La Mère des mondes

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La Mère des mondesQu’y a-t-il de l’autre côté des Bouches, ces portails spatiaux apparus sur Terre en 2019 et ayant laissé passage à des myriades d’aliens ? Et est-ce possible d’y apporter la sainte parole ? Suivez avec « La Mère des mondes » de Jean-Laurent Del Socorro, nouvelle lauréate du concours organisé lors de la parution de Points chauds et Aliens mode d’emploi de Laurent Genefort, les premiers pas en outre-espace d’un prêtre catholique en quête d’universalité..

Cette nouvelle de Jean-Laurent Del Socorro, lauréate du concours Points chauds, vous est proposée gratuitement à la lecture et au téléchargement du 1er octobre au 31 décembre 2012. Retrouvez chaque mois une nouvelle gratuite dans la rubrique Interstyles.

La Mère des mondes

Illustration © Cedric Bucaille

Dans trois jours, je franchirai la Bouche et j’irai porter la sainte parole sur d’autres mondes. Depuis la fenêtre de mon bureau de Sainte Donat, je regarde Zadar une dernière fois. Au-delà du forum romain au pied de l’église, le soleil d’août fait ressortir les nuances de la mer sur laquelle se découpe la silhouette d’une Bouche flottant au-dessus des eaux turquoise. Si je ne dois garder qu’une seule image, ce sera celle-là, cette vue quotidienne qui a accompagné mes huit années d’office en Croatie.

Je m’éponge le front avec le bord de ma soutane déjà imprégnée de sueur. Ignorant le brouhaha des conversations des touristes qui parvient jusqu’à moi, je repense à mon entrevue de la veille avec le père supérieur. Il a essayé une dernière fois de me faire changer d’avis. Patiemment, je l’ai écouté m’assurer qu’il était encore temps de laisser cette tâche à d’autres plus aptes que moi. Il n’a pas osé dire plus jeune qu’un prêtre de cinquante-deux ans. Je lui ai répondu que ma décision était irrévocable. Dieu m’a appelé pour être un ses missionnaires auprès des aliens, je ne faisais qu’obéir à Sa volonté. Après quelques secondes de silence, le père supérieur m’a finalement donné sa bénédiction.

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Dans l’avion qui m’emmène en Nouvelle-Zélande, je me remémore les évènements qui m’ont amené à prendre cette décision. Nommé en Croatie, je quitte ma Pologne natale pour arriver à Zagreb en mars 2028. J’y attendais une correspondance pour Zadar quand les trains furent annulés. Fut-ce là le premier signe qu’Il m’envoya ? Je sortis de la gare pour m’engouffrer aussitôt dans une circulation et des rues bloquées. Je remontais jusqu’à la source de ce chaos pour découvrir l’incroyable procession qui immobilisait Zagreb. La police croate essayait avec peine de faire transiter un groupe d’aliens depuis le stade jusqu’à leur Bouche de destination. C’était la première fois que j’en observais d’aussi près. L’un d’eux se tourna vers moi et nos regards se croisèrent un instant avant que les cordons de sécurité ne me repoussent avec la foule. L’image de ces bipèdes hérissés de piques se grava dans ma mémoire. Tandis qu’ils reprenaient leur lente marche, j’observais les hommes armés qui les encadraient comme un troupeau de bêtes. Étions-nous devenus aveugles ? N’y avait-il personne pour réaliser que nous avions à faire non pas à d’autres espèces, mais bien à nos frères d’outre-espace, à d’autres enfants de Dieu ?

Mes premières années à Zadar furent hantées par ce souvenir. J’essayais de partager mes réflexions avec les autres prêtres mais je n’obtenais d’eux que des réponses condescendantes. Nous étions les seuls fils de Dieu, il n’y avait dans l’existence d’autres êtres que la marque de Sa toute puissance, rien de plus. En aucun cas les aliens ne pouvaient partager la nature divine de l’Homme. Ne trouvant aucun soutien auprès de mon clergé, je cherchais des réponses dans les essais et les émissions sur ces nouveaux venus. Les scientifiques essayaient d’abord d’étudier le mystère des Bouches avant de s’intéresser à ceux qui les traversaient. Ils parlaient de nouveaux organismes biologiques, de classification d’espèces, de compatibilité raciale et de proportion carbone. La science ne m’était d’aucun secours pour assouvir mon besoin d’universel.

Je me portais alors volontaire comme aumônier dans le RAMPART. Après plusieurs refus, on accepta de m’intégrer dans une campagne d’un an au sein d’une section basée en Europe de l’est. Cette expérience fut des plus décevantes. Affecté à l’intendance, je n’étais que rarement avec ceux qui escortaient les aliens. Les quelques fois où je participais à un transfert, c’était pour réaliser que le rôle du RAMPART se limitait à les accompagner d’une porte à l’autre. Alors que je profitais de chaque instant passé auprès de ces êtres, aucun contact véritable ne s’établissait entre ces soldats et ce qu’ils appelaient eux-mêmes leur « cargaison ». Je cherchais des hommes fascinés comme moi par le miracle de ces nouveaux venus. Je ne trouvais en définitive que des mercenaires blasés qui ne voyait en moi que le confesseur de leurs petits vices quotidiens.

Je revins à Zadar plus abattu que jamais. J’observais la Bouche dans le port qui me narguait tous les jours un peu plus. Je retrouvais les offices répétitifs, les sermons formatés. Si la pratique du culte me semblait maintenant anachronique, les évangiles m’apparaissaient sous une lueur nouvelle. Puisque qu’ici personne ne cherchait à les comprendre, alors j’irai les trouver chez eux pour partager ma foi. Mais là encore, mon projet était voué à l’échec. Toutes les Bouches étaient gardées par les autorités qui voulaient s’assurer de leur contrôle. Si quelques rares missions scientifiques ou militaires étaient autorisées, les Bouches restaient jusque-là hermétiquement closes à la foi. Au début de 2036, la Nouvelle-Zélande la première décida d’abolir les points de contrôles autour des Bouches. Ce miracle fut le signe que j’attendais.

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Après trois heures de taxi à travers les collines verdoyantes de l’arrière-pays de Wellington, la Bouche est enfin là. Il me faut encore plusieurs minutes pour décharger mon équipement. Le disque argenté flotte au-dessus du sol à une trentaine de mètres devant moi tandis que je règle ma course et attends que le taxi reparte. Je m’approche de la surface orangée qui indique le côté à prendre pour traverser — j’ai cru comprendre qu’il doit cette couleur au soleil qui s’y reflète de l’autre côté. Les épaisses couches de vêtements thermiques sous ma soutane gênent un peu mes mouvements. Je réajuste mes habits avant de charger mon lourd paquetage sur mon dos. Ainsi équipé, j’ai davantage l’impression d’être un soldat qu’un missionnaire. Instinctivement, je prends la croix qui pend à mon cou. Il n’y a rien à redouter. Je suis là où je dois être. Serrant mon bâton de marche, j’avance encore un peu pour m’arrêter à un pas de la Bouche. À cette distance, seules les lunettes noires que je porte m’empêchent d’être ébloui. Il n’y aura pas de retour possible. Je fais l’ultime enjambée et je me fonds dans la lumière. Que votre volonté soit faite.

Quand j’émerge le froid m’enveloppe instantanément. Je reprends ma respiration et un nuage de buée s’échappe de ma bouche. C’est moins le choc thermique que le changement radical de paysage qui me désoriente. Devant moi s’offre une lande glacée, exempte de tout arbre. Un point lumineux – le soleil ? – perce avec peine les masses de nuages blancs et éclaire d’une lumière orangée la banquise sans fin. Je sors le manteau de mon sac à dos pour m’en couvrir. Accroché à mon bâton, je cherche en vain un repère dans cette étendue uniforme. Je commence à marcher droit devant moi. Puisse le Seigneur guider mes pas.

Je marche toute la journée sans croiser signe de vie. Les seules plantes que j’aperçois sont des buissons filandreux qui poussent sur la neige. En fin de journée, le froid s’intensifie encore : mon thermomètre à mercure indique moins douze degrés Celsius. Alors que je désespère de trouver un abri pour la nuit dans ce paysage sans relief, j’aperçois finalement un lac à l’horizon. Quand je l’atteins enfin, la nuit est tombée, et sa surface gelée scintille sous la lumière d’une lune rougeoyante à peine plus grande que le soleil. Épuisé, j’installe mon campement à l’abri d’un des blocs de glaces qui bordent le lac. Tandis que je prépare ma ration déshydratée sur mon réchaud, des étoiles et des constellations inconnues apparaissent sur le ciel maintenant dégagé. Je rentre dans ma tente marquée du logo du RAMPART – mon cadeau de départ de l’unité – et me blottit dans la chaleur réconfortante de mon duvet. Je m’endors presque immédiatement, un sourire sur mes lèvres gercées. Dans ce monde vide, je trouve plus de sérénité que je n’en ai jamais eue sur cette terre grouillante de vie.

*

Mon sommeil a été agité. Alors que je remballe mon matériel, je repense à la musique qui m’a réveillé par deux fois pendant la nuit. Ce n’étaient pas des chants, mais plutôt la musique semblable à celle produite par des cors qui résonnait, étouffée et lointaine. Dans le noir et sans repère, il m’a été impossible de déterminer sa provenance. Avant de repartir, je prends le temps de me recueillir le chapelet à la main. Ces prières qui étaient devenues un réflexe mécanique avant mon départ retrouvent ici tout leur sens. La musique continue à résonner dans ma tête tandis que je récite le « Je vous salueMarie ». Décidant de contourner le lac plutôt que de prendre le risque d’éprouver la solidité de la glace qui le recouvre, je reprends mon chemin, l’esprit apaisé.

Le lac est plus étendu que je ne le pensais, il me faut presque deux heures pour en faire le tour. Alors que je m’arrête un instant pour faire une pause, mon regard est attiré par une déclivité dans la glace en bordure du lac. Quand je m’approche, je découvre avec surprise que le sol s’enfonce sous la neige jusqu’à une ouverture de plusieurs mètres de large, une grotte sans aucun doute. Plus étonnant encore, je remarque des traces semblables à celles de petits skis qui en sortent. Je laisse éclater ma joie. Ce sont peut-être les preuves que ce monde est habité. La douzaine de trainées blanches qui sortent de la caverne disparaissent devant moi vers l’horizon. Le chemin est tracé, je n’ai plus qu’à le suivre. Je m’engouffre dans la grotte pour en apprendre davantage sur ceux que je cherche à rencontrer.

La salle fait une trentaine de mètres de diamètre. De longues stalactites accrochées au plafond fondent lentement. La pente du sol est telle que les gouttes s’écoulent vers centre de la grotte en formant une mare d’eau claire. Je m’abreuve de cette eau glacée avant d’en remplir mes gourdes. À ma surprise, elle a un goût fort, presque salé. Sur le sol apparaissent plusieurs traces qui m’évoquent celles de chevaux. En m’approchant de la paroi opposée à l’entrée, je découvre une veine de charbon apparente qui semble avoir été grattée. Une multitude de traits noirs et fins couvrent les autres murs. Ces dessins abstraits m’émeuvent plus que de raison. J’y perçois une forme d’art. Je repense aux dessins des premiers hommes qui peignaient de la même façon sur les murs de leurs grottes. Je retrouve cette même magie rituelle dans les formes qui m’entourent. Un instant, je regrette que les contraintes de Bouches ne m’aient pas permis de prendre un appareil photo avec moi. Cette réflexion me fait sourire. Il faut savoir profiter du moment présent. Je plonge mes doigts dans le bassin pour faire un signe de croix avant de partir sur les traces de mes frères.

*

En milieu d’après-midi, ma progression est ralentie par les violentes bourrasques de vent. Elles sont annonciatrices d’une tempête à venir, je n’ai qu’à regarder le ciel chargé de nuages noirs pour m’en convaincre. Quand les premiers flocons de neige commencent à tomber, la panique me gagne. Mon champ de vison est limité et je ne vois aucun abri dans les alentours. La neige qui s’amasse recouvrent les traces, faisant peu à peu disparaitre mon unique piste. Quand le ciel se déchire et se zèbre d’éclairs, je trouve refuge dans un bosquet de plantes filandreuses plus dense que les autres. Il me protège à peine du vent, mais je dois m’en contenter faute d’un meilleur abri. Après avoir essayé de creuser un trou dans le sol glacé avec ma pelle pliable, je me résigne à sortir mon duvet pour m’y glisser tout habillé. Allongé sur la glace, le vent humide s’insinue jusque dans mes os. Pour la première fois de ma vie, j’ai peur de mourir. Ma bouche engourdie articule avec difficulté une prière dont je peine à trouver les mots. Entre deux éclairs, des bruits sourds attirent mon attention. Tout autour de moi, des méduses bariolées jaillissent de la glace dans une explosion de neige pour se laisser flotter au milieu des flocons. Je sombre dans l’inconscience tandis que les méduses toujours plus nombreuses entament leur lent ballet avec les étoiles.

Suis-je mort ? J’ouvre pourtant les yeux, le corps tétanisé par le froid. Mes membres engourdis mettent plusieurs secondes avant de m’obéir et de commencer à me dégager de la couche de neige qui me recouvre. Mes yeux s’habituent peu à peu, et ce n’est que lorsque je me redresse que je les aperçois. Ils sont six, formant un cercle serré autour de moi. Ils m’apparaissent mi-arbre, mi-cheval, centaures immaculés. Leurs bras tridactyles sont immobiles le long de leur corps à la fourrure blanche. Leurs têtes composées de multiples bois s’enchevêtrent au-dessus de moi, véritable canopée couverte d’une épaisse couche d’une neige. Je comprends alors qu’ils sont venus à mon secours et que je leur dois la vie. À l’abri de cette forêt vivante, les premières gouttes de neige fondue tombent sur mon front tandis que le soleil commence à poindre. Un jour nouveau se lève.

Je les ai remerciés dans toutes les langues que je connaissais bien que j’ignore s’ils m’ont compris. Ils m’impressionnent mais j’essaye de faire bonne figure. C’est une chose d’approcher des aliens sur terre encadré par des soldats, c’en est une autre de se retrouver seul face à eux sur leur propre monde. Une phrase que j’avais lue dans un guide bon marché avant mon départ me revient à l’esprit : « Au-delà des Bouches, l’alien, c’est vous. » Comment perçoivent-ils l’étranger que je suis ? Suis-je une curiosité ? Un être difforme privé des plus élémentaires attributs pour survivre dans ce monde de glace ? Je ne saurais dire. Ils se sont regroupés, silencieux, et attendent à quelques mètres de moi que je m’extirpe de mon duvet trempé. L’un d’eux broute quelques herbes décharnées après les avoir dégagées de la neige d’un coup de sabot précis. Quand je suis finalement prêt, l’un deux s’approche. Il s’arrête devant moi, attendant sans doute un geste de ma part. Machinalement, ma main caresse sa robe blanche. Aussitôt la musique résonne dans ma tête.

*

Cela fait maintenant deux jours que je voyage avec eux. Mon guide est un Tadebya, l’équivalent d’un prêtre dans leur communauté. Je ne pouvais espérer meilleure rencontre. Son chant dans ma tête m’explique que les siens renoncent à glisser sur la neige pour que je puisse suivre leur rythme. À chaque pause, nous discutons, et je suis encore émerveillé de pouvoir les comprendre. Je leur parle de Dieu, du Christ venu parmi nous pour nous sauver de nos péchés. Ils m’écoutent avec attention même s’ils s’étonnent que ma religion voue un culte à un être sacrifié sur une croix. Je leur explique que je suis venu ici pour partager ma foi et leur transmettre. Leur étonnement s’accentue encore davantage. Je leur montre ma Bible, leur en lis des passages. Toujours pas de réactions. Je leur propose de faire un office, ils acceptent. J’utilise un bloc de glace comme autel pour poser le calice en bois que j’ai emporté. De la neige fondue remplace le vin de messe. Pendant mon sermon, mon auditoire ne bronche pas. Alors que j’entame le « Notre père », je sens une brûlure sous mon pied. Quand je le relève, j’aperçois un animal semblable à une taupe au museau fumant et rougeâtre s’enfoncer sous la neige par le trou qu’elle vient de fondre sous ma botte. Ils s’en amusent. Un instant vexé, je ris de bon cœur avec eux. La glace est brisée. Les voies du Seigneur sont impénétrables.

Les jours suivants, le Tabeya me parle à son tour de leur religion. Leurs divinités sont multiples. La description qu’il m’en donne me fait davantage penser à des esprits qu’à des dieux. Le Christ n’est pour eux que l’image d’un seul et même créateur dont l’écho se reflète sur chaque monde et qu’ils appellent ici Noum. Je lui affirme que mon Dieu est unique. Il me répond qu’Il peut cependant avoir plusieurs noms. Je ne trouve rien à lui rétorquer. Il m’écoute d’un intérêt renouvelé quand j’évoque Marie, la mère de notre Seigneur. Il me questionne sur elle, ses origines, si je sais où elle se trouve. Trop heureux de le satisfaire, je fais de mon mieux pour répondre à ses interrogations. Je lui explique qu’elle a rejoint son fils au paradis. Il me demande si je connais une Bouche qui pourrait les y conduire. C’est à mon tour de sourire. Aucune porte ne mène au royaume des cieux, seule la ferveur de la foi peut nous y conduire. Il ne me croit pas. Il y a toujours une Bouche pour aller à la destination voulue, il faut juste prendre le temps de la trouver. Il m’explique que les siens croient également en une mère de toutes les mères à l’origine de la vie. Lui et son groupe font partie de ceux qui ont voué leur existence à la chercher. Leur quête fait écho à la mienne. Que suis-je réellement venu chercher en traversant la Bouche ?

Quelques jours plus tard, nous faisons halte dans une de leurs grottes. C’est un honneur qu’ils me font, car je sais maintenant qu’elles sont aussi bien des refuges que des lieux de cultes et des bibliothèques. Ils m’apprennent à déchiffrer leur écriture toute en courbes et en traits fins qu’ils tracent avec dextérité. Leurs peintures sont tout autant de livres qui transmettent leurs connaissances aux générations suivantes. Ils me demandent d’inscrire le nom de Marie sur le mur. Ma main tremble d’émotion tandis que j’écris Son nom à l’aide d’un morceau de charbon. Quand j’ai fini, ils se frottent contre le mur noirci et viennent tour à tour me frôler. Je me plie à ce rituel et comprends maintenant leur perplexité pendant ma messe de l’autre jour. Je venais de trouver ma place parmi ces êtres qui perçoivent le sacré en toute chose.

Au cours d’une veillée, ils me font sortir de la caverne en pleine nuit. Quand je demande où nous allons, ils ne me donnent aucune explication. Après plusieurs heures de marche qui me sont éprouvantes, nous nous arrêtons enfin à l’entrée de ce que je devine être une vallée. Nous attendons immobiles plusieurs heures encore, et ils se serrent autour de moi pour que je ne souffre pas trop du froid. Nous nous recueillons en silence, partageant bien plus qu’avec tous les mots que nous avons échangés jusque-là. Tout à coup, ils se mettent à chanter. L’horizon se remplit de lumières vives dont les couleurs se reflètent sur les lacs gelés qui nous entourent. Je vois alors tous les noms de Dieu se dessiner dans les courbes des aurores boréales tandis que le chant des anges résonne dans cette cathédrale de glace.

*

Le voyage reprend et je suis maintenant des leurs. Nous allons partir plus loin, chercher la prochaine Bouche et la traverser. Dans notre périple, nous continuerons à mieux nous connaitre, j’apprendrai leur écriture et eux la mienne, nous partagerons nos Dieux avec ceux que nous rencontrerons, d’autres joindront à nous. Et qui sait, peut-être la trouverons-nous au bout du chemin.

Tandis que le soleil se lève sur la steppe enneigée, nous partons ensemble à la recherche de la Mère des mondes.

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