Le maître du château : rencontre avec Stéphane Przybylski

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Le Château des millions d'années, premier volet de la tétralogie « Origines » est sorti voici tout juste une semaine. Nous en avons profité pour interroger son auteur, Stéphane Przybylski, et lui poser quelques questions sur ce projet à l'ampleur considérable — quarante ans d'histoire mondiale, vus sous l'angle du complot, des tranchées de Verdun jusqu'au cœur de la Guerre froide en passant par la Seconde Guerre mondiale, s'étalant sur quatre romans et près de trois millions de signes.

itw-przybylski-sp.jpgLa tétralogie « Origines » est un projet que tu portes en toi depuis longtemps. Quelle en a été la genèse ?

Au départ, c’était un court récit d’aventure rédigé lorsque j’avais quinze ans. On y trouvait déjà des espions nazis confrontés à des phénomènes paranormaux et des opérations en territoire ennemi pendant la Seconde Guerre mondiale. En 2007, je suis reparti de cette idée de base et j’ai construit une intrigue autour ; un univers où la psychologie des différents protagonistes, leur passé, et les liens qui les unissent aux faits et aux personnages historiques déterminent leur comportement dans l’intrigue.

Il y a quelque chose de wagnérien dans « Origines » : une tétralogie, un quatrième tome dont le titre de travail est Le Crépuscule des Dieux. Le Château des millions d’années serait ton Or du Rhin – ou plutôt du Petit Zab ?

Effectivement. Comme il s’agissait de parler de l’Allemagne nazie, évoquer le compositeur préféré de Hitler et l’univers mythologique des légendes germaniques allait de soi. Et puis le nom de Saxhäuser fait référence à l’opéra Tannhäuser, ce héros en quête de rédemption.

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Si Le Château des millions d’années est ton premier roman, tu as déjà publié quatre ouvrages d’histoire militaire. Que peux-tu nous en dire ?

chateau des millions ann√©es_carte irak.aiCes livres permettent au lecteur de se référer en permanence à des cartographies modernes pour comprendre ce qui se passe sur un champ de bataille. J’ai toujours aimé les cartes. Il y en aussi, d’ailleurs, dans le Château des millions d’années, sans doute parce que je veux qu’on puisse toujours visualiser l’endroit où se déroule l’action.

L’aspect historique du Château… est très méticuleux. Comment effectues-tu tes recherches ?

En me rendant dans les bibliothèques, les salles d’archives et sur le terrain. J’essaie de m’inspirer de lieux que j’ai visités pour situer les scènes-clés. Quand ce n’est pas possible de me rendre sur place, j’accumule les ouvrages sur la région (des textes datant des années trente ou quarante, bien sûr).

Quel endroit parmi ceux que tu as visités et inclus dans le livre t’a fait la plus forte impression ?

Sans doute l’île de Madère, que j’ai vue sous le soleil, et sous une tempête hivernale de fin du monde.

« Origines » brasse près d’un demi-siècle d’histoire du monde, des tranchées de Verdun au cœur de la guerre froide, fait preuve d’une grande rigueur tout en flirtant avec l’histoire secrète/conspirationniste, le tout avec une narration malléable qui mêle de nombreux flashbacks et flashforwards… Bref, quel est ton rapport à l’histoire – les faits comme la manière de les raconter ?

L’histoire est là pour rendre crédibles mes personnages, les ancrer dans le réel, leur époque, et les faire agir d’une manière logique ; selon qu’ils soient des officiers SS, des agents secrets du MI6 ou des archéologues nazis empêtrés dans l’idéologie et les crimes du IIIe Reich. D’où les flashbacks et flashforwards. Mais je m’appuie tout autant sur les zones d’ombres de cette époque : des Foo Fighters en passant par l’affaire de Roswell, jusqu’au projet Manhattan. Ceci afin d’imbriquer l’intrigue avec des événements qui se sont réellement produits.

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Le Château… évoque par moments la série X-Files aussi bien que Les Puissances de l’invisible de Tim Powers ou L’Atlantide de Pierre Benoit. Ces œuvres-là ont-elles été des sources d’inspiration pour toi ?

X-Files en est une, bien sûr, mais également les univers paranoïaques de 1984 d’Orwell ou bien encore l’œuvre de Ray Bradbury. De manière plus générale, tout ce qui touche à « une certaine vision de l’Amérique » (les zones d’ombres autour de la mort de JFK, l’espionnage au temps de la Guerre froide, les théories du complot) : de Rencontre du Troisième Type jusqu’à House of Cards.

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Penses-tu que la vérité soit ailleurs ?

Oui.

En prenant pour protagonistes deux gradés de la SS, aux convictions nazies incertaines, cherches-tu à montrer que les choses ne sont pas si manichéennes, par rapport à l’image que l’on a du IIIe Reich ?

Rien n’est jamais blanc ou noir, même si le IIIe Reich reste le mal absolu. Plus qu’une association de criminels souffrant de désordres psychiques, d’inadaptés sociaux et de psychopathes, c’est aussi une monstrueuse machine à tuer qui s’appuie sur l’administration et les rouages d’un État moderne. Comme dans 1984, j’essaie de dire comment un pays civilisé peut plonger dans la barbarie, le totalitarisme, et surtout comment ses habitants sont soudain amenés à renoncer à ce qu’ils ont été pour se livrer, corps et âmes, entre les mains d’un guide, d’un sauveur ou d’un homme providentiel. La réflexion dépasse largement le cadre du IIIe Reich pour s’intéresser à la question de la place de l’homme dans la société, face à ses semblables et ses gouvernants (comme dans le Prisonnier, de Patrick McGoohan). Partant de là, j’essaie de décrire aussi précisément que possible le cheminement de mes différents protagonistes, et ce qui les a amenés à devenir ce qu’ils sont sous la dictature de Hitler. Sont-ils « bons » ou « mauvais » ? Ce n’est pas à moi de dire si Blondin est « le Bon », Sentenza « la Brute » et Tuco « le Truand »…

Le deuxième volet d’« Origines », Le Marteau de Thor, est dans les tuyaux. Que peux-tu nous en dire ?

Que c’est dans ce second tome que se trouve la scène autour de laquelle j’ai construit la tétralogie, cette petite idée qui a germée lorsque j’avais quinze ans.

Et que le mystère s’épaissit…

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