Journal d'un homme des bois, 27 janvier 2015

Journal d'un homme des bois |

Francis Valéry, de retour pour une nouvelle saison du Journal d'un homme des bois, nous explique les raisons de son retour ainsi que la culture des topinambours. Si ce légume est affublé d'un nom à coucher dehors et d'une apparence douteuse, il n'en reste pas moins d'une nature délectable et d'une culture tout ce qu'il y a de plus simple. Cultivez le topinambour. Et lisez Francis Valéry.

Ce matin, alors que je m’apprêtais à déterrer des topinambours pour m’en faire, ce soir, une bonne purée, j’ai repensé au mail que m’a envoyé Fabrice Colin, il y a quelques jours, à propos du Journal d’un Homme des Bois – ou plus exactement à propos de sa mise en sommeil, en septembre dernier.

jhb-20150127-topinambour.jpgJ’aime bien les topinambours. C’est le légume le plus facile à cultiver : on fait un petit trou, on dépose un topinambour au fond, on rebouche et on oublie. On peut faire ça à peu près n’importe quand, disons entre septembre et avril. Le topinambour se rappelle à votre bon souvenir en émettant une série de tiges feuillues immenses – elles peuvent atteindre trois mètres. A la fin de l’automne, ces tiges se dessèchent et finissent par se casser et tomber. Direction le tas de compost où elles se décomposent gentiment. On sait alors qu’est venu le temps (du début) de la récolte. En fait, contrairement à la pomme de terre, les topinambours ne gèlent pas. On peut donc aller en récolter pendant des mois, au fur et à mesure des besoins. Il suffit d’avoir repéré (avec un bâton planté dans le sol) l’endroit où se trouvaient les tiges, avant qu’elles ne disparaissent : les topinambours sont à cet endroit, dans le sol, à un maximum d’une quinzaine de centimètres de profondeur – mais certaines affleurent la surface. La bonne méthode consiste à prendre une brouette, à déposer dans la brouette un tamis à mailles d’un centimètre environ, puis à déterrer une grosse motte à l’aide d’une bonne fourche-bêche en y allant doucement, et à poser cette motte sur le tamis. En secouant un peu, la terre passe à travers les mailles et se retrouve au fond de la brouette – et les topinambours (qui font entre 2/3 centimètres de largeur pour les plus petites jusqu’à une quinzaine de centimètres, pour les plus grosses et celles qui, trop serrées, ont fusionné) se retrouvent dans le tamis. Une fois prélevé ce dont vous avez besoin, il suffit de reboucher le trou avec la terre dans la brouette. C’est facile, propre et efficace. Enfin, efficace… façon de parler, parce que de règle générale on oublie toujours quelques topines, les plus petites passant entre les dents de la fourche-bêche et restant dans le sol. Ce qui explique que – sans rien faire – d’autres topinambours pousseront à cet endroit l’année suivante. Car la topine, excusez du peu, n’épuise pas le sol dans lequel elle prospère. Je ne sais pas pourquoi, mais je le constate chaque année. Pour tout dire, la topine (ou le topinambour comme disent les gens savants) serait même du genre envahissante ! Voilà donc un légume qui ne demande aucun travail du sol avant plantation, qui pousse tout seul, qui n’a pas besoin d’être arrosé, qui est très productif, qui peut rester tout l’hiver en terre et ne demande donc aucun lieu de stockage, qui revient chaque année… et qui, en plus, est bien bon ! Si vous avez un potager, même approximatif, et que vous n’y faites pas venir de la topine, c’est que vous êtes idiot. Ou alors, que vous êtes un néo-rural qui aurait mieux fait de rester citadin. Ce qui, au bout du compte, ne fait pas grande différence.

J’ai donc ramassé un bon kilo et demi de topines, prélevées sur une surface de 30 centimètres de côté (deux fois la largeur de ma fourche-bêche), c’est dire la productivité du légume ! Je suis rentré chez moi, j’ai posé les topines sur la table de la cuisine et je me suis mis à travailloter pendant une paire d’heures sur un article pour le prochain livret de la Maison d’Ailleurs, et dont le sujet est une approche du motif du robot considéré comme une métaphore. Si, si.

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En début d’après-midi, après m’être sustenté d’un (grand) bol de riz sauvage agrémenté de petits cubes de tofu et saupoudré de gingembre fraichement râpé, et alors que, de retour au jardin, je m’apprêtais à planter des petits oignons blancs – dans ma région, on peut les planter jusqu’à fin février – j’ai tout soudain repensé à Fabrice Colin. J’avoue avoir été assez surpris de recevoir un mail relatif au Journal de l’Homme des Bois, tant il me semblait évident qu’absolument personne ne le lit. Depuis fin 2011, date approximative du démarrage de ce blog, il a suscité en tout et pour tout un commentaire, provenant d’un vieux camarade et disant, en substance, « ah cool, voici donc de tes nouvelles, toi que j’avais perdu de vue depuis pas mal de temps ». A peu près régulier pendant deux ans, le JhB s’est offert une très longue pause de mai 2013 à juin 2014, sans que cela ne suscite le moindre haussement de sourcil. Une seconde entrée en hibernation entamée en septembre dernier a été sanctionnée par le même silence. D’où la conclusion évidente : personne ne lit ce blog. Erreur ! Personne, sauf Fabrice Colin.

Pour dire vrai et après y avoir bien réfléchi, quand on a aussi peu de lecteurs, on ne peut pas se payer le luxe d’ignorer leurs demandes – on risquerait de se retrouver avec encore moins de lecteurs, si l’on veut bien admettre que « moins que rien » c’est encore « quelque chose », sinon on ne parlerait pas de « trois fois rien » dans le sens de « pas grand-chose ». A la demande générale de Fabrice Colin, nous entamons donc, en ce début d’année 2015, une quatrième saison du Journal d’un Homme des Bois.

Et pas plus tard que demain, si Dieu nous prête vie, nous tenterons de vous expliquer, de manière aussi simple que possible, pourquoi nous ne sommes pas Charlie…

Note : Lettres d’injures, colis de briques en port dû, étrons à divers stades de momification et autres prises de position, plus ou moins courageuses, ostentatoirement laïques et soucieuses de la défense de la Liberté d’Expression, sont à adresser – à titre préventif – aux Éditions du Bélial’.

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