2016, année olympique : voilà le prétexte parfait pour nous intéresser à un téléfilm méconnu datant de 1968, Year of the Sex Olympics : une sorte de lointain ancêtre de Black Mirror.
2016, année olympique : voilà le prétexte parfait pour nous intéresser à un téléfilm méconnu datant de 1968, Year of the Sex Olympics : une sorte de lointain ancêtre de Black Mirror.
2016, année olympique : voilà le prétexte parfait pour nous intéresser à un téléfilm méconnu datant de 1968, Year of the Sex Olympics (et tant pis si dans ce navrant Abécédaire, sur cinq billets « Y comme… », trois comportent le mot « year » : on fait ce que l’on peut avec ce que l’on trouve avec les lettres peu courantes).
« Sooner than you think… » est-il d’emblée annoncé.
Dans une Grande-Bretagne d’un avenir plus ou moins proche, les shows télévisés jouent un rôle majeur au sein d’une société divisée en deux : d’un côté, les « high-drives », 2% de la population dont le job consiste à produire des spectacles télé que regardent les 98% restants, les « low-drives ». Ces shows servent de catharsis à ces derniers afin de les expurger de toutes leurs tensions – la haine, l’amour, la guerre, mais aussi la faim et le sexe. Dans tel show, les participants se balancent de la bouffe à la figure ; dans tel autre, ils font des clowneries avec de la bouffe (le genre de truc qui ne fait plus rire passé le CE2) ; le sexe lui-même devient spectacle, sous différentes formes avec ces émissions que sont Sportsex et Artsex et ce mot d’ordre :
« Sex is not to do. Sex is to watch. »
Avec son collègue Lasar et la présentatrice Misch, Nat Mender travaille sous la direction du coordinateur Ugo Priest pour une émission consacrée au sexe : des couples y copulent en direct, dans le but de participer aux Jeux Olympiques du sexe. Mais les audiences baissent, et il faut y remédier. Les audiences ont pour jauge un rassemblement d’une vingtaine d’individus, dont les réactions servent de baromètre. Or, Nat a une idée, suite à la mort en direct d’un collègue souffrant de mal-être – une mort qui a suscité les rires du public-jauge. Son idée destinée à booster les audiences s’intitule : The Live-Life Show.
Avec une autre collègue, Deanie, et une orpheline, Keten, Nat Mender est parachuté sur une île au large de l’Angleterre, sans autre assistance qu’un magnétophone tout juste bon à donner quelques instructions de survie. La vraie-fausse famille se retrouve vite prise au dépourvu : comment faire du feu, où et comment trouver à manger ? Ils découvrent très rapidement qu’on leur a menti : ils ne sont pas seuls sur cette île. Il y vit une sorte de rustre et sa femme, près à aider ces nouveaux robinsons. Mais les choses ne se passent pas très bien, et de l’autre côté de l’écran, l’ancien collègue de Nat triomphe… Hé, ça fait de l’audimat et le public-cible s’amuse.
Year of the Sex Olympics s’inscrit dans la série télévisée britannique Theatre 625 (dont le nom provient des caractéristiques du format vidéo PAL), riche de 110 épisodes (mais hélas près de la moitié sont perdus), dont il est l’avant-dernier. Au sein de cet ensemble, la science-fiction apparaît à quelques reprises sous l’influence du scénariste Nigel Kneale. Outre ce Year…, on lui doit au sein de Theatre 625 une adaptation de 1984 (The World of George Orwell: 1984, en 1965, réadaptation d’une précédente adaptation de 1954 par le même Kneale). Il est aussi le créateur de Quatermass, à la fois une série de films et de séries TV mettant en scène le physcien Bernard Quatermass. Plutôt méconnu de nos jours (dans son hommage lors du décès de Kneale, le scénariste Mark Gatiss ( Doctor Who, Sherlock entre autres) suppose que la compromission de Kneale avec la SF est responsable de cet oubli.
Year of the Sex Olympics possède un titre bien mal choisi et plutôt racoleur : on verra quelques couples habillés faire du frotti-frotta et c’est tout (à peine entraperçoit-on vite fait l’ombre d’un téton un peu plus loin). De fait, les Jeux Olympiques du sexe ne sont clairement pas l’enjeu du téléfilm. Celui-ci se situe dans la dénonciation du média télévisé, plus préoccupé par ses audiences que par l’éthique des spectacles proposés, quitte à décérébrer des publics qui semblent n’en demander pas moins.
En dépit d’idées au caractère précurseur, Year of the Sex Olympics peine à passionner dans un premier temps, et ce n’est pas le jeu des acteurs qui emporte le morceau. De fait, il faut bien attendre la moitié du téléfilm pour que l’action débute enfin, lorsque Nat Mender propose son idée. Après une première partie relativement ennuyeuse, la seconde surprend par sa sèche brutalité et parvient davantage à tenir en haleine. Pas que les images soient violentes en elles-mêmes (les scènes dites « graphiques » ont lieu hors-champ), mais les idées le sont. L’habillage musical a disparu : ne reste que le souffle omniprésent du vent. Impossible de ne pas penser à une version survivaliste du Truman Show.
Comme dans bon nombre d’œuvres de l’époque, la vision du futur a considérablement vieillie. Les personnages portent des costumes atroces (robes aux tenues promptes à faire saigner les yeux, heureusement que c’est en noir et blanc), s’alimentent dans de micro-biberons, parce que, bon, c ’est le futur. Ça, c’est la partie kitsch, et heureusement Year… ne consiste pas que en cela. Plus intéressante est bien sûr la partie visionnaire : la téléréalité et son essor ; les gens de ce futur usant d’une langue amoindrie (il n’y a plus de mot pour « tuer »), sachant encore à peine lire, et tellement abrutis qu’ils préfèrent tout laisser aux mains des autres – le sexe, c’est regarder, même les échecs sont joués par une machine.
Mine de rien, Year of the Sex Olympics apparaît comme un lointain précurseur d’une série telle que Black Mirror. Une même économie de moyens, une même réflexion sur les tendances sociétales, avec une poignée d’éléments un brin exagérés… et une certaine acuité, en dépit des gros sabots chaussés par les scénaristes. Une curiosité désuette.
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