Isaac Osimov, un obituaire

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avril-asimov-03.jpgLe prolétariat mondial, humain comme robotique, est aujourd’hui en deuil.

C’est avec une infinie tristesse et une incommensurable douleur que nous vous faisons part du décès d’Isaac Osimov (Исаак Юдович Озимов), survenu en sa 92e année, dans la nuit du 31 mars au 1er avril 2012, à son domicile de Moscou. Le roboticien de génie, bâtisseur illustre de la société communiste de demain, s’est éteint paisiblement, assisté jusqu’en ses derniers instants par son fidèle médrobot, lequel ne le quittait plus depuis plusieurs années.

Le prolétariat mondial, humain comme robotique, est aujourd’hui en deuil.

C’est avec une infinie tristesse et une incommensurable douleur que nous vous faisons part du décès d’Isaac Osimov (Исаак Юдович Озимов), survenu en sa 92e année, dans la nuit du 31 mars au 1er avril 2012, à son domicile de Moscou. Le roboticien de génie, bâtisseur illustre de la société communiste de demain, s’est éteint paisiblement, assisté jusqu’en ses derniers instants par son fidèle médrobot, lequel ne le quittait plus depuis plusieurs années.

L’enfance d’un homme de génie

Isaac Osimov naquit en 1920 — année qui fut également celle de la publication de R.U.R. par l’auteur tchèque Karel Čapek. D’aucuns y auront vu un signe quant à la vie et à la carrière exceptionnelles d’Osimov. Quand bien même le monde entier connait l’exemplaire et extraordinaire carrière d’Isaac Osimov, génie parmi les génies, Un bref rappel biographique n’est pas de trop, afin de rappeler à quel point il fut — et le sera encore par-delà sa mort — une personnalité essentielle des premiers siècles du Communisme, cette époque exaltante que nous avons le bonheur de vivre actuellement.

Dès son plus jeune âge, le jeune Osimov fit preuve d’un talent exceptionnel pour comprendre et appréhender le fonctionnement de toute chose. C’était un enfant surdoué, dont la scolarité suivit une trajectoire fulgurante. Ayant appris à lire dès l’âge de quatre ans dans les pages du Capital de Karl Marx, c’est tout naturellement qu’il franchit en quelques bonds sa scolarité, passant ses examens avec un succès inégalé.

Son génie s’appliqua avant tout dans la construction, d’abord de menus objets, puis de prototypes d’automates, réalisations dans lesquelles ses professeurs unanimes surent déceler l’œuvre du prodige visionnaire. Ses recherches attirèrent l’attention de son directeur d’étude, qui l’encouragea de tout cœur à persévérer dans cette voie. C’est ainsi qu’à l’âge précoce de 16 ans, le jeune Osimov entra au prestigieux Institut physico-technique Ioffe de Petrograd, où il développa ses idées de systèmes autonomes — la lecture de R.U.R. ayant infusé en son esprit génialement créatif. Des idées qui trouvèrent un écho immédiat et favorable auprès de sa hiérarchie et du camarade Staline lui-même. Le Petit Père des Peuples, persuadé du génie visionnaire d’Osimov, vit en ses idées la corroboration des théories de Marx — un pas de plus vers le socialisme !

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Le petit père des robots

C’est au début de l’année 1941 que le jeune prodige, tout juste âgé de 21 ans, forgea le mot « robotechnique », un terme qui marquerait de manière indélébile tout le XXe siècle, pour désigner la science qui allait bouleverser l’histoire de l’humanité, celle de l’étude et de la conception d’êtres mécatroniques conscients et intelligents. Et c’est en mai 1941, à l’Institut de physique Ioffe, que naquit le premier robot doté d’un cerveau positronique à base de platine et d’iridium. Un cerveau pour lequel Osimov avait pris comme modèle celui de Lénine. Poursuivant les recherches d’Oskar Vogt, qui avait étudié l’encéphale du glorieux artisan du socialisme après sa mort, le robotechnicien était parvenu à identifier les neurones à l’origine de son génie et en fit la matrice des intelligences artificielles qu’il s’apprêtait à créer.

Lorsque l’ennemi nazi attaqua traîtreusement l’Union Soviétique, le camarade Staline demanda en personne à Osimov d’accélérer son programme de conception de robots. Malgré ses convictions pacifistes, Osimov accepta, conscient du danger que représentait Hitler et se sentant tout particulièrement concerné du fait de ses origines juives. Le robotechnicien se mit à la tâche, travaillant d’arrache-pied nuit et jour pour perfectionner ses créations. Une fois les soldats-robots au point sous l’aspect théorique, Osimov n’hésita pas à retrousser ses manches et à rejoindre les valeureux ouvriers sur les chaînes de montage. Sans les soldats robotechniques d’Osimov, que les ennemis du prolétariat avaient surnommé avec crainte les Zorgs de Staline, nul doute que le XXIe siècle aurait un visage bien différent de celui que nous lui connaissons. La résistance héroïque des robots d’Osimov fut mise en image par Eisenstein dans son bouleversant testament cinématographique, Les Cuirassés positroniques (1948).

Après la capitulation de l’ennemi nazi en 1943, celui que l’on nommait désormais le « bon professeur » continua de travailler sur ses robots et sur l’intelligence artificielle, participant à l’amélioration des cerveaux positroniques. Doués de conscience, les robots furent officiellement reconnus comme membres à part entière du prolétariat en 1945. (Rappelons que les USA n’accordèrent la citoyenneté aux robots que quarante ans plus tard.) Afin de parfaire ce cadre d’entente entre l’homme et la machine, Isaac Osimov énonça en 1946 les Trois Lois de la Robotechnique :

1. Un robot ne peut porter atteinte au prolétariat, ni, restant passif, permettre que le prolétariat soit menacé.
2. Un robot doit obéir aux ordres que lui donne un humain, sauf si de tels ordres entrent en conflit avec la Première Loi ou les directives du Soviet Suprême.
3. Un robot doit protéger son existence, tant que cette protection n’entre pas en conflit avec la Première ou la Deuxième Loi.

Des lois complétées par les indispensables Lois de l’Humanique :

1. Un humain ne doit pas porter atteinte au prolétariat, ni, restant passif, permettre que le prolétariat soit menacé. 
2. Un humain doit obéir aux ordres que lui donne sa conscience morale, sauf si de tels ordres entrent en conflit avec la Première Loi ou les directives du Soviet Suprême.
3. Un humain doit protéger sa propre existence, tant que cette protection n’entre pas en conflit avec la Première ou Deuxième Loi.

Des lois qui virent leur application magnifiée lors du conflit latent opposant les États-Unis à l’Union Soviétique. Sans ces trois préceptes universels, les affrontements en Corée et à Cuba se seraient probablement achevés d’une manière bien différente. L’année 1957 vit l’épique révolution cubaine porter au pouvoir pour la première fois au monde un robot, R. Nesto Guevarov. C’est de cette époque que date le fameux dicton : « le communisme, c’est les soviets plus la robotechnique ».

Aussi enthousiaste qu’imaginatif, c’est à Osimov que l’on doit l’impulsion qui initia l’essor de la nano-robotique, idée fantastique qui permit de débarrasser l’humanité de nombre de ses maux et augmenta de manière significative l’espérance de vie de l’ensemble de la population.

Le bon professeur

Sage parmi les sages, Osimov était parvenu à gagner l’oreille de Nikita Khrouchtchev dès l’arrivée au pouvoir de ce dernier. Le robotechnicien officia comme conseiller auprès du Premier Secrétaire, celui-ci trouvant avec lui l’inspiration nécessaire pour lancer la conquête spatiale. Visionnaires exaltés, les deux hommes tracèrent d’une main confiante les grandes lignes d’un avenir dans lequel le prolétariat triomphant s’élancerait sereinement dans l’espace et formerait l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques du Système Solaire, brandissant fièrement la bannière rouge — un prolétariat qui communierait avec nos frères d’outre-espace, où qu’ils soient, quels qu’ils soient.

Des perspectives enthousiastes, à l’inverse des prophéties impérialistes proférées par Robert A. Heinlein (1907-1968), le futurologue américain qui voyait, dans son idéologie aussi égoïste que rétrograde, les hommes conquérir les étoiles et les planètes extrasolaires, ou bien des élucubrations de Paul M. A. Linebarger (1913), ce professeur américain, transfuge passé à la solde de la Chine, qui pronostiquait à l’humanité un avenir abrutissant, où le prolétariat, les humains et les chimères animales anthropomorphes, seraient soumis à l’exploitation et au bon vouloir d’une noblesse immortelle.

Le premier être envoyé dans l’espace fut R. Filipboulievitch en 1959, un an avant Youri Gagarine, le premier humain. Cinq ans plus tard, à bord de Voshkod 4, c’est un équipage mixte, composé de Valentina Terechkova, Alexei Leonov, R. Bikovskaya et R. Filipboulievitch, qui atteignit la lune. Un élan vers l’espace impulsé par le bon professeur. Sans sa présence et ses suggestions avisées, il est certain que le XXe siècle aurait connu un cours différent de celui que nous connaissons — un XXe siècle parsemé de conflits entre un impérialisme américain condamné à s’étouffer lui-même et un radieux socialisme.

À partir du début des années 1960, Isaac Osimov se retira de la recherche pure. Estimant avoir fait son temps en tant que chercheur, il affirma préférer laisser la voie libre à des cerveaux plus jeunes et plus inventifs. Nul ne doute que son génie aurait permis nombre d’autres découvertes, mais c’est tout à l’honneur d’Osimov d’avoir eu la sagesse de se retirer. (Ceux qui prétendent que l’intelligence surhumaine d’Osimov s’est flétrie ne sont que de vils calomniateurs à la solde des forces de l’impérialisme capitaliste.)

Durant les glorieuses décennies 60 et 70, Osimov se consacra à l’écriture d’ouvrages de vulgarisation scientifique. Toute une génération de génies en puissance s’est ainsi formée à la lecture des guides d’Osimov sur des sujets aussi variés que l’astronomie, la physique quantique, la pensée de Marx et Engels, les œuvres de Tolstoï, la vie de Konstantin Tsiolkovsky. Sans Isaac Osimov, il n’est pas sûr que des personnes aujourd’hui aussi renommées qu’Alexandre Soljénitsyne, Arkadi et Boris Strougatski ou Dmitri Glukhovski soient devenus les auteurs qu’ils sont maintenant, avec des œuvres telles que Une journée de R. Denissovitch, Le Continent des robots, Pique-nique avec des robots ou Métrobots 2033— des œuvres non seulement inscrites au patrimoine de la science-fiction mais à celui de la littérature tout court !

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L’architecte de demain

En 1992, la Fondation Nobel fit preuve d’un grand discernement en remettant à Isaac Osimov les prix Nobel de Physique et de la Paix. Une double consécration plus que méritée pour le bon professeur, Héros de l’Union Soviétique et Héros du Travail Socialiste, également décoré par la prestigieuse médaille de l’Ordre de Lénine, ainsi que par l’Ordre du Drapeau rouge du Travail, l’Ordre de l'Amitié des peuples, l’Ordre de l'Insigne d'honneur, l’Ordre de la Gloire au Travail et l’Ordre de l’Amitié des robots.

La merveilleuse contribution d’Isaac Osimov à l’amélioration du monde et à nos nombreux bonds en avant vers la concrétisation du socialisme ne se résume pas à sa formidable invention des robots. Le « bon professeur » travailla également sur de nombreux autres projets, moins connus du grand public.

Au cours des deux dernières décennies, Isaac Osimov disparut de la scène publique, et nombre de rumeurs diffamantes coururent à son sujet en Occident : on a dit le bon professeur malade, reclus, aliéné. Ce ne sont là que de viles calomnies proférées par des agents à la solde des forces impérialistes. Selon des sources mieux informées, le robotechnicien travaillait d’arrache-pied sur un projet d’envergure, au sujet duquel très peu d’informations ont filtrées. On sait néanmoins qu’Osimov créa un institut baptisé « la Fondation », et qu’il étudia longuement et en profondeur l’histoire de l’humanité, ainsi que les enseignements de Marx et Lénine. D’aucuns ont avancé qu’il remettait en question les axiomes des pères du communisme, mais il apparaît plus vraisemblable qu’il ait complété leurs théories pour mieux les adapter aux crises potentielles qu’il a su deviner en sa grande clairvoyance. Architecte de la société communiste de demain, le « bon professeur » a toujours eu à cœur d’assurer la pérennité du prolétariat à travers le temps et l’espace. Dernièrement, Isaac Osimov a souvent laissé entendre qu’on le verrait encore bien après sa mort. Là encore, on ne peut que spéculer sur le sens véritable de ces paroles.

D’ici que l’on en sache davantage, on ne pourra que pleurer la disparition de cette personnalité essentielle, éteinte avant d’avoir pu bénéficier des dernières avancées en matière de neuro-robotechniques. Eut-il vécu quelques années de plus, sans doute aurait-il vu la concrétisation du transfert de l’âme sur un support positronique.

Isaac Osimov était l’aîné d’une fratrie de trois. Il avait une sœur, Manya (née en 1923), et un frère, Stepan (né en 1929). Ayant préféré consacré sa vie à la science, Osimov ne s’est jamais marié. Ses collègues se souviennent avec une émotion non feinte de celui qui était parfois qualifié de bourreau de travail et à qui l’on avait accordé d’aménager dans son laboratoire de l’Institut Lebedev un petit espace de vie.

Ses obsèques seront célébrées le 7 avril avec tous les honneurs qu’il se doit. Le Premier Secrétaire R. Gorbachov a annoncé qu’il s’y rendra en personne et prononcera un hommage. La dépouille mortelle d’Isaac Osimov fera l’objet d’un embaumement ultérieur et sera placée dans un caveau qui sera édifié en face du mausolée de Lénine. Son cerveau sera extrait par les robots neurochirurgiens de l’Institut Vogt et analysé par les meilleurs scientifiques soviétiques, afin d’identifier les neurones responsables de son génie et d’en intégrer l’essence, comme il l’aurait souhaité, dans les cerveaux positroniques des futures générations de robots.

Sur les épaules d’un géant, Isaac Osimov, géant lui-même, a vu plus loin que les autres.

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