Où Francis Valéry se retrouve contraint à quelques heures de repos forcé, l'occasion pour lui de lire Electrosound, recueil d'articles paru à l'occasion de l'exposition éponyme qui a lieu récemment à la Fondation EDF…
Où Francis Valéry se retrouve contraint à quelques heures de repos forcé, l'occasion pour lui de lire Electrosound, recueil d'articles paru à l'occasion de l'exposition éponyme qui a lieu récemment à la Fondation EDF…
Le froid s’est abattu sans crier gare et le temps a viré à l’humidité. Mes vieux os n’ont que fort peu apprécié ce changement un rien brutal. Cela fait maintenant plusieurs dizaines d’années que, de temps en temps, mes vertèbres lombaires me jouent des tours – j’ai remarqué que le froid et l’humidité sont parmi les facteurs déclencheurs. Par ailleurs, je n’aurais sans doute pas du m’engager, seul, dans la reconstruction du toit de l’avancée, au-dessus de la porte de ma cuisine – et encore moins jouer au jeune homme en hissant à bout de bras les grandes plaques de couverture que j’ai fabriquées avec des lattes de plancher jointives. Tout cela pour dire que cela fait désormais deux semaines que j’ai des douleurs assez présentes dans le bas du dos, au point de ne pouvoir à certains moments ne serait-ce que marcher. Je consomme donc une bonne dose d’anti-inflammatoires, ce qui me permet de tenir le coup en me ménageant (enfin… en essayant de me ménager), le temps que ça s’arrange un peu et que je puisse aller passer des radios. Rien de plus banal ! Si ce n’est que je n’aime guère l’idée de croquer encore plus de médicaments, de devoir enclencher la petite vitesse et de voir les choses en retard s’accumuler… alors que les projets jouent des épaules et se bousculent pour attirer mon attention !
Du coup, je n’ai pas tout à fait terminé l’avancée de toiture et je n’ai pas eu le temps de passer la tondeuse une dernière fois avant l’installation durable de la froidure ! Détails, me direz-vous. Ce n’est pas faux. Il y a plus important dans la vie que de s’efforcer de maintenir un devant de porte pas trop encombré par les herbes folles. Je me plains… mais pour tout dire, j’ai passé une bonne partie de ces heures de repos forcé à lire, ce qui ne m’était pas arrivé depuis bien longtemps.
Ainsi ai-je dévoré Electrosound : un recueil d’articles dirigé par Jean-Yves Leloup, constituant le catalogue (plus de deux cents pages) de l’exposition du même nom, qui s’est tenue à l’Espace Fondation EDF, du 25 mai au 2 octobre dernier. L’ouvrage présente quelques articles historiques et des encarts consacrés à des instruments et dispositifs, trois entretiens avec Jean-Michel Jarre, Ralf Hütter (co-fondateur de Kraftwerk) et François Pachet (directeur du Sony Computer Science Laboratory), ainsi que des réflexions sur l’avenir de la musique électronique. L’ensemble m’a semblé assez bien équilibré entre une approche didactique s’adressant au grand public et des réflexions plus pointues qui ne manqueront pas de titiller ceux qui, aujourd’hui, travaillent au sein de ce vaste domaine. L’article de Roland Cahen, titré « Nouvelles extensions du domaine instrumental », est particulièrement intéressant. On y lit par exemple des réflexions comme celle-ci :
« La spatialisation des musiques électroacoustiques est devenue un enjeu en soi. Aujourd’hui, le concert est sonorisé en multicanal, grâce à des systèmes de spatialisation, des effets sonores de position, de trajectoires, et d’animation des sources. Si les nombreux procédés développés à ce jour ont montré leurs limites, les meilleurs actuellement sont l’Ambisonic et la WFS qui permettent de spatialiser de manière précise la perception des sons parmi le public, et de créer chez chacun des spectateurs une illusion identique quant à la position du son dans l’espace d’écoute. Ces outils ouvrent vers de nouveaux modèles musicaux comme la musique cinétique dans laquelle le mouvement du son devient alors partie intégrante de la composition musicale. Il ne suffit plus de donner des impressions d’immersion, de balader le son ou de faire de jolies bascules entre des plans, mais d’animer l’espace musical comme une nouvelle dimensions expressive de la composition musicale et de l’orchestration. »
C’est la première fois que je vois exprimé de manière aussi claire, pertinente, évidente, ce que je ressens moi-même et ce vers quoi je tente de me rapprocher, avec mes modeste compétences – et en utilisant un empilement d’amplis stéréo pilotant, deux par deux ou quatre par quatre, plusieurs dizaines d’enceintes acoustiques disposées dans ma « pièce à musique » ! Je suis bien conscient des limites du procédé : la musique composée et mixée dans un acousmonium ne peut être correctement ressentie que par un très petit nombre d’auditeurs en même temps, installés aussi près que possible de l’endroit précis où se tenait le compositeur ; la musique cinétique ne pourra se populariser que si on peut la donner à entendre à un nombre plus important d’auditeurs et dans une salle de concert : d’où la nécessité, comme le souligne Roland Cahen, de « créer chez chacun des spectateurs une illusion identique quant à la position du son dans l’espace ». Sans doute que seule l’informatique peut concourir à cette création.
Côté jardin, voici venu le moment où l’écorce des troncs d’eucalyptus se détache en fragments de toutes tailles et formes et où les dernières tomates immatures s’apprêtent à être transformées en confiture de tomates vertes – expression qui ne manque jamais de me faire penser au magnifique film réalisé en 1991 par Jon Avnet : Beignets de tomates vertes.