Littérature enfance, jeunesse, Young Adult : la suite ! Au programme de ce deuxième billet, l'exploration de différents futurs. Il y en a pour tous les goûts : des futurs bétonnés, sombres, spatiaux, sauvages ou nihilistes…
Littérature enfance, jeunesse, Young Adult : la suite ! Au programme de ce deuxième billet, l'exploration de différents futurs. Il y en a pour tous les goûts : des futurs bétonnés, sombres, spatiaux, sauvages ou nihilistes…
En ce XXIIIe siècle, les hommes ne peuvent plus habiter sur la terre, devenue radioactive. Mais ils ne sont pas parvenus à dompter d’autres planètes, l’aventure spatiale ayant échoué. Ils ont donc dû construire des tours gigantesques afin de s’éloigner du sol trop dangereux : c’est le projet Babel. Bien évidemment, plus la place d’un individu dans la société est importante, plus il habite haut. Car dans cette société, les privilèges n’ont pas disparu et les plus pauvres ont toujours des conditions de vie déplorables, à l’inverse des plus favorisés. Comme les ambassadeurs, les consuls ou les sénateurs. Et justement, Titus Prime, le jeune narrateur de cette histoire, vient d’accéder au rang envié d’ambassadeur. À seulement 13 ans ! Hélas pour lui, le jour de son investiture, il est accusé du meurtre de son protecteur.
Et c’est parti pour une course-poursuite endiablée à travers les étages et même les différentes tours. Titus Prime va devoir découvrir la vérité s’il veut éviter la prison, voire plus. Car ses poursuivants ne semblent pas se soucier de sa survie. Mais son enquête n’en sera jamais réellement une. En effet, il n’aura jamais le temps de se poser et de tenter d’assembler les tenants et les aboutissants. Il va en effet, dès les premières pages, fuir les forces de l’ordre, dirigées par un cyborg monstrueux. Heureusement pour lui, il sera aidé par quelques personnes rencontrées sur son chemin et hostiles à l’ordre établi. Dont une jeune fille au sourire charmant, Rukia.
Autant le dire tout de suite, le scénario de La tour sans fin n’est pas d’une grande originalité : un jeune homme favorisé découvre la réalité du monde dans lequel il vit. Il prend conscience de la misère de la plus grande partie de la population et se promet d’y remédier en luttant contre le pouvoir en place. Mais Pascal Brissy sait s’emparer de son lecteur et ne plus le lâcher jusqu’à la dernière page. Un peu de mystère (car on a tout de même un meurtre sur les bras) et beaucoup d’action, menée avec brio. Un mélange efficace quand on sait manier les proportions. Et c’est le cas ici. De plus, le personnage principal n’est pas une simple potiche ballottée par les événements comme on peut trop souvent en rencontrer. Il reprend rapidement pied dans cette nouvelle réalité et se montre ainsi un narrateur séduisant. Un livre idéal pour réconcilier certains lecteurs occasionnels ou rétifs avec les romans.
M’martre, une cité en ruines où les clans s’affrontent pour survivre. Saru est un guerrier en devenir, dans l’ombre de son grand frère. Mais ce dernier atteint ses 6570 matins. Et comme pour tous ceux atteignant cet âge, l’heure a sonné : des maraudeurs, vastes araignées de métal, précédées de hurlements de sirène stridents, viennent l’enlever et l’emmènent avec eux à tout jamais. Au même moment, une capsule tombe du ciel. Saru se précipite et y découvre deux créatures recouvertes d’une armure. Il sauve l’une d’entre elles, fasciné par cet être mystérieux aux formes sensuelles. Et en la suivant, il va découvrir une réalité inimaginable jusqu’ici : son monde va éclater en morceaux et l’horreur de son destin va lui apparaître tout entière. Sera-t-il capable, avec sa fée tombée des étoiles, de changer le cours des choses ?
Roméo et Juliette dans les étoiles. Une société inégale et injuste. Deux êtres que tout oppose et qui se retrouvent victimes d’une passion physique torride. Union qui porte en germe un avenir plus humain, plus égalitaire. Le propos est beau, mais le traitement un peu simpliste parfois. L’histoire tient la route (même si elle a déjà été lue et relue), mais les personnages semblent parfois artificiels : par moments, la sauce ne prend pas. La fin est connue dès le début et les nombreuses (et parfois passionnantes) péripéties n’y font rien, on se sent laissé de côté par un récit trop insistant sur certains points, trop appuyé sur certaines cordes. À regarder d’un œil distrait…
En 2025, trois enfants se promènent dans la forêt. Plus précisément, ils pêchent. Mais, on le comprend vite, ils ne sont pas là pour le plaisir uniquement. Ils cherchent de quoi se nourrir. Car ces trois enfants vivent de façon permanente dans la forêt. Avec leurs parents. Mais ces derniers sont loin pour l’instant. Et par un enchainement de circonstances tragiques, le trio va finir entre les mains de braconniers de la pire espèce. On raconte, à leurs propos, des choses abominables : ils tuent et violent. Et ensuite, ils mangent les cadavres de leurs prisonniers. Les parents vont partir à la recherche de leurs fils et filles. Mais sont-ils de taille ? Et qui sont ces autres silhouettes mystérieuses tournant autour de ces personnages ? Et surtout, que s’est-il passé en France pour qu’une telle situation soit possible ?
Vincent Villeminot va nous le raconter, par petites touches, dans de courts chapitres aux histoires enchevêtrées, mêlées, avec intelligence et finesse. Le lecteur va découvrir progressivement le contexte social et politique, au centre du roman. Car Nous sommes l’étincelle, s’il est un récit prenant, aux personnages riches et attachants, dont le destin nous importe réellement et rapidement, est avant tout un texte politique. Une pierre dans le jardin de ceux qui s’interrogent sur le monde dans lequel nous vivons, sur la direction prise par nos sociétés, obsédées par le profit et la consommation. Ici, la jeunesse finit par se révolter et certains proposent une nouvelle voie. Pas nécessairement novatrice, mais sincère. Et cette alternative crée des tensions avec le reste de la population, des heurts, de la répression.
S’il s’était contenté de décrire cette idée de l’avenir, Vincent Villeminot aurait accouché d’un texte aride. Aussi, pour nous entraîner avec lui, et pour nous faire partager sa réflexion, nous proposer de ne pas rester indifférents aux liens affaiblis de notre société, à son manque de vision, il nous plonge dans la vie de certains protagonistes de cette révolte. Il nous la fait vivre de l’intérieur, de plusieurs points de vue, à travers plusieurs personnages forts. Sans nous forcer, en nous offrant au contraire plusieurs axes et plusieurs ressentis. Loin de tout manichéisme.
Nous sommes l’étincelle est un roman difficile à lâcher, et ce, dès les premières pages. Et c’est aussi un texte auquel on repense longtemps après l’avoir terminé et refermé, tant son propos est réfléchi et fait écho à notre présent, à nos questions et à nos peurs. Un vrai et bon récit de SF, quoi.
Rappelons que Vincent Villeminot a participé, avec Stéphane, à l’expérience littéraire U4 : 4 auteurs de haute volée (Yves Grevet, Florence Hinckel et Carole Trébor), 4 facettes d’un même monde à travers le parcours de 4 personnages. PKJ. vient de publier cette tétralogie en poche : l’occasion de découvrir, si ce n’est déjà fait, cette réussite.
Elizabeth Black est journaliste. Enfin, aimerait l’être. Mais en cette fin de XIXe siècle, à Londres, dans cette Angleterre toute corsetée par la bienséance et les règles strictes de vie, une jeune femme ne saurait ainsi accéder à un métier essentiellement masculin. Aussi, elle sert de nègre à un journaliste, autrefois talentueux, mais tombé dans l’alcool et la dépression. La vie n’est pas rose et Elizabeth passe ses meilleurs moments dans des livres. Le reste du temps, elle contemple son avenir avec une certaine détresse. Mais un soir, tout a changé. En suivant son ami journaliste, elle assiste à son assassinat. Elle devient aussitôt un témoin gênant. Elle est poursuivie par les meurtriers. Et, à son tour, est tuée. Son cadavre finit dans la Tamise. Fin de l’histoire ? Non, simple départ. Car Elizabeth ne franchit pas le Styx. Charon la repère et la renvoie parmi les vivants. Avec une mission : aider la grande faucheuse dans son œuvre. En effet, certains hommes tentent de passer entre les mailles de son filet. Et elle ne peut le tolérer. La voilà donc Revenante, membre de la cellule d’Angleterre, sous la direction de la rigide et directive Iseult.
L’idée est intéressante. Comment une femme, vivante encore quelques jours plus tôt, peut-elle aider la Mort à tuer d’autres humains ? Alors qu’elle n’apprécie pas particulièrement sa nouvelle existence pour laquelle on ne lui a rien demandé. Et qu’on ne lui a presque pas expliqué. Car Elizabeth se retrouve, comme le lecteur, précipitée dans une réalité bien différente de sa routine habituelle. Les priorités ont complètement changé : tout d’abord, il faut faire la morte, en tout cas vis-à-vis de ses anciens proches. Car si elle se retrouve bien dans sa propre ville, elle ne peut en aucun cas communiquer avec ses proches. Elle est donc obligée de se terrer loin de son ancienne vie. Ensuite, il lui faut comprendre ses nouvelles attributions. Or, cohabiter avec d’autres Revenants aux parcours pour le moins originaux, dont sa supérieure hiérarchique, coincée dans le corps d’une jeune fille, n’est vraiment pas facile. Bref, elle se doit d’apprendre un nouveau rôle, peu reluisant à première vue (elle doit trahir, en quelque sorte, les vivants) sans l’avoir choisi. Un avenir bien peu joyeux. Mais elle va s’adapter rapidement (enfin, il lui faudra presque un tome, L’ordre des revenants) et prendre la mesure de sa nouvelle tâche. Et c’est tant mieux, car le monde de la mort subit de terribles bouleversements. Et Elizabeth va se trouver impliquée dans ces changements violents.
Julien Hervieux (auteur du blog L’Odieux connard, tout de même) nous propose donc une trilogie (deux tomes parus) agréable à suivre. Mais il faut prendre patience, car le démarrage est un peu lent. Les personnages mettent du temps à se révéler et on peine, au début, à voir la direction suivie par l’écrivain. Cependant, quand tout est en place et quand l’action débute réellement, le récit devient prenant. D’ailleurs, on trouve peu de temps morts dans De vieux ennemis. En plus, dans ce deuxième tome, Julien Hervieux abandonne Londres (bien mise en valeur) pour Venise. Encore une ville chargée d’histoire, de mystère. D’accord, ce lieu a déjà été vu et revu des milliers de fois, dans des livres et des films, des séries et des documentaires, mais l’auteur sait l’intégrer avec justesse à son intrigue. Et ce voyage agrémente et augmente d’autant le plaisir ressenti à la lecture. En barque, donc, pour le rivage des morts.
Tom est perdu dans un épais brouillard, sans se rappeler comment il est arrivé là. Soudain, il est attaqué et poursuivi par Jack l’éventreur. Ce jeune Anglais d’une douzaine d’années, pourtant habitué à la vie dure de l’East End de Londres, prend la fuite devant cette vision de cauchemar. Sorti de ce nuage épais, il découvre un décor complètement différent du sien. Post-apocalyptique serait le meilleur qualificatif. Il sauve un vieil homme pas très net, qui discute en permanence avec un voisin invisible. Et qui tente de le tuer dans son sommeil. Il est sauvé par une bande de Sioux, arrivés fort à propos. Pas de plumes ni de tomahawk pour ces guerriers et guerrières, mais des calibres 7-65, des fusils d’assaut. Et aucune origine nord-américaine. Sioux est le nom pris par la résistance dans ce monde. Notre monde, en fait. Mais en 2051. Après l’invasion de la Terre par les Fomoré, des monstres, aussi bien physiquement (même s’ils peuvent prendre notre apparence) que mentalement : pour eux, les humains sont des esclaves, des animaux tout juste bons à être tués ou torturés, ou utilisés comme main d’œuvre corvéable à merci ; voire une source d’énergie : aspirer les sucs d’une femme ou d’un homme les galvanise. Grâce à un saut dans le temps (d’ailleurs, mieux vaut être concentré à la lecture de cette explication, heureusement reprise plusieurs fois dans le roman), ils ont pris le pouvoir sur notre planète. Et se battent entre eux pour le conserver. Une chance pour la résistance, qui profite de ces quelques failles pour obtenir de rares victoires.
Et Tom se retrouve embarqué dans une histoire terriblement différente de son quotidien. Mais une chose l’étonne : même s’il vient de 1897, il sait ce que sont des voitures, des armes de poing. Il est étonnement au fait des progrès de la technologie. Un mystère de plus à résoudre pour ce jeune garçon précipité tambour battant dans des intrigues et des aventures décoiffantes.
Nécropolis démarre sur des chapeaux de roues. Le lecteur a à peine le temps de découvrir le narrateur, il plonge dans l’inconnu. Il lui faut d’ailleurs une petite dose de patience pour appréhender l’organisation de cette société chaotique, divisée essentiellement en deux pour les humains : d’un côté les résistants (les Sioux) et de l’autre la Milice (tout est dans le nom), avec son cortège de cruauté et de personnages sans pitié. Et l’un d’entre eux, Speedball, est une réussite par son côté violent et sans scrupule. Mais on n’en reste pas à cette dichotomie simpliste. D’autres intervenants faussent le jeu, le perturbent, le complexifient, l’enrichissent. Il faut tout de même tenir trois tomes (car Totem Tom est un triptyque annoncé). Un certain Merlin, représentant d’une autre espèce, tente de revenir participer à cette lutte de pouvoir.
Patrick McSpare est un vieux routier de la littérature jeunesse et un touche-à-tout (scénariste et dessinateur de BD, par exemple). Il a écrit, entre autres, avec Olivier Peru, la remarquée série des Haut-Conteurs. Après la fantasy (médiévale), il plonge allègrement dans la « dark fantasy urbaine dystopique », pour reprendre les mots de l’éditeur. Avec un certain succès. Le rythme est soutenu, l’intrigue solide et les personnages assez consistants pour attirer notre sympathie ou notre dégoût. Malgré certaines facilités ou caricatures, l’ensemble mérite largement le détour et fait attendre avec impatience la suite. Une lecture tout à fait recommandable, un voyage à entamer sans hésiter.