Journal d'un homme des bois, 7 mars 2012

Journal d'un homme des bois |

valery-jhb-une.jpg« Il y a quelques semaines, deux amis d’enfance étaient de passage dans mon fin fond de nulle part, de retour d’une semaine de vacances dans les Pyrénées. Au fil de nos discussions, nous nous mis à parler des conséquences de certains choix de vie perçus – par eux – comme extrêmes, si ce n’est extrémistes… »

Il y a quelques semaines, deux amis d’enfance étaient de passage dans mon fin fond de nulle part, de retour d’une semaine de vacances dans les Pyrénées. Au fil de nos discussions, nous nous mis à parler des conséquences de certains choix de vie perçus – par eux – comme extrêmes, si ce n’est extrémistes. Mes amis travaillent l’un et l’autre dans la fonction publique, l’un occupe un poste à responsabilités dans le service informatique d’une grande ville de province, l’autre dirige la médiathèque de cette même ville ainsi qu’une bibliothèque universitaire. On peut dire qu’ils ont réussi leur vie professionnelle. De leur point de vue, ma manière de vivre implique l’acceptation de ce qu’ils perçoivent comme une profonde insécurité – à l’évidence financière, mais pas uniquement ; cette insécurité est le prix à payer de ce qu’ils appellent ma liberté, en particulier la maîtrise de mon temps et ma volonté de travailler "pour qui je veux et quand je veux" (pour faire court !). Soit l’inverse de leur situation puisqu’ils estiment vivre dans une parfaite sécurité (financière, matérielle…) mais ils se sentent pieds et poings liés, dans un système qui les étouffe peu à peu, dans l’attente de plus en plus fébrile des week-ends, des vacances, de la retraite… L’insécurité dans laquelle je vis – du moins ce qu’ils nomment ainsi – les terrifie ; ils affirment qu’ils n’auraient jamais pu vivre ainsi. A l’inverse, "aller bosser" chaque matin, contraint et forcé, avec pour seule attente qu’un jour ça s’arrête, puisque cet état d’esprit est celui que me décrivent mes amis, me semble simplement être le contraire de ce que j’appelle vivre. J’ai tenté de leur expliquer que le problème, me semble-t-il, n’est pas celui de l’insécurité mais celui de la peur. Ce que mes amis nomment insécurité n’est qu’une expression du principe d’impermanence – quelque chose de parfaitement naturel puisque relevant simplement de la nature de la réalité. Tout change tout le temps, rien n’est donc acquis. Appliqué au monde professionnel, cela signifie qu’une situation donnée est par essence provisoire. L’insécurité est donc un état normal et la charge négative attachée au terme n’est que l’expression de la crainte du changement – et donc une forme de dénis de l’impermanence. Un jour, au temps de mon adolescence, j’ai pris la décision de faire confiance à l’univers. Pourquoi aurais-je du me méfier de lui ? Nous sommes le fruit d’un mécanisme évolutif par lequel l’univers s’efforce de se comprendre – nous sommes sa conscience et son miroir ; pourquoi nous voudrait-il du mal ? Faire confiance, c’est cesser d’avoir peur. Et cesser d’avoir peur, c’est devenir libre. Dans cette vision qui est la mienne, la notion d’insécurité est vide de sens.

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