Maître de tout

Playground |

Nous avons voulu, sur le blog Bifrost, aborder la science-fiction sous toutes ses formes, et le jeu vidéo en est une qui a pris une importance particulière ces dernières années. Machines plus puissantes, graphismes toujours plus photo-réalistes, industrie florissante mais aussi univers plus fouillé, ambiance plus immersive et scénario plus intelligent : le média jeu vidéo a indéniablement atteint une forme de maturité. C'est pourquoi j'ai demandé à Alexis Moroz, game builder chez un grand développeur français mais aussi lecteur averti de science-fiction de tenir cette rubrique Playground et d'y jeter des ponts entre science-fiction et jeu vidéo, d'y évoquer les univers SF du jeu vidéo, les évocations du jeu vidéo dans la SF, mais aussi les innovations dans le domaine vidéo-ludique qui, parfois, ressemblent carrément à de la science-fiction.


Une intro avec des femmes et des explosions

Cette année, pour sa 15ème itération, la célèbre Electronic Entertainment Exposition de Los Angeles est revenue d'entre les morts. Après deux années de mélasse économico-médiatique, durant lesquelles l'expo cherchait son identité (d'abord en virant les « babes » qui faisaient mauvais genre, puis en réservant l'accès du salon aux seuls journalistes), elle est finalement redevenue du 2 au 4 juin 2009 la grande messe vidéoludique qu'elle n'aurait jamais du cesser d'être. Et il y avait du lourd pour fêter ça.








Un cosplay de Bayonetta.
Dans le jeu, le costume de l'héroïne est en fait composé de ses propres cheveux, qui peuvent aussi se transformer en dragon.
C'est le Japon.


...Des conférences des trois grand constructeurs, Sony, Nintendo et Microsoft aux blockbusters sur-attendus tels que God of War 3 ou Uncharted 2, tout était au rendez-vous pour faire tourner la tête et ravir le cœur de ces grandes sentimentales de joueurs que nous sommes.

Cependant, le vainqueur incontesté de l'expo, le jeu qui aura exercé une gravité pareille à nulle autre sur la mâchoire des visiteurs, le titre qui restera gravé sous nos paupières et gémi dans notre sommeil agité, ça n'était pas Call of Duty 5...

Bien que la guerre semble enfin avoir le nombre de pixels qu'elle mérite


...ça n'était pas non plus God of War 3...

Malgré la définition pétillante que Kratos se fait de la serrurerie


...ni même Uncharted 2...

Et son superbe hommage à Galaxy Express 999


...pas plus que Final Fantasy 13-mais-en-vrai-on-a-arrêté-de-compter-depuis-le-7

"La science millénaire des mathématiques DANS TA FACE"


Non. Le conquistador de nos âmes était bien plus foudroyant que tous ces jeux réunis. Il s'agit d'un jeu prévu pour la Nintendo DS, et il porte le nom de Scribblenauts.


Scribblenauts, vainqueur du "Game of show" E3 award chez IGN et Gamespot
Potentiel plus grand jeu de tous les temps


« Mais… C’est tout laid ! »


De fait.

Mais si le vilain petit canard nous a bien appris une chose, c’est que nous sommes tous des cygnes, et qu’un jour nos véritables parents viendront nous chercher et nous emporteront dans leur château, que nos problèmes disparaîtront à jamais et que tout ne sera que rires, chants, danses et jeux. Alors inutile d’être obtus.




Bientôt...



Parlons plutôt du concept du jeu. En quelque mots : Tu joues un bonhomme. Ton but est de récupérer des étoiles dans une série de niveaux. Pour se faire, tu peux te déplacer à gauche, tu peux te déplacer à droite, tu peux INVOQUER TOUTES LES ENTITES PHYSIQUES DE L'UNIVERS SPATIO-TEMPOREL CONNU et tu peux sauter.

Un jeu de plate-forme classique, donc... A part concernant ce léger détail sur l'univers connu (ne faites pas les innocents, je sais que vous avez haussé un sourcil). Concrètement, sur l'écran du bas de la DS, le joueur est invité à écrire un mot. Ce qui a été écrit apparaît alors dans le niveau, sur l'écran du haut. Pouf. Ce qui a été écrit ? Comment ça, ce qui a été écrit ? Quoi, ce qui a été écrit ?

Tout ce qui a été écrit.




Que ça soit un objet, un animal, un accessoire, un véhicule, un personnage (imaginaire ou célèbre), un élément, n'importe quoi... L'entité en question apparaîtra, et vous aidera à résoudre l'énigme (ou pas, si vous avez invoquez un poulet rôti pour récupérer une étoile située au fond d'un lac - ce qui est aussi cocasse que vain, sacré galopin).



Oh, je vous visualise parfaitement en train de saisir votre écran à bout de bras, de vous lever et de vous exclamer d'un ton indigné : "Comment est-ce possible ! Se moquerait-on de moi ?".

Et pourtant... Pas moins de dix mille (10 000 ! THAINE TAHOUZANDE !!!) objets ont bel et bien été créés pour ce jeu, chacun interactif, illustré, animé, et dotés de caractéristiques physiques inter-dépendantes des autres objets (la voiture peut être conduite, le lance-flamme activé, le donut recherché et dévoré par le policier, etc...). De tête, je ne pourrai pas citer plus de deux ou trois cents choses, là, comme ça, à brûle-pourpoint...

Alors comment le cap des dix mille objets a-t-il pu être atteint ? Jeremiah Slaczka, directeur créatif chez 5th Cell (les développeurs du jeu) nous explique et nous fait rêver :

« Nous avions en fait une équipe de cinq personnes dont l'unique rôle était de parcourir des dictionnaires, wikipédia, des encyclopédies, tout ce que vous pouvez imaginer, durant 6 mois. C'est tout ce qu'ils faisaient chaque jour, chaque semaine. »

Et c'est comme ça que M. Slaczka pu intégrer dix mille objets dans son jeu et fournir huit ans de travail à cinq psychiatres.




Trailer, vidéos, etc…

Mais place aux images qui bougent. Voici la première bande-annonce du jeu à avoir été diffusée. On sent encore un peu le côté "prototype", mais le concept est plutôt bien illustré :


Bien sûr, tout n'est pas invocable, dans Scribblenauts. Presqu'aucun nom propre ne fonctionne par exemple, pas plus que les marques déposées, évidemment. Mais tant qu'on reste dans le nom commun, dans l'objet ou l'animal connu, il est très difficile de prendre la base de données à défaut.

Cela s'est d'ailleurs avéré un problème pour l'organisation américaine de Rating ESRB chargé d'estampiller un âge minimum pour jouer au jeu. Difficile d'interdire Scribblenauts aux moins de 18 ans (et de fait, le jeu a obtenu un « rating » 10 ans et plus)... Mais la commission a tout de même pris le soin de préciser sur son site :

« Si plusieurs mots sont entrés durant une séquence de jeu, différents scénarios saugrenus peuvent se produire : une bicyclette peut ête utilisée pour sauter par dessus un bébé, un bulldozer peut repousser un requin, un chou peut être donné à un dinosaure. Les joueurs peuvent invoquer des versions 'cartoons' de battes, de bombes, de revolvers ou de lance-flammes. Ces objets peuvent être utilisés pour détruire d'autres objets ou personnages invoqués (ex : un bâton peut être utilisé pour battre un animal, un steak attaché à un bébé pour attirer un lion, des rockets peuvent être tirés sur un homme). » [source]

Un steak attaché à un bébé, pour attirer un lion... Même moi je n'aurai pas eu une idée aussi vicelarde pour résoudre une énigme, merci l'Entertainment Software Rating Board !


Mais des scénarios bien plus fous peuvent prendre place quand on pousse un peu le délire, ainsi que nous le démontrent deux visiteurs à l'E3 s'essayant à une borne de démonstration du jeu (y a un peu d'anglais, mais c'est pas important pour comprendre) :


Les possibilités semblent vraiment illimitées.

Et j'ai gardé le meilleur pour la fin : au-delà de ses deux cent et quelques niveaux constituant autant "d'énigmes" à résoudre (toujours pour choper de l'étoile, appelée « starite »), le jeu proposera de surcroît un éditeur de niveaux et d'objets, permettant de créer ses propres énigmes en modifiant / customisant à volonté tous les objets possibles (en fonction de leur relation, destructibilité, comportement - peur, désir de tuer, amour, indifférence....). Oui, des dizaines de singes fuiront à la vue d'une banane, si le désir vous en prend. C'est la réalité même qui vacillera au bout de votre stylet. LA PUISSANCE.

Pour finir, parce que je sais qu'il y a au moins deux ou trois amateurs de SF parmi vous, lâchons un peu plus la bride à la démence et voyons comment le jeu se comporte lorsqu'on l'on invoque... une machine à remonter le temps !

...FISSION NEURALE - peux plus écrire - mots manquent - voir vidéo 2:00 voir vite jhdklkjf :


Oui, c'est assez stupéfiant (et même assez drôle, quand on reconnaît les mèmes illustrés au début de la vidéo) .

Cet ovni vidéoludique sort en septembre, et votre serviteur (c'est moi) est impatient de mettre ses mains et son imagination perverse dessus.

Dernier trailer officiel de Scribblenauts en date :

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