Y comme Year Walk

L'Abécédaire |

Où l'on profite de cette année finissante pour s'aventurer dans la Suède des temps anciens avec Year Walk, jeu d'exploration du studio Simogo…

Year Walk, Jonas Tarestad (Simogo), 2013.

vol2-y-titre.jpg

La fin de l’année approche à grands pas : c’est pile le bon moment pour évoquer Year Walk. À l’origine de Year Walk, petit jeu développé pour appareils mobiles avant d’être disponible sur ordinateurs, et récompensé par une kyrielle de prix, il y a (aurait ?) une tradition de divination, anciennement répandue dans le sud de la Suède : Årsgång, la « marche de l’année ».

Celui qui pratiquait l’Årsgång devait s’enfermer dans le noir pendant toute une journée, en s’abstenant de boire, manger ou parler. Sur les coups de minuit, il se rendait à l’église, dont il effectuait alors plusieurs fois le tour ; des créatures surnaturelles faisaient leur apparition, et le marcheur pouvait alors avoir quelque aperçu de son avenir.

Year Walk débute par un bref prologue, où l’on déambule dans un paysage enneigé jusqu’à ce que l’on atteigne un moulin. À l’intérieur, on y rencontre une jeune fille, Stina, qui reconnaît ses sentiments pour le personnage incarné par le joueur mais qui le prévient qu’on lui a déjà demandé sa main, et qu’elle doit répondre très prochainement. Suis une mise en garde du joueur : attention à l’Årsgång, c’est une pratique non exempte de danger.

vol2-y-stina.jpg

Lorsque le jeu commence pour de bon, la nuit est tombée sur ce coin de campagne. L’Årsgång débute alors… Le joueur va, au cours de ses pérégrinations dans la nève, croiser plusieurs créatures inquiétantes issues du folklore suédois, résoudre plusieurs énigmes, dans le but d’atteindre l’église, d’en faire le tour et d’y connaître son avenir.

vol2-y-brookehorse.jpg

Là où le jeu brille, c’est par son ambiance. Les graphismes, simples, sont de toute beauté, et participent de l’atmosphère. Celle-ci, hivernale, enneigée, et nocturne, s’avère carrément flippante, et se ponctue par quelques scare jumps (ou la crainte d’en subir). La bande-son de Daniel Olsén alterne petites mélodies mélancoliques au piano et morceaux plus hantés.

Le folklore suédois/scandinave, dans ce qu’il a de plus inquiétant, est mis à contribution dans Year Walk, et l’on croise ainsi une huldra, des nourrissons morts, un cheval des ruisseaux… Le jeu s’accompagne d’une encyclopédie détaillant ces diverses créatures ainsi que la tradition de l’Årsgång.

vol2-y-encyclo.jpg

On pourra regretter une chose : la brièveté de Year Walk. Le jeu se termine en une heure ou deux, et laisse une impression de trop peu. Mais… la fin n’est pas la fin. Quand on achève le jeu, une dernière énigme demeure non-résolue : la nature d’un objet. Il faut se garder de quitter le jeu une fois que les crédits s’affichent, car à la fin de ceux-ci s’affichent des indices permettant de terminer réellement le jeu. On découvre alors la véritable histoire et les liens entre Stina et le personnage incarné par le joueur.

En termes de jouabilité, Year Walk est très simple : le joueur se déplace latéralement dans des tableaux qui sont autant de zones, passant de l’un à l’autre en avançant ou reculant. Nul besoin de cliquer partout. Les seules choses requises sont un minimum de réflexion, et également une bonne oreille — l’une des énigmes se base sur des sons musicaux. Les énigmes ne s’avèrent jamais d’une complexité insurmontable, mais réclament cependant au joueur de mettre sa matière grise (et ses oreilles) à contribution.

vol2-y-contes.png
 

Si Year Walk se base essentiellement sur le bestiaire folklorique suédois, on ne peut s’empêcher de penser par endroit à Ander Fagers, auteur suédois responsable des Furies de Borås, formidable recueil où le panthéon lovecraftien est délocalisé dans une Scanie à la fois terne et inquiétante. Shub-Niggurath rôde dans les forêts, et de jeunes bacchantes lui vouent un culte brutal. Pas de lovecrafteries dans le jeu de Jonas Tarestad, mais une même volonté de montrer qu’il y a davantage de choses en la Suède que ABBA, les meubles Ikea et Millénium.Afin d’étendre (un peu, si peu) l’univers de Year Walk, Jonas Tarestad (scénariste du jeu) et Simon Flesser ont sorti un recueil de contes : Contes du soir pour vilains enfants, qui offre cinq histoires centrées sur les créatures que l’on croise dans le jeu. Cinq contes aussi brefs que cruels. C’est joliment illustré, c’est gratuit, et c’est traduit en français — pourquoi s’en priver. ( Hop, par ici !)

vol2-y-keygirl.jpg

Year Walk est dû au studio Simogo, fort de deux membres (Simon Flesser et Magnus “Gordon” Gardebäck), dont la production s’avère très variée, quoique restreinte (bon, ils ne sont que deux) et destinée pour majeure part aux appareils mobiles (dommage pour ceux qui, comme moi, jouent essentiellement sur ordinateur). On trouve ainsi au catalogue du studio un jeu de puzzle minimaliste et mathématique (SPL-T), un jeu de plate-forme rythmé/rythmique (Beat Sneak Bandit), une histoire interactive (The Sensational December Machine), un thriller surréel ( Device 6) ou encore un jeu de pure exploration (The Sailor’s Dream)… On tâchera de s’y intéresser.

Introuvable : nullement
Injouable : non
Inoubliable : oui

Haut de page