En route pour le futur

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Sur le blog Bifrost, on vous a déjà pas mal fait voyager : dans un ascenseur vers l'espace, vers les étoiles à 300.000 km/s, et même au coeur d'un trou noir. Reste une odyssée impossible pour laquelle nous vous proposons d'embarquer : le voyage dans le temps. Si aller vers le futur s'avère facile à condition de disposer d'un bon congélateur, le retour vers le passé est plus problématique. Mais pas impossible, selon le professeur Lehoucq, puisqu'il suffirait de creuser un trou de ver et d'en arrimer gravitationellement une extrémité à un vaisseau spatial voyageant à 86,6% de la vitesse de la lumière. Eh oui. Mais personne n'a dit que ce serait facile !scientifiction_septembre_une.jpg

Si l'on y réfléchit bien, nous voyageons tous dans le temps. C'est même plutôt facile puisqu'il n'y a rien à faire pour être transporté vers le futur au rythme régulier d'une seconde par seconde. Reconnaissons toutefois que l'originalité de ce voyage est limitée. Non, ce dont nous rêvons tous, c'est d'un vrai voyage dans le temps qui nous permette d'arriver dans le futur avant les autres (pratique pour gagner au Loto !) ou de visiter le passé (ce qui permettrait, peut-être, de modifier le présent). Cela est-il possible ? Peut-on imaginer que les espèces de « motos temporelles » que Poul Anderson décrit dans La patrouille du temps, la machine à remonter le temps de H. G. Wells ou le chronoscaphe mis en scène par E. P. Jacobs dans Le Piège diabolique soient un jour réalisés ? Y aura-t-il un jour des agents spatio-temporels comme Valérian et Laureline, issus de l'imagination de J.-C. Mézières et P. Christin ? Pour réinventer la machine à voyager dans le temps, il est des physiciens qui redoublent d'imagination. Mais il est à craindre que le départ ne soit pas pour demain…

Commençons par visiter le futur

Il existe une méthode très simple pour visiter le futur : faites vous congeler pour une durée prévue à l'avance et attendez que l'on vous sorte du frigo. Vous aurez alors l'impression d'avoir instantanément voyagé dans le temps et sans avoir vieilli puisque votre métabolisme aura été arrêté ou fortement ralenti par le froid. C'est ce que font chaque année les ours ou les marmottes qui, en hibernant, laisse passer la mauvaise saison et se réveille au printemps. Pour les humains, cette méthode reste très aléatoire car, aujourd'hui, rien ne garantit aux audacieux tentés par l'expérience qu'ils pourront être, un jour, sortis vivants de leur sommeil glacé. Seuls quelques riches Américains, âgés ou malades (ou les deux), se sont déjà lancés dans l'aventure. Il existe pourtant une solution sûre pour voyager vers le futur, connue depuis le début du XXe siècle. Il faut voyager vite, très vite même…

En 1905 Albert Einstein (1879-1955) publie un article dans lequel il expose une nouvelle théorie de l'espace et du temps fondée sur deux postulats en rupture profonde avec la physique de son temps. Le premier stipule que « dans tous les systèmes de coordonnées où les équations de la mécanique sont valables, ce sont également les mêmes lois de l'optique et de l'électrodynamique qui sont valables ». Cela signifie qu'aucune expérience de physique ne peut révéler le mouvement relatif à vitesse constante d'un système par rapport à un autre. Le second exprime que la lumière se propage dans l'espace vide avec une vitesse bien déterminée, indépendante de l'état de mouvement du corps émetteur. A partir de ces prémisses, Einstein montre qu'il faut abandonner la notion classique de simultanéité de deux événements (voir aussi « Toujours plus vite » in Bifrost n° 29) et que la durée d'un phénomène n'est plus identique pour tous les observateurs comme on le pensait depuis Newton : elle dépend de leurs vitesses relatives. Cette correction apportée aux lois classiques de Galilée et Newton fut mesurée par les physiciens américains Joe Hafele et Richard Keating en 1971. Une horloge atomique extrêmement précise fut embarquée dans un avion. Au retour, l'heure indiquée par cette horloge fut comparée avec celle d'une horloge identique, restée au sol et avec laquelle elle avait été préalablement synchronisée. L'horloge de l'avion accusait un retard de 55 milliardièmes de secondes sur celle restée au sol : elle avait voyagé dans le futur de l'horloge terrestre de cette infime durée. Ce n'est certes pas le voyage dans le temps dont nous rêvons. Pour que l'effet soit vraiment spectaculaire, il faudrait par exemple que le voyageur, parti un an, retrouve une Terre sur laquelle il s'est écoulé deux ans. Pour réaliser cela, il faut voyager sensiblement plus vite qu'un avion de ligne, à 260 000 kilomètres par seconde précisément, soit environ 87 % de la vitesse de la lumière. Quand la vitesse augmente, l'effet est encore plus sensible. A 99 % de la vitesse de la lumière, le temps du voyageur s'écoule 7 fois plus lentement ; un voyageur faisant un voyage aller-retour vers l'étoile Proxima du Centaure, vivrait un voyage d'un an et trois mois dans son vaisseau tandis que le centre de contrôle terrestre décompterait plus de 8 ans et demi. Ne disposant que de vaisseaux spatiaux voyageant à des vitesses au mieux 10 000 fois inférieures à la vitesse de la lumière, nous sommes encore loin du compte…

Le temps élastique

Cet étonnant effet de dilatation temporel a été amplement vérifié en utilisant des particules élémentaires qui se déplacent à des vitesses proches de celle de la lumière. Nous avons vu dans l'article « Toujours plus vite » (in Bifrost n° 29) que cet effet de dilatation a été clairement observé sur la durée de vie des muons, des particules instables produites dans la haute atmosphère par le bombardement des rayons cosmiques. Dans ce cas, la vitesse des muons valait 99,944 % de celle de la lumière impliquant une dilatation du temps d'un facteur 30. A titre de comparaison, pensez que l'on a détecté des particules cosmiques dont l'énergie est si grande qu'une seule de leur seconde correspond à… 3 200 de nos années !

Au cinéma, il existe au moins deux exemples où les héros se déplacent vers le futur en voyageant à grande vitesse. Ainsi, dans le film La planète des singes, réalisé en 1967 par J. Schaffner, le rapport entre le temps terrestre et le temps des astronautes peut être estimé. Sa valeur voisine de 2 000 implique que leur astronef se déplaçait à une vitesse égale à 99,999 987 5 % de la vitesse de la lumière ! C'est aussi sur ce procédé que se fonde l'intrigue de Croisières sidérales, un étonnant film de SF français réalisé par André Zwobada en 1942. Résumons-le rapidement : une scientifique embarque dans un ballon stratosphérique qui se retrouve expulsé à grande vitesse dans l'espace suite à un incident à bord. Après diverses péripéties, la jeune femme découvre à son retour une Terre bien différente de celle qu'elle a quittée. En particulier, son fiancé, lui aussi scientifique et resté au sol à cause d'un accident, est maintenant un vieillard. Cherchant à comprendre ce qui s'est passé, le fiancé expose durant plusieurs minutes les fondements de la théorie d'Einstein et, équations à l'appui, démontre la formule de la dilatation temporelle. Rare moment de cinéma scientifique… Comprenant l'intérêt de ce voyage dans le futur (pensez à ceux qui veulent fuir la justice, les impôts, leur conjoint, leurs créanciers…), un industriel organise une croisière intersidérale à laquelle participe le fiancé. On imagine la suite sans peine : à son retour, la jeune fille est elle aussi une vieillarde et les deux tourtereaux de 70 ans vécurent longtemps et eurent beaucoup d'enfants.

J'avoue que le procédé fondé sur le voyage rapide est assez tentant. Je n'ai jamais vraiment réussi à m'habituer à l'idée que ma durée de vie finie (et faible !) m'empêchera d'assister à l'histoire humaine des 1 000 prochaines années. Si la lecture de SF aide bien à supporter cette pénible limitation temporelle, la nostalgie du futur pourrait trouver solution dans le voyage interstellaire rapide, à condition d'avoir résolu divers problèmes techniques (voir « Ad Astra »)…

Autre solution pour agir sur l'écoulement de votre temps : visiter les régions proches d'un trou noir. Pourquoi ? Parce que dans sa théorie de la gravitation, la relativité générale, Einstein indique que le temps s'écoule plus lentement près des corps compacts, dont la gravité est intense (voir « Voyage au cœur d'un trou noir »). Le temps d'un voyageur passant au voisinage d'un trou noir semble se geler pour un observateur lointain. Evidemment, il n'est guère facile de se procurer un trou noir et s'approcher de l'un deux nécessitera certainement de maîtriser le voyage interstellaire rapide évoqué plus haut. Avant d'avoir des regrets, pensez à ce qui vous arrivera si vous croisez trop près de l'un de ces monstres.

Peut-on aller dans le passé ?

Bon d'accord. On peut aller dans le futur en y mettant les moyens. Mais comment faire pour revenir ? Il suffit de voyager dans le passé ! En 1949, le mathématicien Kurt Gödel démontra l'existence d'une solution paradoxale aux équations de la relativité générale d'Einstein. Ses « univers tournants » auraient rendu possible le voyage dans le temps, et firent qu'Einstein douta quelque temps de sa propre théorie car ces solutions semblaient violer la causalité puisque l'effet aurait pu précéder la cause. Ce type de solution est aujourd'hui considéré comme une curiosité mathématique sans grand intérêt physique, mais dont le mérite fut de stimuler les recherches dans ce sens.

Pourquoi, pour voyager dans le passé, n'appliquerions-nous pas au temps ce qu'il est si naturel d'appliquer à l'espace ? Ayant raté sa destination, un conducteur égaré rebrousse chemin pour retrouver le bon embranchement. Si l'espace-temps est celui que nous imaginons spontanément (« plat » et infini), on peut démontrer qu'il est impossible de faire des allers-retours temporels comme on fait des allers-retours spatiaux. Pour réussir ce tour de force, il n'y a en effet d'autres possibilités que de passer par des vitesses supérieures à celle de la lumière. Or, dans la théorie d'Einstein dont nous venons de parler, la vitesse de la lumière apparaît aussi comme une vitesse limite, indépassable localement. Dans un espace-temps plus général, qui possède une courbure due à son contenu matériel et énergétique, la situation change sensiblement. Reprenons notre pauvre conducteur égaré. A la surface de la Terre, dont la géométrie est courbe, il n'est nullement obligé de revenir sur ses pas pour retrouver le bon chemin. Il peut aussi bien continuer tout droit, suivre une circonférence de la sphère terrestre sans jamais changer de direction pour finalement repasser devant l'embranchement manqué au premier passage. Le fait que cette solution soit assez peu utilisée n'enlève rien à sa validité théorique…

Quittons donc les espaces-temps plats pour entrer dans le royaume des espaces-temps courbes, comme ceux qui décrivent le voisinage d'un trou noir. Dans ce cas, la physique fournit des exemples de chemins temporels qui se referment sur eux-mêmes, comme le chemin de notre conducteur faisait une boucle autour de la Terre. Ils correspondent à des voyages où l'on peut revenir sur ses pas dans le temps et arriver dans son passé en ayant toujours eu l'impression de progresser vers le futur. Ce genre de bizarrerie temporelle peut s'obtenir grâce à l'un des moyens invoqués par les auteurs de SF pour raccourcir les délais imposés par les longs trajets interstellaires : le warp-drive.

Pour voyager dans le temps, surfons sur l'espace…

En 1994, le physicien Miguel Alcubierre a proposé un moyen de déplacement original, nommé warp-drive d'après le procédé similaire par l'Enterprise dans la série Star Trek, basé sur une « bulle d'espace » en mouvement transportant son contenu. Voyons comment cela fonctionne.

Dans sa théorie de la relativité générale, publiée en 1915, Einstein montre que la gravitation n'est qu'une manifestation de la courbure de l'espace imposée par la matière qu'il contient. Soumis à la seule action de la gravitation, les corps se déplacent d'un point à un autre en suivant une des lignes de plus court chemin, appelée « géodésique », qui n'est pas toujours une ligne droite. L'espace est donc une entité modelée par son contenu matériel et qui, en retour, fixe la dynamique de la matière. Dans ce cadre, il existe plusieurs moyens pour diminuer le temps de parcours entre deux points. Le premier, qui est aussi le seul auquel nous pensons spontanément, est classique : il faut augmenter la vitesse (pas trop tout de même, c'est dangereux…). Mais avec un espace malléable, une autre solution est envisageable : il suffit de diminuer la distance à parcourir en contractant l'espace pour rapprocher le lieu à atteindre ! Alcubierre proposa de déformer une petite région de l'espace, située à la surface d'une sorte de bulle, de façon que l'espace se contracte à l'avant de la bulle (ce provoque une « chute » vers l'avant) et qu'il se dilate à l'arrière (ce qui repousse la bulle et son contenu). Cette asymétrie locale de la géométrie de l'espace crée un mouvement vers l'avant sans que l'espace extérieur lointain, c'est-à-dire situé à une distance grande par rapport à la taille de la bulle, ne soit modifié. L'intérêt de cette idée réside dans le fait que, du point de vue d'un observateur extérieur et éloigné, la vitesse de la bulle peut être supérieure à celle de la lumière alors que, localement, le voyageur ne se déplace jamais plus vite que la lumière.

Tout semblait parfait jusqu'à ce que le physicien russe Sergueï Krasnikov démontre qu'il est impossible de contrôler cette bulle. La déformation de l'espace est telle qu'un signal lumineux envoyé par le voyageur situé à l'intérieur de la bulle ne peut jamais atteindre sa surface. Si même la lumière ne peut atteindre la surface de la bulle, c'est qu'il est, de fait, impossible de contrôler celle-ci depuis l'intérieur. En particulier, elle ne peut être ni créée, ni arrêtée. Cela est évidemment fâcheux… Krasnikov a donc proposé une autre solution : plutôt que de former une bulle, une déformation locale donc, il propose de déformer l'espace dans tout le sillage du vaisseau au fur et à mesure qu'il progresse vers sa destination (moins vite que la lumière, c'est-à-dire en respectant la limite de vitesse galactique officielle !). À l'aller le vaisseau construit une déformation de l'espace-temps en forme de tube, tout au long de son trajet à vitesse sub-luminique. Une fois son but atteint, il utilisera au retour la déformation établie à l'aller, à une vitesse qui reste toujours localement inférieure à celle de la lumière. Quel en sera l'avantage ? Il est par exemple possible de montrer que le voyageur peut construire la déformation de l'espace lors du voyage aller de sorte que les temps de voyage mesurés par un observateur terrestre et par lui-même soient égaux. Mieux encore : du point de vue terrestre, le voyageur qui emprunte ce tube peut revenir à un instant arbitrairement proche du moment de son départ (sans toutefois pouvoir revenir avant d'être parti !). Du point de vue terrestre, le voyageur semble donc dépasser la vitesse de la lumière puisqu'il semble mettre un temps quasiment nul pour parcourir une grande distance. En réalité il n'aura jamais localement dépassé la vitesse de la lumière en parcourant le tube. Finalement, du point de vue terrestre, le voyageur semble s'être déplacé dans le passé pour revenir un peu après son départ. Il a suivi l'équivalent temporel des boucles spatiales que nous empruntons en rebroussant chemin. Pour réussir ce genre d'exploits, les physiciens théoriciens, jamais en panne d'idées, ont même proposé une autre solution qui ressemble beaucoup à la précédente : le pont de Einstein-Rosen, plus connu sous le nom de trou de ver. De quoi s'agit-il ?

…où creusons y des trous

Un « trou de ver » est un raccourci spatio-temporel entre deux points de l'espace, dont le nom fut forgé par analogie avec les tunnels que creusent les vers dans le sol. Vous passez une porte et hop ! vous voilà au voisinage de Sirius. Étonnant moyen permettant de se déplacer instantanément d'un point de l'espace à un autre. Disposer d'un trou de ver permettrait aussi de voyager dans le passé à condition de pouvoir établir une différence de temps entre ses deux extrémités. Comment faire ?

Supposons qu'initialement le trou de ver connecte deux positions, A et B, proches l'une de l'autre et sans mouvement relatif. Maintenant, mettons l'extrémité B en mouvement jusqu'à une vitesse proche de celle de la lumière en l'arrimant (gravitationnellement) à un vaisseau spatial. Supposons par exemple qu'on lui fasse effectuer un voyage d'un an à 86,6 % de la vitesse de la lumière avant de la faire revenir à son point de départ. A cette vitesse, le temps de l'extrémité voyageuse s'écoule exactement deux fois plus lentement que celui de l'extrémité fixe. Ainsi, à la fin du voyage aller-retour, le temps de B sera en retard d'un an sur celui de A, en vertu de ce phénomène de dilatation temporel. Un message envoyé de B vers A émergera une année dans le futur de B et un message envoyé de A vers B émergera une année dans le passé de A ! On le voit, la capacité de voyager instantanément dans l'espace permet de construire une boucle temporelle fermée et est intimement liée au voyage dans le temps.

Attention, matière exotique !

Pour le tube de Krasnikov comme pour le trou de ver, ce que nous voulons obtenir est une déformation particulière de l'espace-temps, contenant une boucle temporelle fermée. Nous venons de le voir, la théorie de la gravitation d'Einstein nous enseigne que la géométrie de l'espace-temps est fixée par la distribution de matière et d'énergie ; un système d'équations traduit formellement ce lien. Pour réaliser notre objectif, il suffit de calculer, grâce aux équations et au « plan » de l'espace-temps souhaité, quelle est la bonne distribution de matière. Dans les deux cas, la solution obtenue pose problème car elle fait pour partie intervenir une matière hypothétique de masse négative (pour laquelle la force de gravité est répulsive), contrairement à toute la matière que nous croisons habituellement. Par exemple, en utilisant seulement des masses positives pour la construction d'un trou de ver, le voyageur ne pourrait pas en ressortir. En fait, le trou de ver ne serait plus qu'un trou noir avec une entrée et pas de sortie. L'usage de cette matière exotique de masse négative a pour effet de rendre le trou de ver « traversable » en repoussant et en expulsant le voyageur vers sa sortie. Pour l'instant, cette matière n'a jamais été observée en laboratoire, mais il semble que l'on trouve dans l'univers des traces de quelque chose qui lui ressemble. Plusieurs observations indépendantes montrent que l'expansion de l'univers est accélérée, malgré l'attraction gravitationnelle de la matière ordinaire qu'il contient. En mars 2003, l'expérience spatiale américaine WMAP a montré que cette mystérieuse entité répulsive, d'énergie positive mais de pression négative, constituait à peu près les 2/3 du contenu de l'univers ! L'interprétation physique de l'origine de ce phénomène restant encore à bâtir, on peut douter que l'on puisse rapidement se servir de cette matière exotique pour voyager à l'œil jusqu'à Sirius…

Où sont les touristes du futur ?

Tout cela est bien joli, mais nous ne rencontrons pas tous les jours des voyageurs du futur : le voyage dans le passé ne semble donc pas si facile que ça. Deux alternatives sont envisageables : soit le tourisme temporel vers notre époque n'a que peu d'intérêt, soit quelque loi de la nature empêche les boucles temporelles d'être stables.

La première hypothèse est probable, la seconde est plausible : un effet d'amplification détruit la machine temporelle à trou de ver au moment même où elle commence à fonctionner. Comment ? Par une sorte d'effet Larsen gravitationnel ! Lorsque l'on tient un microphone trop près d'un haut-parleur, il émet un son aigu dont l'intensité augmente : le son capté par le microphone est amplifié, puis émis par le haut-parleur, à nouveau capté par le microphone, etc. L'intensité sonore émise par le haut-parleur atteint rapidement la valeur maximale que l'amplificateur est capable de fournir, ce qui se traduit par un sifflement strident caractéristique de l'effet Larsen. Il en va de même dans notre affaire : l'entrée et la sortie du trou de ver jouent le rôle du microphone et du haut-parleur ; la possibilité de voyager dans le passé permettra l'amplification. Imaginons qu'un peu de lumière, entre par une extrémité du trou de ver de sorte à voyager vers le passé de l'entrée. Une partie de la lumière émergeant à l'autre extrémité peut, à son tour, être renvoyée vers l'entrée (avec un habile jeu de miroir). Si le décalage temporel est supérieur au temps mis pour revenir sur ses pas dans l'espace normal, la lumière atteindra l'entrée avant même qu'elle y ait pénétré la première fois. En traversant à nouveau la machine dans le même sens, elle s'ajoute à celle entrée initialement, et ainsi de suite : la lumière s'amplifie indéfiniment en circulant entre passé et futur. Cette amplification catastrophique entraîne une accumulation divergente d'énergie qui va supprimer les matériaux de masse négative nécessaires à la construction du trou de ver. La machine disparaît dans une gigantesque annihilation.

La très grande majorité des physiciens estiment que, bien que le voyage dans le temps soit pensable dans le cadre de la théorie d'Einstein, construire une machine à voyager dans le temps est impossible. Le physicien anglais Stephen Hawking a même érigé cette conclusion en un principe, dit de « protection chronologique » : les machines temporelles sont interdites et s'autodétruisent instantanément si on cherche à les construire. C'est peut-être la fin d'un rêve, mais cela reste l'une des études les plus passionnantes de la physique moderne et une source inépuisable d'histoires de science-fiction !

Bibliographie

Le piège diabolique, Aventure de Blake et Mortimer, E. P. Jacobs.

Peut-on voyager dans le temps ? Gabriel Chardin, Editions Le Pommier.

How to build a time machine ? Paul Davies, Penguin Books.

Time travel in Einstein's universe, Richard Gott, Mariner Books.

Image de une : illustration de Gil Formosa pour La Patrouille du temps (détail).

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