Où l'on poursuit, après Kiddie et Pink Flamingos, notre exploration du cinéma improbable de John Waters, avec son premier long-métrage axé grand public, présenté en odorama : Polyester… Tout est possible !
Où l'on poursuit, après Kiddie et Pink Flamingos, notre exploration du cinéma improbable de John Waters, avec son premier long-métrage axé grand public, présenté en odorama : Polyester… Tout est possible !
Polyester (1981) représente la huitième et avant-dernière collaboration entre John Waters et Divine, après le crade Mondo Trasho et le culte & non moins crade Pink Flamingos, et avant le plus accessible Hairspray.
Polyester débute par une séquence où un certain Docteur Quackenshaw explique le principe de sa révolutionnaire invention, l’odorama. Car Polyester est en odorama : avant la séance est remise à chaque spectateur du film une plaquette comportant dix pastilles, à gratter au moment opportun afin de libérer l’effluve et d’illustrer olfactivement ce que sentent les personnages. Quackenshaw, donc, invite ainsi les spectateurs à gratter le numéro 1 et sentir la rose que lui-même vient de humer.
Place à l’histoire : Francine Fishpaw (patte de poisson) est une Américaine normale, bon chrétienne, un peu (beaucoup) enrobée, au nez sensible, qui a le malheur d’être affligée d’une famille peu commune. Son mari Elmer, qui tient l’unique cinéma porno de la ville, est un connard invétéré qui la trompe avec (c’est si commun) sa secrétaire ; sa fille Lu-Lu traverse sa crise d’adolescence, ce qui l’amène à se trémousser en permanence et à sortir, malgré l’interdiction parentale, avec Bo-Bo, petite frappe locale ; quant à son fils Dexter, fétichiste des pieds, il est le terrible Écraseur de pieds qui terrorise la ville ; sa mère n’a de cesse de l’humilier tout en vivant à ses dépens. Heureusement que Francine peut compter sur sa bonne amie Cuddles. Lorsque Elmer la quitte pour sa secrétaire et se met à la harceler, que Lu-Lu annonce être enceinte des œuvres de Bo-Bo mais souhaite d’avorter, que Dexter est appréhendé par la police, Francine finit par craquer et sombre dans l’alcoolisme le plus débilitant. C’est alors qu’elle rencontre le beau Todd Tomorrow, véritable playboy, qui semble sincèrement épris d’elle… Mais n’est-ce pas trop beau ?
Le cinéma de John Waters a quelque chose de curieux, qui ne laisse pas de fasciner votre serviteur. Pas que ses films soient pourtant intrinsèquement formidables. Polyester continue la mue amorcée quelques films plus tôt vers un cinéma axé davantage vers le grand public, sans que Waters ne renonce au passé pour autant. Preuve de cette évolution, Polyester est son premier long-métrage à bénéficier d’un classement R (« restricted » selon la Motion Picture Association of America, à savoir : les moins de 17 ans doivent être accompagnés), ce qui changeait des habituels NC ou X que collectionnait Waters… De fait, Polyester s’avère étonnamment soft.
Le film fait appel à la troupe habituelle de Waters : Divine dans le rôle de Francine, l’inénarrable Edith Massey (l’Egg-Lady de Pink Flamingos, c’est elle) dans celui de Cuddles, et dans un second rôle, Mink Stole ; le vétéran Tab Hunter les rejoint – et il collaborera une seconde fois avec Divine dans le western parodique Lust in the dust (sur lequel on reviendra sûrement). Enfin, un jeune Michael Kamen compose la partition musicale.
Film curieux : hormis Divine, dont le jeu est au-delà du bien et du mal (divin, en somme) et Tab Hunter, les acteurs ont tendance à en faire des tonnes, sûrement à cause d’un script posant des personnages over the top. Quoiqu’Edith Massey demeure égale à elle-même dans sa manière surréaliste de jouer. L’histoire est caricaturale, fait la part belle à un humour pas très léger, mais en définitive on ne sait jamais trop si c’est du lard ou du cochon.
Et il y a l’odorama donc, prétexte amusant au film. Francine Fishpaw passe une partie du film à humer bruyamment l’air – occasion pour le spectateur de gratter sa carte (ou pas) pour sentir parfums de rose, pizza, chaussures, pets…
Le cinéma a régulièrement voulu s’affranchir de ses deux dimensions. En témoigne la mode de la 3D, qui remonte aux tout débuts de ce médium et qui revient au fil des décennies : le premier film en 3D, The Power of Love, date de 1922… Et quand la 3D n’a plus suffi, la 4D est intervenue. La plupart du temps, la 4D – qui n’a pas de définition officielle – consiste en des effets physiques ayant lieu dans la salle (mouvement des sièges par exemple). La diffusion d’odeurs forme aussi l’un des avatars de cette quatrième dimension, et a adopté plusieurs noms au fil des procédés : Smell-O-Vision (dans Scent of Mystery, 1960) ou Odorama dans le présent Polyester. Un gadget, mais qui est devenu indissociable du film de Waters, au point que les rééditions DVD comportent même un jeu de deux cartes Odorama. Lors de sa rediffusion au studio Galande à Paris en février, ces mêmes cartes étaient également fournies. Un plaisir ! (Mais oui…)
Introuvable : non
Irregardable : non
Inoubliable : oui