cette personne aura envie de lire les messages qu’elles contiennent. Des fois, je me dis que l’océan est trop vaste, que les courants sont défavorables. Peut-être même qu’il n’y a, sur cette planète, qu’une seule île déserte – et que je suis le seul naufragé à y résider. Unique. En tout cas, personne ne répond à mes messages. Peut-être n’y a-t-il personne au bout de la nuit ? Ou au mieux, il est simplement impossible de me répondre : mon île est trop lointaine, trop perdue au fin fond de nulle part. Courants défavorables ? Le plus sage serait peut-être de se taire, à jamais. De devenir transparent, de se fondre. J’ai écrit, il y a longtemps, une nouvelle qui s’appelait Le Syndrome d’Effacement. Un texte prémonitoire. S’effacer. Se dissoudre dans un présent éternel, immobile. Le froid est là, la pluie aussi. Le relief du ciel a disparu. Depuis plusieurs semaines je suis très handicapé par un lumbago que je n’arrive pas à faire passer. Tout m’est difficile. J’ai pris du retard dans mes petits travaux d’écriture, pour la Maison d’Ailleurs. J’aborde un deuxième hiver avec ma cabane aussi peu isolée que l’an dernier. Pas le temps, pas l’énergie. J’ai mis le paquet sur l’isolation de la cuisine et de la salle de bains. Je n’ai pas trop envie que les nouvelles canalisations d’eau explosent comme les anciennes, en février dernier. Laine de verre et lambris. Il me reste à poser une bande de laine de verre au-dessus du cumulus, pas facile. Et à calfeutrer les raccords entre le plafond (légèrement rehaussé et surtout redressé, quand nous avons refait la toiture, l’an dernier) et le haut des murs. Compliqué. Avec le dos cassé en deux, et une douleur sourde qui profite du moindre mouvement pour se rappeler à mes sens. Bien que mes choix de vie soient, pour moi, de l’ordre de l’évidence… du moins, lorsque je me sens très présent au monde, tous mes sens en éveil et l’esprit clair… Il m’arrive pourtant de me demander où réside le sens dans cette manière de vivre ? Et de plus en plus souvent – du moins à mesure où chute la température ! Ces dernières nuits, je suis passé au régime triple couette. Il me reste encore à sortir les deux couvertures pour être en mode quintuple épaisseur. Il faut être progressif. J’ai un petit stock de pétrole, pour le poêle. Un reliquat du début d’année et trois bidons que j’ai pu acheter, en octobre, dès qu’il y en a eu – et tant qu’il y en a eu. A l’entrée de l’hiver dernier, le bidon de 20 litres de pétrole valait 19,50 euros : le moins cher, celui qui pue (en fait très peu et pas longtemps) quand on allume ou éteint. Il était passé à 20,50 euros après quelques semaines. Cette année le même est à 21,90 euros. Soit plus de 12% d’augmentation en un an. Cela étant, ça reste très virtuel, car après quelques jours de disponibilité du "pas cher mais qui pue", les grandes surfaces de la région proposent désormais uniquement du "qui pue pas", en bidons vendus entre 37 et 40 euros. Belle arnaque. En tout cas, je n’ai pas vraiment les moyens de me chauffer avec du pétrole à deux euros le litre. Et je ne suis sans doute pas le seul dans ce cas. C’est pas le pétrole qui pue…