Pour changer de décor, les auteurs de science-fiction placent parfois leurs intrigues dans un univers légèrement différent du
nôtre, situé à « côté », dans un ailleurs indescriptible. Ces mondes parallèles sont
généralement inaccessibles, soit qu’ils soient séparés physiquement de notre univers, tout en appartenant au même
espace-temps, soit qu’ils se situent dans d’autres dimensions spatiales, postulées pour la cause et différentes de celles de
notre Monde. Avec la physique moderne, le concept d’univers parallèle a cessé d’appartenir exclusivement au domaine de
l’imaginaire pour faire irruption dans le domaine scientifique. Dans quel univers vivons-nous ? Quelles sont les dernières
constructions théoriques imaginées par les physiciens ? Ces dernières années ont vu surgir une foule d’hypothèses
et de modèles plus ou moins plausibles, comme autant de virtualités. Avant d’exposer ces théories étonnantes, commençons
par ce que nous aimons tous.

Les univers de la SF
Le premier type d’univers parallèle rencontré en science-fiction est celui qui coexiste avec le nôtre, sans entretenir le moindre
contact avec lui. Il possède la même structure géométrique, en particulier le même nombre de dimensions, et il est presque
toujours habité. Le héros se trouve projeté dans un de ces univers parallèles via une « fracture de
l’espace-temps », ou l’ouverture d’une « porte spatio-temporelle ». De nombreuses méthodes ont
été envisagées pour réaliser ce passage : cela va de l’explosion d’une bombe (L’univers en folie de
Fredric Brown) à l’utilisation d’un objet (la trompe que reçoit le héros dans Le faiseur d’univers
de Philip José Farmer) en passant par la concentration mentale (Chaîne autour du Soleil de Clifford D. Simak).
La coexistence d’univers parallèles peut aussi se faire en les emboîtant les uns dans les autres, à la manière des
poupées gigognes. Cette idée traduit un thème récurrent depuis l’Antiquité : l’identité de structure
entre l’infiniment petit du microcosme et l’infiniment grand du macrocosme. Elle conduit à l’idée que l’univers se
répète à toutes les échelles de taille ; un univers fractal dans le langage scientifique moderne. C’est
l’idée que l’on retrouve dans L’homme qui rétrécit, de Richard Matheson, où le héros dont la taille
se réduit en permanence découvre un autre univers. À l’inverse, certains auteurs suggèrent que notre galaxie est une
molécule infime d’un super-univers beaucoup plus vaste que celui que nous connaissons.
Les univers parallèles peuvent aussi adopter une forme radicalement différente du nôtre. Dans ce cas, c’est la structure la plus
profonde de l’espace qui est affectée : sa géométrie (essentiellement le nombre de ses dimensions spatiales) ainsi que sa
topologie (sa forme globale) peuvent être modifiées. Certains espaces imaginés par les auteurs de science-fiction (ainsi que par les
mathématiciens !) ont des propriétés étranges : dans ses textes Les montagnes hallucinées et L’appel de Cthulhu, Howard P. Lovecraft décrit des cités étranges avec des géométries démentes,
constituant cet « autre côté » dans lequel bascule le héros. Dans La maison biscornue de Robert Heinlein,
un architecte entreprend de construire une maison qui serait la projection à trois dimensions d’un hypercube à quatre dimensions. Du
côté des dimensions spatiales variables, Flatland de Edwin Abbott reste un classique incontournable ; on y découvre les
mémoires d’un carré appartenant au Pays Plat, confronté à des êtres de dimension inférieure, comme la Ligne, et
supérieure comme la Sphère. Nous y reviendrons plus en détail dans le chapitre suivant. Dans Ortog et les Ténèbres,
Kurt Steiner explore l’univers de la mort et aboutit à un univers ayant quatre dimensions spatiales, peuplé d’êtres ayant
acquis cette dimension supplémentaire lors de la mort d’être à trois dimensions. Dans ce cadre un peu spéculatif, on peut
bâtir une élégante théorie des fantômes : il s’agit de la manifestation tridimensionnelle d’êtres ayant
quatre dimensions spatiales (en langage mathématique un fantôme serait donc l’intersection de notre espace tridimensionnel avec un
être quadridimensionnel ; il disparaît à nos yeux quand l’être ne coupe plus notre espace). On le voit, le choix
proposé par les auteurs de science-fiction est large. La physique est-elle aussi féconde en idées ? Mais d’abord, voyons ce
que l’on peut entendre en parlant d’univers.

Qu’est ce que l’univers ?
Excellente (et difficile) question ! Je me remercie de l’avoir posée. Quand les astrophysiciens parlent
d’« univers » ils pensent d’abord à « l’univers observable », celui auquel ils
accèdent grâce à leurs instruments. La qualité de ceux-ci augmentant sans cesse, le volume d’espace directement accessible a
considérablement augmenté depuis que les premiers Hommes ont levé les yeux vers le ciel. Considérant que la lumière se propage
à vitesse finie (300 000 kilomètres par seconde) et depuis un temps fini (environ 13,7 milliards d’années) nous sommes
de toute façon contraints d’admettre qu’il existe une limite ultime, au-delà de laquelle notre regard ne peut porter puisque la
lumière qui en est émise n’a pas encore eu le temps de nous parvenir. Pour vous rassurer, notez que cet horizon cosmologique recule
d’un jour-lumière chaque jour : la taille de l’univers observable augmente à chaque instant ! Dans ce cadre,
l’univers est l’ensemble de tout ce qu’on voit et les univers parallèles n’ont guère de place. S’ils sont en
rapport avec nous, de manière directe ou indirecte, ils font partie de notre univers et doivent perdre le qualificatif
« parallèles ». Si nous ne pouvons pas les observer, c’est-à-dire si nous ne pouvons par interagir avec eux, on
peut en parler sans craindre d’être réfutés. Mais alors le discours à leur sujet n’a aucun caractère scientifique
et sort du champ de la physique ; « Ce dont on ne peut parler, il faut le taire » écrivait Ludwig Wittgentstein.
En parlant d’univers, les astrophysiciens pensent aussi aux « univers modèles », issus de leurs calculs
mathématiques, qui doivent donner une description correcte de l’univers observable ; c’est même le critère que doit
impérativement satisfaire un modèle pour être acceptable. Capables de rendre compte de nos observations dans la zone limitée qui
nous est accessible, ces modèles décrivent aussi des régions qui nous sont invisibles. Supposons, par exemple, que l’univers
observable soit décrit de façon satisfaisante par un espace mathématique dont la géométrie est euclidienne, comme celle que
nous avons apprise à l’école. Prenant appui sur la qualité de cette description, ces propriétés géométriques
peuvent être extrapolées pour affirmer que « l’univers réel », assimilé au modèle validé
localement, est forcément infini puisqu’il nous semble qu’un espace euclidien l’est forcément. On en arrive donc à
parler de régions situées infiniment loin bien qu’elles n’aient pas été observées directement. Il s’agit
bien là de la conséquence d’un modèle localement satisfaisant et non d’un fait d’observation. Si l’on n’y
prend garde, le modèle, et ses conséquences, peuvent acquérir la même force que les observations à partir desquelles il fut
élaboré. Extrapoler globalement des connaissances acquises localement peut réserver quelques surprises. Par exemple, les astrophysiciens
considèrent communément que l’univers réel, imaginé à partir d’un modèle qui ne décrit correctement que
l’univers observable, est forcément plus vaste que ce dernier. Mais un être hypothétique évoluant à la surface
d’un tore (surface d’une chambre à air de bicyclette), dont la géométrie est euclidienne, aurait l’illusion de vivre
à la surface d’un plan infini puisque aucun bord, aucune limite, ne vient limiter ses déplacements. Il en conclurait certainement que
son univers observable est infini alors que son univers réel est fini. Spectaculaire renversement de situation. La cosmologie devrait donc tenir
compte des univers modèles, munis de topologie étrange pour notre intuition commune, où c’est au contraire l’univers
observable qui est plus grand que l’univers réel.
Pour unifier univers modèles et univers observable, il suffit de définir l’univers comme l’ensemble de tous les
événements de l’espace-temps, que nous observons depuis une position spatio-temporelle bien précise, « ici et
maintenant », ce qui limite la région qui nous est directement accessible. Cette difficulté, propre à la cosmologie, n’a
pas empêché les astrophysiciens de parler de l’univers, bien que certains s’interrogent sur la validité de cette
prétention.

Les univers bulles
Dans les années 1950, le physicien George Gamow développe un modèle décrivant les premières phases de l’évolution
de notre univers. Prenant appui sur l’expansion de l’espace, découverte par Edwin Hubble en 1929, il propose que l’univers ait
connu, dans son passé lointain, une période où il était plus dense et plus chaud que maintenant. Cette hypothèse fut
confirmée en 1965 par la découverte d’un rayonnement à environ 3 Kelvins (environ –270 °C) émanant de
toutes les directions du ciel, trace d’un passé où la température était de l’ordre de 3 000 Kelvins. D’un
coup, les modèles de big-bang prirent de l’épaisseur. Remontant encore le temps, les physiciens calculèrent ensuite les
proportions de divers éléments synthétisés par fusion nucléaire, comme le lithium, le béryllium, le bore et
l’hélium, quand la température dépassait dix milliards de Kelvins. Leurs prédictions, en accord remarquable avec les mesures
de ces proportions, donnèrent encore plus de poids aux modèles de big-bang. Les cosmologistes remarquèrent pourtant qu’ils
persistaient des problèmes dans leur description. Par exemple, pourquoi l’univers semble-t-il si homogène alors que certaines de ces
parties n’ont pas pu être en contact causal dans le passé ? Pourquoi la géométrie de l’espace semble-t-elle si
plate ? Quelle est la cause de l’expansion ?
Les astrophysiciens trouvèrent un moyen d’y répondre en se fondant sur la physique des particules élémentaires, dont les
succès étaient déjà très importants. Je vais donc vous emmener dans un bref détour dans ce royaume, en particulier dans
la théorie unifiée de l’interaction électromagnétique (qui se traduit par une force agissant entre deux charges
électriques) et de l’interaction faible (qui est, par exemple, responsable de la désintégration du neutron, qui se transforme
spontanément en un proton en émettant un électron et un anti-neutrino). Dans la description moderne, ces deux interaction
s’expriment par l’intermédiaire de particules. Le photon est le médiateur de l’interaction électromagnétique, les
particules W et Z sont ceux de l’interaction faible. Alors que le photon est de masse nulle, le W et le Z sont très massifs. Pour unifier la
description de ces deux interactions malgré cette différence, les physiciens invoquent un « champ scalaire » (il
s’agit un simple nombre dont la valeur dépend de l’espace et du temps ; par exemple, la température dans une pièce est
un champ scalaire.). Il remplit l’espace et marque sa présence en affectant les propriétés des particules élémentaires.
Ce champ scalaire interagit avec le W ou le Z, ce qui leur confère une masse ; le photon reste de masse nulle car il n’interagit pas
avec lui.
Prenons donc ce champ scalaire et imaginons qu’il puisse avoir deux états selon la densité d’énergie (quantité
d’énergie par unité de volume) : un état particulier H (du nom du physicien écossais Peter Higgs qui suggéra cette
possibilité ; on le nomme souvent « faux vide ») et un état normal N (par opposition, le « vrai
vide »), que l’on rencontre dans notre espace usuel. Nous vivons dans un espace où le champ est de type N et n’avons aucune
expérience directe d’un espace où il serait sous la forme H ; des expériences récentes de physique des particules
suggèrent que l’on peut convertir une zone d’espace normal en une zone d’espace H en y injectant suffisamment
d’énergie. Dans un espace de type N, les interactions électromagnétique et nucléaire faible sont séparées :
elles ont des intensités et des portées différentes. Dans un espace de type H, ces interactions sont unifiées et ne peuvent
être distinguées ; photons, W, Z, et d’autres particules encore, sont alors indiscernables.
À des époques précoces de l’évolution de l’univers, la densité d’énergie était si importante que
tout l’espace était sous la forme H. Au cours de son expansion la densité d’énergie diminue puisque le volume augmente alors
que l’énergie totale est constante. Vient un moment où cette densité est suffisamment faible pour que des régions de type N
puissent se former. Dans celles-ci, nos deux forces se séparent et les particules associées peuvent être distinguées. Cette
transition est analogue à un changement de phase, que l’on observe, par exemple, lorsque l’eau bout à 100 °C, sous la
pression atmosphérique. Dans notre cas, c’est l’espace lui-même qui « bout » sous l’effet de
l’expansion ! Comme on peut s’y attendre en poussant l’analogie, des « bulles » se forment. Ce sont des
bulles d’espace de type N dans un milieu d’espace H ; beaucoup de bulles N dans un océan H. Contrairement à l’eau,
l’ébullition de l’espace, la conversion d’espace où le champ scalaire est de type H en espace où il est sous la forme
N, libère une quantité énorme d’énergie. Cette énergie tend à dilater considérablement les bulles
d’espace N, leur taille augmentant exponentiellement avec le temps. Chaque bulle est un univers en expansion, comme le nôtre semble
l’être depuis 13,7 milliards d’années. Le facteur d’expansion est tel que des bulles aussi petites qu’une
particule deviennent plus grandes que l’horizon de notre univers. Dans chaque bulle, la géométrie semble donc très plate ! De
plus, chaque univers–bulle étant issu d’une toute petite fluctuation énormément dilatée, il est normal qu’il soit
plutôt homogène. Après la phase d’expansion rapide, la densité d’énergie de certaines bulles peut devenir
suffisamment faible pour que la phase exponentielle de l’expansion cesse ; certaines formeront des univers semblables au nôtre.
D’autres bulles, au contraire, continue cette folle expansion. Dans le cadre de cette théorie, dite de l’inflation chaotique, il
n’y a nul besoin d’un début au temps, ni d’un big-bang : il y a, il y avait et il y aura toujours un nombre infini de
bulles subissant une inflation et de régions post-inflatoires, comme notre univers. Vous me suivez ?
Bon, d’accord, admettons qu’il y a d’autres univers que le nôtre. Mais à quoi peuvent-ils bien ressembler ? Dans les
espaces de type N, les lois de la physique doivent être semblables à celle que nous connaissons. La différence avec le nôtre peut
venir de plusieurs facteurs. D’abord, au moment de « l’ébullition », les univers-bulles sont apparus avec des
contenus en matière et en énergie différents. Ce changement est d’importance si l’on suppose que le principe de Mach
s’applique à chaque univers-bulle. Selon ce principe, l’inertie d’une particule, c’est-à-dire sa résistance
à changer d’état de mouvement sous l’action d’une force, est le résultat de ses interactions gravitationnelles avec
toutes les autres masses de l’univers. Cela impose donc à l’inertie d’une particule, quantifiée par sa masse (inertielle)
de dépendre du contenu matériel de la bulle. Par contre, la masse gravitationnelle, qui intervient dans le calcul de l’intensité
du champ de gravitation, n’en dépend pas. Ces deux masses prendraient donc des valeurs différentes dans des univers différents.
Là où le bât blesse, c’est que dans notre univers, des expériences très précises ont montré que ces deux
masses, inertielle et gravitationnelle, sont identiques. D’autre part, d’un univers-bulle à un autre, la masse inertielle du proton,
de l’électron et de toutes les particules serait modifiée. Ces variations changeraient la taille des atomes, les énergies de
liaison, la structure nucléaire, la chimie, bref tout ce qui structure la matière. Dans certains de ces univers-bulles, aucune galaxie
n’aurait pu se former, dans d’autres, il y en aurait mais aucun élément plus lourd que l’hélium n’aurait pu
apparaître, dans un troisième, tout semblerait normal, sauf qu’il n’y aurait pas de planètes, etc. De plus, les constantes
fondamentales de nos modèles physiques pourraient, elles aussi, différer d’une bulle à l’autre.

Quelle coïncidence !
Un avantage, tout relatif, des univers-bulles est que toutes les combinaisons de paramètres physiques sont possibles ; cela permet
d’expliquer des coïncidences étonnantes. Je m’explique.
Les physiciens ont horreur des coïncidences inexpliquées. Ils supposent qu’elles sont en fait la trace d’une idée,
d’une théorie, plus profonde qui leur a échappé. Prenons un exemple. Vous arrivez dans un hôtel pour y prendre une chambre.
La personne du guichet vous attribue le numéro 1965. Surprise, il s’agit de votre année de naissance ! La surprise passée,
vous concluez, qu’après tout, ce n’est pas si surprenant compte tenu de ce que l’hôtel a de nombreuses chambres ; vous
n’auriez certainement pas été surpris si une autre chambre, avec un numéro plus anodin, vous avez été attribuée. En
fait, un physicien n’ayant aucune idée de ce qu’est un hôtel, pourrait déduire de son aventure qu’il y a certainement
de nombreuses autres chambres, tout simplement parce que s’il n’y avait qu’une seule chambre d’hôtel dans tout
l’univers, il se trouverait devant une coïncidence curieuse et inexpliquée : pourquoi diable l’unique chambre
d’hôtel porte-t-elle un numéro qui est aussi mon année de naissance ? Prenons un second exemple plus pertinent. La masse du
Soleil affecte sa luminosité : plus massif il serait aussi plus brillant. Pour que la vie terrestre telle que nous la connaissons puisse se
développer, il faut que la luminosité solaire ne soit pas trop grande, pour éviter de griller la Terre, ni trop faible pour ne
l’on n’y gèle pas. On peut calculer que pour satisfaire ces conditions, la masse du Soleil doit être comprise entre
1,6 × 1030 et 2,4 × 1030 kilogrammes. Sa masse est en fait de 2,0 × 1030 kilogrammes. Cette
coïncidence est plus perturbante qu’elle n’en a l’air quand on réalise que la masse d’une étoile est comprise
dans un intervalle des centaines de fois plus large, allant de 1029 à 1032 kilogrammes. Comme dans l’exemple de l’hôtel,
nous pouvons expliquer cette coïncidence apparente par un effet de sélection dans un vaste ensemble de systèmes solaires : si de
nombreuses possibilités de masse d’étoiles et de disposition des planètes sont représentées dans la galaxie, il
n’est nullement étonnant de nous trouver dans l’un des systèmes qui soit habitable. Si l’existence de chambres
d’hôtels et de systèmes solaires est acceptée, celle d’univers parallèles est plus difficile à admettre. Pourtant
il y a de nombreux exemples de coïncidences remarquables. Si la l’interaction électromagnétique était un poil plus petite que
sa valeur mesurée chez nous, 4 % plus faible, le Soleil exploserait immédiatement car le diproton (un noyau à deux protons) serait
stable et la luminosité solaire serait un milliard de milliards de fois plus forte. Si l’interaction électromagnétique était
plus faible, il y aurait nettement moins d’atomes stables. Si l’interaction faible était un peu plus faible, l’hydrogène
aurait été entièrement converti en hélium peu de temps après le big bang et nous ne serions plus là pour discuter des
raffinements de la physique. Si le proton était 0,2 % plus massif, il se désintégrerait en neutron, qui est incapable de se lier
avec un électron : plus d’atomes ! Si le rapport entre la masse du proton et celle de l’électron était plus petit,
il n’y aurait plus d’étoiles ; s’il était plus grand, il ne pourrait pas y avoir de structures ordonnées comme
les cristaux et les molécules d’ADN. Et la liste pourrait encore se poursuivre… Le modèle standard de la physique des particules
possède de nombreux paramètres libres. Les faire varier un tant soit peu transformerait radicalement notre univers. L’existence de
nombreux univers-bulle, et plus généralement, d’autres univers, permet de comprendre pourquoi ces coïncidences ne doivent pas nous
surprendre, puisqu’il s’agit tout simplement d’un effet de sélection dans un grand ensemble de possibilités. Bon,
évidemment, il faut faire preuve d’une certaine dose d’imagination...
Ces spéculations sont-elles sans importance ? Si l’on s’en tient à la stricte démarche scientifique, à la
nécessaire confrontation entre théorie et expérience, on pourrait conclure que la plupart des études physiques touchant aux univers
parallèles n’ont absolument aucun intérêt puisqu’ils sont inobservables. En réalité leur importance se trouve
ailleurs. Les univers parallèles constituent un « espace de liberté » pour penser de nouveaux concepts, de nouvelles
techniques ou pour explorer de nouveaux domaines passionnants, le temps, l’espace et la matière notamment. À condition de ne jamais
perdre de vue la distance qui sépare la science en construction et le jeu scientifique le plus débridé.
Bibliographie
-
De l’univers au multivers
, Max Tegmark, Pour la Science 308, juin 2003, page 60.
-
The self reproducing inflationary universe,
Andrei Linde, Scientific American, november 1994, page 48.