Où l'on s'intéresse à Retour à zéro, l'adaptation en bande dessinée du tout premier roman de Stefan Wul par Thierry Smolderen et Laurent Bourlaud, et à sa superbe esthétique rétro-futuriste…
Où l'on s'intéresse à Retour à zéro, l'adaptation en bande dessinée du tout premier roman de Stefan Wul par Thierry Smolderen et Laurent Bourlaud, et à sa superbe esthétique rétro-futuriste…
À l’automne 2012, les éditions Ankama ont eu la bonne idée de lancer les adaptations en bandes dessinées des romans de Stefan Wul : Niourk , Piège sur Zarkass, La Peur géante… Adaptations en deux ou trois volumes des romans, faisant appel à des scénaristes et dessinateurs différents pour chaque œuvre adaptée : citons Olivier Vatine, J.-D. Morvan ou Valérie Mangin.
Et en janvier 2015 est paru Retour à Zéro, album qui mérite une attention toute particulière à plusieurs titres. D’une part, il s’agit là d’un one-shot, ce qui tranche au sein de cet ensemble d’adaptations, qui fonctionnent pour la plupart en diptyques ou triptyques. D’autre part, Retour à « 0 » (oui, la graphie du titre change suivant le support) n’est autre que le tout premier roman de Stefan Wul, écrit après une boutade du genre « mais je peux faire mieux que ce bouquin de SF tout nul que ma femme vient de lire ». Enfin et surtout, le scénario de l’adaptation est signé Thierry Smolderen, à qui l’on doit une très intéressante monographie sur les origines de la BD : Naissances de la Bande Dessinée, et avec Alexandre Clérisse, l’excellent Souvenirs de l’Empire de l’atome, roman graphique se caractérisant par son esthétique 50s. Une valeur sûre, c’est peu de le dire. Et Retour à Zéro, quoique avec un dessinateur différent — Laurent Bourlaud —, poursuit dans cette même voie entamée par Souvenirs de l’Empire de l’atome.
L’histoire est celle de Jâ Benal, individu condamné à l’exil sur la Lune pour avoir censément provoqué une explosion dévastatrice sur Terre. Depuis plusieurs siècles, une colonie humaine existe sur le satellite de la Terre, mais vit en autarcie : cela fait longtemps que les communications sont coupées entre les deux astres. La seule forme d’échange consiste en l’expédition des criminels. En réalité, Benal est un espion, dont la mission consiste à enquêter sur les intentions belliqueuses des lunaires… et si possible éviter la guerre.
La BD se conclut par une postface éclairante des auteurs, où sont explicités les références et le choix de Smolderen et Bourlaud de tirer parti du caractère désordonné du roman. De fait, écrit par Wul au fil de la plume, celui-ci part volontiers dans tous les sens.
Graphiquement, Retour à zéro fait la part belle à une esthétique rétro dans les décors et le dessin des personnages. Un trait relativement naïf, au crayon gris (je suppose), contrebalancé par des compositions de pages travaillées.
Comme les auteurs l’indiquent dans leur postface, le roman de Stefan Wul s’inspire des textes de science-fiction des années 20 ou 30. Chose qui s’en ressent dans l’adaptation. Au travers des pages, l’on trouve ainsi des références à Marcel Duchamp, avec son « Nu descendant l’escalier », ou à Oskar Schlemmer, professeur du Bauhaus, créateur des ballets triadiques. L’esthétique globale emprunte au cubisme, avec des réminiscences de Fernand Léger dans le traitement des ombrages.
La palette colorée de la BD se restreint à une demi-douzaine de teintes, avec leurs nuances. Le choix des couleurs se révèle significatif : la Terre est bicolore (rouge et écru), terne. Quant à la Lune, elle comporte davantage de tons, qui varient suivant les lieux. Si le gris domine, l’on a aussi du jaune, du rouge et du bleu (avec un peu de vert et de rose). Enfin (attention spoiler), la Terre d’après l’apocalypse reprend l’ensemble des couleurs de la palette.
Retour à « 0 » , premier roman de Stefan Wul, reste loin d’être son œuvre la plus marquante – on y préfèrera son deuxième texte, le fameux Niourk. Il n’empêche : cette adaptation en bande dessinée lui rend un bien bel hommage, intelligent et respectueux.
Dans une interview donnée à BDzoom, Thierry Smolderen et Laurent Bourlaud ont annoncé leur intention de poursuivre leur collaboration, cette fois sur un scénario original mais également orienté rétro-SF. On a hâte.
Introuvable : non
Illisible : non
Inoubliable : oui