Asimovies, part 1

Cinéma et séries |

asimovies-part1-une.jpgÀ l’inverse de Philip K. Dick, Isaac Asimov est à première vue loin d’être un auteur dont les titres sont régulièrement portés sur les écrans. Certes, il y a eu I, Robot d’Alex Proyas, il y aura peut-être Fondation par Roland Emmerich. En réalité, pas seulement. De fait, l’adaptation sur petit et grand écran des œuvres du bon docteur remonte aux années 60, pour des résultats d’une qualité variable. Aussi, en complément au dossier Asimov du Bifrost n°66, voici le premier d’une série d’articles consacrés aux films et téléfilms inspirés des romans et nouvelles du plus célèbre des auteurs de science-fiction.

S’il aura fallu attendre très longtemps avant que Hollywood ne s’intéresse à Isaac Asimov, en revanche la télévision s’est penchée sur son œuvre dès les années 60. Plus précisément : la télévision britannique. Entre 1962 et 1969, ce ne sont pas moins de huit de ses textes qui vont être adaptés pour le petit écran.

asimovies-part1-robots.jpgEn 1962, ABC Television diffuse une anthologie de films de science-fiction, présentée par Boris Karloff, et intitulée Out of this World. Parmi les différents auteurs anglo-saxons qui seront adaptés, citons Philip K. Dick, Clifford D. Simak ou Raymond F. Jones. Malheureusement, l’intégralité de ces épisodes a aujourd’hui disparu, à une exception près : « Little Lost Robot », adaptation de la nouvelle éponyme d’Asimov (en français : « Petit Robot perdu », in Les Robots).

Dans cette histoire, Susan Calvin est à la recherche d’un robot obéissant à une version modifiée de la première loi de la robotique et qui s’est mêlé à une vingtaine d’autres robots ordinaires pour échapper aux recherches. Susan Calvin doit donc imaginer une série de tests afin de le confondre.

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Cette adaptation s’avère très fidèle au texte d’Asimov, hormis dans sa conclusion, lorsque le robot démasqué se jette sur un humain et le tue. Une chute qui va à l’encontre de toute la philosophie de l’œuvre, et qui ne s’explique que par la volonté des producteurs de dramatiser les enjeux et d’amplifier la menace potentielle que représentent les robots. On notera d’ailleurs que tout au long de cet épisode, les robots, malgré leur aspect rudimentaire (des figurants affublés d’armures cylindriques) et leur mutisme, sont systématiquement filmés de manière à apparaitre inquiétants.

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Dans l’ensemble, malgré des moyens techniques limités, la réalisation est tout à fait correcte, et l’interprétation dans l’ensemble correcte. On soulignera en particulier la prestation de Maxine Audley, qui campe une Susan Calvin fort convaincante, à la fois autoritaire, arrogante et froide.

"Little Lost Robot" sur YouTube : première partie, deuxième partie, troisième partie, quatrième et dernière partie.

asimovies-part1-cavernes.jpgDeux ans plus tard, Irene Shubnik, créatrice de Out of this World, lance une nouvelle anthologie, Story Parade, consacrée à l’adaptation de romans contemporains. Shubnik jette cette fois son dévolu sur un autre texte du cycle des Robots : Les Cavernes d’Acier. Impossible malheureusement de juger des qualités de cette version, dans laquelle Elijah Baley est interprété par Peter Cushing, les bandes ayant été effacées.

Il en est de même pour une grande partie des épisodes de Out of the Unknown, autre anthologie de science-fiction, toujours sous la houlette d’Irene Shubnik, diffusée sur la BBC de 1965 à 1969. Il est d’autant plus regrettable que la majeure partie de cette œuvre ait disparu que ce ne sont pas moins de six textes d’Asimov qui y ont été adaptés. De « Satisfaction Guaranteed » (« Satisfaction garantie », in Un Défilé de Robots), « The Prophet » (« Raison », in Les Robots), Liar ! (« Menteur », in Les Robots) et « The Naked Sun » (Face aux feux du soleil), ne subsistent au mieux que quelques extraits. En revanche, deux autres adaptations ont par chance été conservées : « The Dead Past » (« Les Cendres du passé », in Espace vital) et « Sucker Bait » (« L’Attrape-Nigaud », in La Voie martienne).

La nouvelle « The Dead Past », avec ses nombreux dialogues et son nombre restreint de protagonistes, se prête idéalement bien à une adaptation télévisée qui, contraintes techniques obligent, ressemble davantage à du théâtre filmé qu’à un film à grand spectacle. L’histoire est celle d’Arnold Potterley, un historien, souhaitant utiliser une technique de visionnage temporel pour étudier la civilisation carthaginoise. Le refus de son supérieur d’accéder à sa demande va amener Potterley à tenter, avec l’aide d’un jeune étudiant, de construire son propre « chronoscope », ce qui va entrainer quelques réactions catastrophiques.

La nouvelle peut faire figure de texte mineur dans l’œuvre d’Asimov, elle offre néanmoins quelques éléments intéressants, notamment le drame personnel qu’ont connu Potterley et son épouse (la mort accidentelle de leur fille), qui explique l’obsession du personnage principal et va jouer un rôle crucial dans le récit. L’adaptation amplifie d’ailleurs sensiblement cet élément de l’histoire, jusque dans sa chute, assez réussie.

"The Dead Past" sur YouTube.

L’adaptation de « Sucker Bait » est moins convaincante. Il faut dire aussi que la nouvelle d’Asimov n’est pas très bonne. L’histoire est celle des membres d’un vaisseau spatial envoyé vers une planète dont tous les colons sont morts dans des circonstances inconnues. Sujet classique, auquel l’auteur ne prête guère d’attention pour se concentrer presque exclusivement sur le personnage de Mark Annuncio, un jeune homme possédant une mémoire totale, qui se souvient ainsi de tout ce qu’il voit et qui est capable de traiter cette masse d’information.

Encore une fois, l’adaptation est fidèle, même si les tensions entre les différents membres d’équipage sont atténuées par rapport au texte d’origine. Malheureusement, la réalisation est quelque peu à la peine. Si les scènes à bord du vaisseau fonctionnent à peu près bien, en revanche le manque de moyens se fait cruellement sentir pour celles qui se déroulent sur la surface de la planète.

"Sucker Bait" sur YouTube.

asimovies-part1-avenir.jpgAprès l’arrêt d’Out of the Unknown, il faudra attendre près de dix ans pour qu’Asimov fasse son retour sur petit écran. Cette fois, c’est une chaine canadienne (TV Ontario) qui va se pencher sur son œuvre et adapter « The Ugly little Boy » (« L’Affreux petit garçon », in L’Avenir commence demain), l’un des textes favoris de l’auteur. L’histoire est celle d’un enfant néanderthalien transporté au XXème siècle dans le cadre d’une expérience scientifique, et de sa relation avec Edith Fellowes, l’infirmière chargée de s’occuper de lui.

Tout l’intérêt de cette nouvelle repose sur cette relation, la manière dont Fellowes va progressivement s’attacher à cette créature monstrueuse et développer des sentiments maternels à son égard. Or, sur ce plan, l’adaptation ne fonctionne pas du tout. Ici, l’infirmière est une femme acariâtre, dont le travail lui apparait comme une corvée, et qui pendant plusieurs mois va s’occuper de l’enfant sans même songer à lui donner un nom. Dans ces conditions, son changement de sentiments à l’égard de l’enfant, dans les dernières minutes du téléfilm, et le sacrifice qu’elle consent pour lui, sont aussi brutaux qu’improbables. Pour l’anecdote, on notera que ce film est réalisé et interprété par Barry Morse, acteur surtout connu pour son rôle du professeur Victor Bergman dans Cosmos 1999.

À noter : l’intégralité des épisodes « Little Lost Robot », « Dead Past » et « Sucker Bait » est visible sur Youtube. Je ne garantis pas que ce soit dans la légalité la plus stricte, mais comme ils ne sont pas à ma connaissance visibles ailleurs…

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