X-Files : diX épisodes eXtra-ordinaires

Cinéma et séries |

Après s'être intéressé aux meilleurs comme aux pires épisodes des X-Files, l'on se penche dans ce dernier billet sur dix épisodes spéciaux : dix moments où, pour une raison ou pour une autre, la série de Chris Carter s'est amusée à proposer des variations formelles

Au fil du temps, une série se permet des audaces, des épisodes sortant de la norme. X-Files n’échappe pas à cette règle, et cet article se propose de passer en revue dix épisodes estimés « extraordinaires », car sortant justement de l’ordinaire – monstre de la semaine ou épisode complot –, pour une raison ou pour une autre et quelle que soit leur qualité intrinsèque. De manière assez évidente, les premières saisons sont peu représentées, à l’inverse des saisons 6 et 7, en force.

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Nous ne sommes pas seuls

S04E07 – L’Homme à la cigarette (Musing of a Cigarette-Smoking Man)

« I work very hard to keep any president from knowing I even exist. »

L’un des personnages les plus emblématiques des X-Files est sans conteste cet individu anonyme jamais désigné autrement que par son addiction : l’Homme à la cigarette (Cancer Man en VO). Rien d’étonnant à ce qu’un épisode lui soit entièrement consacré. Un épisode consistant uniquement en le compte rendu biographique que fait Frohike, l’un des trois Lone Gunmen, à Mulder et Scully. L’on apprend ainsi que l’Homme à la cigarette a trempé, de très, très près dans les assassinats de JFK et de Martin Luther King… Et qu’il tenterait, à ses heures perdues, d’entamer une carrière de romancier. Divisé en quatre chapitres, cet épisode montre différents moments-clés de la carrière de notre mystérieux bonhomme. En supposant que rien de tout ça ne soit un ramassis d’élucubrations. Après tout, ce fumeur complotiste est passé maître dans la dissimulation de ses traces, et on sait bien que la vérité est ailleurs… L’épisode n’en reste pas moins un très bon exercice de style, ponctué de clins d’œil. Compagnons de route, dans la saison 5, tente une approche semblable, centrée sur le père de Fox Mulder, mais avec un succès moindre.

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Nous ne sommes pas seuls

S05E05 – Prométhée post-moderne (The Post-Modern Prometheus)

« It’s alive. »

Dans la première image de cet épisode, un livre s’ouvre, à la manière des adaptations de contes par Disney. Mais il s’agit ici d’un comic book… Comme son titre l’indique de manière fort pertinente, ce Prométhée post-moderne réinterprète le mythe de Frankenstein au prisme des X-Files, avec un bonheur rare. Soit une petite ville de l’Indiana, où rôde un monstre biface : le Grand Mutato. Insaisissable, même si tout le monde l’a vu au moins une fois – même si certaines femmes prétendent avoir été engrossées par lui. Canular? Abduction extraterrestre ? Mulder et Scully mènent l’enquête une nouvelle fois.

Filmé en noir et blanc, Prométhée post-moderne rend hommage au séminal Frankenstein de James Whale, dont il pastiche le final. Sans oublier un clin d’œil à James Polidori, le médecin personnel de Lord Byron, à qui l’on doit la première histoire de vampire, « Le Vampire » (1819). L’horreur gothique britannique est hybridée ici avec cette aptitude propre aux USA d’avoir des villes peuplées d’hillybillies aux trognes inquiétantes. On pense également au gothique de Tim Burton ; la partition de Mark Snow rappelle ici volontiers les œuvres de Danny Elfman pour le réalisateur de Ed Wood. Sans oublier les chansons de Cher, autour desquelles s’articule l’épisode. Si on dénombre tout de même un mort dans l’intrigue, la tonalité demeure légère, proche du burlesque. Peut-on lui reprocher ses personnages caricaturaux ? Non : il s’agit d’une histoire digne d’un comic book, comme le précise la première image. L’ensemble forme une réjouissante rupture de ton et une indéniable réussite.

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Nous ne sommes pas seuls

S06E03 – Triangle (Triangle)

« I can't stay. I gotta get back to history. »

Le plan-séquence est un effet immersif, efficace, mais qui relève souvent de l’esbrouffe quand étendu à la durée d’un long-métrage – citons le récentBirdman en exemple. La saison 6 des X-Files est la plus riche en exercices de style/pastiches, et, après un deuxième épisode sous influenceSpeed (Poursuite), ce troisième, le bien nommé Triangle, lorgne du côté du huis-clos/plan-séquence d’Alfred Hitchcock, La Corde.

Quelque part dans le Triangle des Bermudes, Mulder est repêché à bord d’un navire, le Queen Anne… le 3 septembre 1939. Le navire vient d’être arraisonné par des Nazis, à la recherche du Marteau de Thor.. Non, pas ce marteau-ci, il s’agit d’un scientifique à même de construire une bombe atomique. Curieusement, bon nombre d’individus ressemblent aux contemporains de Mulder. Celui-ci parvient à sauver sa peau grâce à sa nationalité… et sa connaissance de l’histoire. Dans le même temps, Scully remue ciel et terre – la bureaucratie du FBI à tout le moins – pour retrouver son coéquipier.

Les trente premières minutes (séquence pré-générique et générique exclus) consistent donc en trois plans-séquences : deux à bord des entrailles du navire et un (excellent) dans le labyrinthe des bureaux du FBI. Un joli tour de force, rarement vu sur petit écran (même si, bon, ce sont de faux plans-séquences avec d’adroits raccords). Les dix dernières minutes rompent quelque peu ce principe, mais l’essentiel est là : sur une trame assez classique et pas dénuée d’approximations historiques, Chris Carter nous offre une leçon de réalisation, avec un épisode fluide (osons le terme : virtuose ?) et captivant. Pas un seul instant d’ennui dans Triangle et son aspect quasi-onirique. On pardonnera même à William B. Davis son piètre accent allemand.

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Nous ne sommes pas seuls

S06E06 – Les Amants maudits (How the Ghosts stole Christmas)

« Tell me you didn't call me out here on Christmas Eve to go ghost-busting with you. »

Après l’esbrouffe de Triangle, Les Amants maudits est un autre exercice de style sous contrainte. Non seulement on a là l’unique épisode des X-Files que l’on pourrait qualifier d’épisode de Noël, mais il s’agit d’un micro-budget. Ici : quatre acteurs en tout et pour tout, et une seule pièce pour l’essentiel du décor.

Adoncques, alors que tout le monde se prépare à réveillonner, voici Mulder qui convoque Scully le soir du 24 décembre afin d’explorer une maison réputée hantée. Naturellement, Scully ne croit pas aux fantômes et voudrait prouver à son coéquipier qu’il se trompe. Mais les deux agents sont confrontés à des phénomènes étranges dans le salon abandonné, dont le moindre n’est pas la découverte de leurs cadavres momifiés. Bientôt, les voilà séparés : c’est l’heure des rencontres avec les spectraux occupants des lieux… A moins que ?

En dépit d’une fin un brin convenue, épisode de Noël oblige, Les Amants maudits s’avère une nouvelle réussite, qui tire le meilleur de ses contraintes budgétaires. Reposant sur l’interprétation impeccable de ses acteurs et des dialogues, tout à la fois drôle et poignant, ce huis-clos met à jour les failles de nos deux agents et fait briller l’affection liant Mulder et Scully.

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Nous ne sommes pas seuls

S06E14 – Lundi (Monday)

« What are you doing here  ? – Havin' the best day of my life. »

Vivre, mourir, recommencer… Le culte Un jour sans fin a fait de nombreux émules – jusqu’au récent Edge of tomorrow. X-Files ne s’en est pas privé, avec ce Lundi — qui revendique cependant moins une filiation avec le classique de Harold Ramis qu’avec Shadow Play, un épisode de La Quatrième Dimension.

Ce lundi entre tous, la journée de Mulder débute fort mal : une petite catastrophe domestique l’amène à être retard au bureau et à devoir se rendre à la banque ; alors qu’il patiente dans la queue, un déséquilibré fait un braquage. Peu après, Scully débarque, à la recherche de son coéquipier. Dans l’échaufourée, Mulder est blessé par balles. Lorsque la police donne l’assaut, le braqueur fait exploser sa ceinture d’explosif.

Ce lundi, Fox Mulder commence bien mal sa journée : matelas à eau percé, panne de réveil, téléphone HS… Il doit endosser sa paye mais, alors qu’il fait la queue à la banque, un hold-up a lieu. A la recherche de son coéquipier, Scully pénètre dans la banque. Paniqué, le braqueur tire et blesse mortellement Mulder, avant de faire détonner sa ceinture d’explosif quand les forces de police donnent l’assaut.

Ce lundi… Seule Pam, la petite amie du braqueur, revit, inexplicablement, la même matinée, qui se termine toujours, quoi qu’elle fasse, par l’explosion de la banque. A moins que Mulder parvienne à se souvenir, d’une manière ou d’une autre, des événements…

La séquence pré-générique, qui se termine sur la mort de nos protagonistes, fait mouche. Jouant sur les micro-variations, le réalisateur Kim Manners réussit à éviter l’ennui sur le reste de l’épisode. Si les situations se ressemblent, scénario « death and retry » oblige, chaque séquence diffère par ses détails… jusqu’à ce que nos protagonistes parviennent à la résolution. Un épisode solide, qui mise sur l’aspect tragique de la boucle temporelle pour qui est forcé de la (re)vivre.

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Nous ne sommes pas seuls

S06E19 – Le Grand Jour (The Unnatural)

« Now what you fail to understand in your joyless myopia is that baseball is the key to life. »

Pas de contrainte, pas de pastiche dans cet épisode. La particularité qui lui vaut de figurer dans cette sélection est David Duchovny, son scénariste et réalisateur. Une première, pour l’interprète de Fox Mulder. Et une jolie réussite.

Arthur Dales, ancien agent du FBI aperçu dans Compagnons de route a un frère, également nommé Arthur Dales, qui lui aussi a des choses à raconter à Mulder. En 1947, officier de police à Roswell, Dales décide d’assurer la protection de Josh Exley, excellent joueur de baseball dont la couleur de peau ne sied malheureusement pas à tout le monde. Voyageant avec Exley, Dales se doute bientôt que le sportif, qui a tout pour monter en ligue mais ne fait rien pour, cache un secret…

Manière de conte de fées (car quel crédit apporter au récit d’Arthur Dales ?), Le Grand Jour se lie de manière lâche aux épisodes complots, mais compte surtout au rang des meilleurs de la saison 6 avec son humour et l’indéniable sympathie dont il fait preuve envers ses personnages. Cela, qu’on aime le baseball ou qu’on s’en désintéresse. C’est aussi l’occasion pour X-Files d’aborder la thématique du racisme et de la nature humaine : qu’est-ce qui nous rend humain ?

Au total, David Duchovny a participé au scénario d’une huintaine d’épisodes et en réalisé trois – notamment Hollywood (Hollywood AD), l’un des plus réussis d’une saison 7 au demeurant inégale. Dans celui-ci, tout commence avec un film… inspiré des aventures de Mulder et Scully ; l’action effectue un flashback de dix-huit mois, et nous montre un scénariste hollywoodien sur les talons de nos deux investigateurs du paranormal, qui enquête sur une explosion dans la crypte d’une cathédrale. Un épisode où la série se met en abîme, pour un résultat réjouissant et un final des plus réussis.

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Nous ne sommes pas seuls

S07E03 – App étit monstre (Hungry)

« But the hunger is always there. And it satisfies it any way it can.»

La quasi-totalité des épisodes de X-Files suivent un traitement similaires : on suit Mulder et Scully dans leur enquête. Un principe qui connaît quelques rares exception, dont le présent Appétit monstre. Ce qui lui vaut de figurer dans la présente sélection est sa narration, centrée sur le « monstre de la semaine ». En l’occurrence, un banal employé de fastfood. Banal, c’est vite dit : Robert Roberts (c’est son nom) a la fâcheuse tendance à aspirer la cervelle de son prochain, bien qu’il tente de maîtriser ses pulsions. Mais celles-ci deviennent incontrôlables, et les choses de partir en vrille lorsque deux agents du FBI enquêtent sur la disparition d’un client du fastfood.

Dans cet épisode, Mulder et Scully se voient réduits au rôle de personnags secondaires. Un changement de perspective bienvenu pour un portrait pas dénué de sensibilité. Rob Roberts se révèle un jeune homme bien plus sympathique que les autres « monstres de la semaine », Tooms, le flukeman ou autre être humain qu’une tare transforme en danger mortel pour ses pairs.

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Nous ne sommes pas seuls

S07E04 – Millennium

« They claimed I was an unfit father, obsessed with conspiracy and the end of the world. »

Y aurait-il un « carterverse », un univers dans lequel les différentes créations de Chris Carter coexistent ? Trois ans après le début de X-Files, le showrunner lançait MillenniuM, série consacrée aux enquêtes de Frank Black, un ancien agent du FBI doté de pouvoirs psychiques et opérant pour le compte d’une organisation occulte. Confronté d’abord à des tueurs en série, il prend conscience de l’émergence du Mal à l’approche du troisième millénaire. Au cours de la deuxième saison, on croise ainsi l’écrivain José Chung (Le Jugement dernier [Jose Chung’s Doomsday Defense]), déjà aperçu dans la troisième saison de X-Files. Et c’est au cours de la septième saison de X-Files que MillenniuM connaît un véritable dénouement, après son annulation au terme de sa troisième saison.

Fin décembre 1999. Mulder et Scully enquêtent sur des pillages de tombes—des tombes d’anciens agents du FBI ayant en commun de s’être suicidé. Il apparaît que ces désacralisations entretiennent un lien avec l’organisation Millennium, dont les buts sont rien moins que nébuleux ; nos deux agents de prendre alors contact avec Frank Black, qui vit reclus dans un hôpital psychiatrique…

Les angoisses millénaristes, voilà qui remonte à une autre époque – un autre siècle. Ce qui vaut à cet épisode sa présence dans cette sélection, c’est son statut de premier crossover des X-Files (en attendant N’abandonnez jamais [Jump the shark], qui lie le spin-off The Lone Gunmen à la série-mère). Néanmoins, Millennium risque fort de ne guère parler à ceux qui n’ont pas vu cette série-là – il s’agit rien de plus qu’un épisode mettant en scène des zombies un peu moches, avec un Frank Black faisant de la figuration. Ha, mais ce qui donne tout son intérêt à ce Millennium, c’est le baiser entre Mulder et Scully, instant longuement attendu (car non, celui de Triangle ne compte pas). Maigre consolation.

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Nous ne sommes pas seuls

S07E12 – Peur bleue (X-Cops)

« Mulder, have you noticed that we are on television? »

Depuis 1989, l’émission de télé-réalité Cops suit le quotidien de policiers en service, jusqu’à être devenu un élément incontournable du paysage télévisuel américain et une cible de pastiches, comme en témoigne X-Cops (titre plus cohérent que le titre français). Dans cet épisode, Mulder et Scully deviennent malgré eux protagonistes de l’émission lorsque leur enquête croise le chemin d’un adjoint du shériff du comté de Los Angeles. Quelque chose rôde dans les rues de la mégapole californienne, terrorisant les gens.

Mine de rien, X-Cops se révéle un épisode plus malin qu’il n’en a l’air, au-delà de son amusant détournement de Cops et de son aspect méta-narratif, poussant à s’interroger sur la nature des images montrées lors de telles émissions. D’abord rétifs à apparaître être filmés par les cameramen de Cops, nos deux agents se prêtent au jeu : pour Mulder, l’enjeu est de pouvoir montrer le surnaturel sur petit écran, si tant est qu’il mette la main sur l’éventuel monstre. Une rupture stylistique très réussie.

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Nous ne sommes pas seuls

S07E17 – Existences (all things)

« You come off so rational. But maybe you know less than you think. »

Existences sort du lot pour la même raison que Le Grand Jour, à savoir la personnalité de son réalisateur. Après Duchovny, c’est au tour de Gillian Anderson de passer derrière la caméra. Oh, accessoirement, c’est aussi le seul et unique épisode des X-Files écrit et dirigé par une femme (dans la saison 9, Michelle MacLaren n’a « que » réalisé Amnésie). En dépit d’une figure féminine aussi réussie que Dana Scully, on ne peut que regretter que l’équipe créative de la série n’ait pas fait preuve de davantage de mixité derrière la caméra.

Dans cet épisode, Mulder abandonne Scully pour aller guetter l’apparition d’agroglyphes en Angleterre. Restée à Washington, l’agente spéciale retrouve par un concours de circonstance un ancien petit ami, Waterston. Hospitalisé, celui-ci voit son état s’aggraver. Dans le même temps, Scully s’interroge sur les choix qui font une vie.

Existences se concentre essentiellement sur Dana Scully, personnage au background moins fouillé que Mulder, au travers d’une brève crise existentielle traversée par l’agente. Malheureusement, l’épisode peine à convaincre, sans se ranger toutefois dans la catégorie des pires moments de la série ou de cette inégale saison 7. Les portraits sont certes brossés avec sensibilité, mais on peut se montrer moins convaincu par le mysticisme empreignant l’épisode ni par les affèteries de la réalisation (ralentis, focus sur des détails insignifiants).

À noter que En Ami, quinzième épisode de cette même septième saison, a été écrit (mais pas réalisé) par William B. Davis – un épisode relié au complot, bien naturellement !

 

 

À suivre ?

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