Quand j’étais gamin, ma mère m’envoyait deux fois par semaine chez le boucher d’en face, pour acheter une "bavette" et demander du "mou". Le premier mot désignait un morceau de viande de bœuf – et non une lingette absorbante pour petit vieux édenté, comme on le pense parfois. Quant au "mou", cela désignait du poumon de bœuf – et non, de manière plus ou moins nostalgique, l’organe reproducteur du petit vieux ci-avant, comme on le pense parfois.
Journal d'un homme des bois, 25 avril 2012
Quand j’étais gamin, ma mère m’envoyait deux fois par semaine chez le boucher d’en face, pour acheter une "bavette" et demander du "mou". Le premier mot désignait un morceau de viande de bœuf – et non une lingette absorbante pour petit vieux édenté, comme on le pense parfois. Quant au "mou", cela désignait du poumon de bœuf – et non, de manière plus ou moins nostalgique, l’organe reproducteur du petit vieux ci-avant, comme on le pense parfois. Comme son nom le laisse présager, le "mou" est une matière molle – à dire vrai plutôt spongieuse – et de couleur rosée, constituée pour l’essentiel d’une tuyauterie interne à dimension fractale (non entière, si vous préférez). Visuellement, c’est une bouillasse un peu dégueu. C’est sans doute pour cela que le boucher, après avoir sectionné un gros morceau de la souche-mère, s’empressait de l’emballer dans une double page de papier journal… qui ne tardait pas à suinter. Dégueu de chez dégueu, comme on dirait aujourd’hui. De retour à la maison, il fallait déballer le blob, en couper une ration puis la détailler en petits morceaux à l’aide d’un couteau bien aiguisé… avant de les donner au chat qui se précipitait dessus tel un boulimique sur une boîte de cassoulet tout juste ouverte du modèle colonie de vacances. Par les temps qui courent et compte tenu, à la fois, de la raréfaction du petit commerce et de la pression hygiéniste, je suppose qu’il est devenu impossible de trouver du "mou". Cela étant, les chats étant devenus pour la plupart aussi chochottes que leurs propriétaires – au moins en ce qui concerne les chats des villes, car ceux des champs continuent de croquer allègrement de la langrotte et du mulot – ils rechigneraient sans doute sur ce type de nourriture, habitués qu’ils sont aux petites boulettes premier choix en sachets individuels… D’où la question qui fait mouche : pourquoi parler de "mou" sur ce blog ? Simplement parce que j’ai aperçu ce jour, à la télévision, un des candidats aux fameuses élections présidentielles évoquées dans mes précédentes interventions. Tout soudain, fort naturellement et non pas dans le cadre d’un processus de recherche d’un bon mot tueur à souhait, je me suis exclamé : « Purée, ce type a autant de charisme qu’un morceau de mou ! ». Mon jeune frère qui n’a pas connu les années soixante et qui passait par là, m’a alors demandé : « C’est quoi, du mou ? ». D’où cette chronique qui, je l’espère, sera appréciée à sa juste valeur dans le cadre de la campagne présidentielle. A part ça, en dépit des rafales de vent de la nuit dernière, voici la première journée quasiment sans pluie : j’ai pu travailler un peu au jardin. Chic planète.